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Et si nous étions tous coupables de l'omniprésence de l'argent sale ?
©Reuters

Bonnes feuilles

De quoi l'argent sale est-il le nom ? Pourquoi est-il devenu un enjeu si important ? Quels sont les moyens mis en oeuvre pour lutter ? Dénoncée depuis des décennies, comment expliquer que cette question ne soit toujours pas réglée ? Didactique et vivant, cet essai s'appuie sur des exemples historiques et actuels pour éclairer ce sujet tabou pourtant omniprésent et de plus en plus pesant dans nos sociétés européennes. Extrait de "L'argent sale : à qui profite le crime ?" de Carole Gomez et Sylvie Matelly, publié aux éditions Eyrolles. (2/2)

Carole  Gomez

Carole Gomez

Carole Gomez est chercheur à l'IRIS, chargée des questions liées à l'impact du sport sur les relations internationales. Elle s'intéresse principalement aux concepts de diplomatie sportive et d'intégrité dans le sport. Elle participe également aux études portant sur les politiques de défense.

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Sylvie Matelly

Sylvie Matelly

Sylvie Matelly est Docteur en sciences économiques et directrice-adjointe de recherche à l'IRIS, spécialiste des questions d'économie internationale et d'économie de la Défense. 

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Sommes-nous coupables de l’argent sale ? La question, aussi provocante soit-elle, mérite pourtant d’être posée. Comment expliquer la reproduction de mêmes schémas au fil des années? Comment expliquer qu’en dépit des nombreux scandales qui émaillent notre quotidien, trop peu de changements interviennent? Comment expliquer la répétition d’actions, que l’on sait pourtant dangereuses pour la démocratie ? Est-ce un manque de clairvoyance ? Est-ce un manque d’information, laissant ainsi les citoyens perdus face à des enjeux qui les dépassent? Ou au contraire, doit-on faire face à un trop-plein d’informations qui provoque chez nous dégoût et lassitude ? Si la frontière sémantique peut être tenue, ne devrions-nous pas préférer le terme «responsables» plutôt que « coupables»?

En matière de corruption, l’avis d’Antoine Peillon est tranché. Dans son ouvrage Corruption – Nous sommes tous responsables, publié en 2014, il considérait que le développement de « cette gangrène se nourrit de la banalité des conflits d’intérêts et des petits arrangements de chacun avec la morale civique ». Égrainant pendant deux cent cinquante pages la succession de scandales de corruption touchant les secteurs de la défense, de l’économie, de la politique locale comme internationale, il met en évidence les liens entre ces affaires et la « crise de régime ». Eva Joly déclarait ainsi en avril 2013 : «Nous sommes au bord de la crise de régime. Le gouvernement doit saisir l’ampleur de la situation et agir en conséquence […] Quant à la droite, qu’elle ne se croie pas en meilleur état : elle-même a fort à faire avec l’affaire Bettencourt, qui est autrement plus grave que l’affaire Cahuzac. »

Dans le domaine de la lutte contre la criminalité organisée, il peut paraître absurde d’associer Monsieur et Madame tout le monde au trafic d’êtres humains, d’armes ou autres joyeusetés. Pourtant, en y regardant de plus près, force est de constater que ces économies parallèles sont désormais inextricablement liées aux économies légales. Prenons le cas de la contrefaçon par exemple. Une étude révélait que 18 % de la population espagnole achetait sciemment des produits contrefaits. Par praticité. Par habitude. Par recherche de prix moindres. Pour des centaines d’autres raisons. Pourtant, en payant ce sac, ces lunettes, ce télé- phone, l’acheteur ne semble pas prendre conscience que son argent permettra d’alimenter groupe criminel, organisation criminelle transnationale, voire même groupe terroriste. Rappelons qu’en France, le gouvernement estime que les revenus engendrés par l’activité de contrefaçon atteignent 6  milliards d’euros par an. À l’échelle internationale, elle est comprise entre 250 et 500 milliards de dollars par an, soit 2,5 % des importations mondiales, selon l’ONUDC.

Dans le domaine fiscal, en dépit des différents scandales braquant les projecteurs sur les paradis fiscaux et la fraude fiscale, certaines banques pointées du doigt, s’étant pourtant engagées à fermer leurs filiales dans les paradis fiscaux, ont au contraire accru leur présence là-bas. La Société Générale, pour ne pas la citer, s’est notamment illustrée avec l’audition de son directeur général devant le Sénat le mardi 17 avril 2012. Il y déclarait notamment que son entreprise avait cessé ses activités là-bas, notamment au Panama. Or, suite aux révélations des Panama Papers, les journalistes ont mis à mal cette affirmation en constatant que la banque y aurait compté 979 sociétés, créées grâce aux services du cabinet Mossack Fonseca, précisant que deux tiers de ces entités avaient été créées par SG Bank & Trust Luxembourg. Les journalistes d’investigation ont noté toutefois le ralentissement de ces créations à partir de 2012. En dépit de ces éléments, la Fédération bancaire française n’hésitait pas à se féliciter en septembre 2016 de l’amélioration de l’image des banques française à un niveau jamais atteint depuis dix ans.

Extrait de "L'argent sale : à qui profite le crime ?" de Carole Gomez et Sylvie Matelly, publié aux éditions Eyrolles.

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