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Pourquoi la France n’a pas à s’inquiéter outre-mesure de la perspective d’une hausse des taux
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Peur sur la Défense ?

Les taux de la dette sont certes bas en France, mais il ne faut céder à l'émotivité ambiante : on est loin de la catastrophe que certains craignent.

Philippe Crevel

Philippe Crevel

Philippe Crevel est économiste, directeur du Cercle de l’Épargne et directeur associé de Lorello Ecodata, société d'études et de conseils en stratégies économiques.

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Atlantico : Dans un contexte de turbulence des marchés financiers, certains acteurs ont pu faire état de leur inquiétude concernant la hausse des taux de la dette française, et ce, malgré un taux proche de 1% pour les obligations à 10 ans, soit un niveau historiquement faible. En se plaçant du côté des investisseurs, et en prenant en compte le constat fréquent de l'abondance d'épargne, ne peut-on pas considérer que dans un environnement instable, notamment sur le plan géopolitique, la France reste une valeur sure pour un placement peu risqué ? 

Philippe Crevel : En matière de taux, il convient de ne pas tomber dans l’émotionnel. L’augmentation des taux est une bonne chose. Elle traduit le retour à la normale. Le taux d’intérêt correspond au prix du renoncement au présent, au prix de l’argent à terme. Sur longue période et hors intervention des autorités publiques, il est égal à la croissance du PIB et des prix anticipée et intègre une prime de risque. Avec une croissance de près de 2 %, une inflation de 1,2 %, le taux de l’OAT à 10 ans est faible, voire très faible, éloigné des taux d’avant crise qui dépassaient aisément les 3 %. Le surcoût pour les finances publiques provoqué par la hausse des taux d’intérêt. Il est minime au regard des gains engrangés ces cinq dernières années, deux à trois milliards d’euros sur trois ans quand l’Etat a économisé des dizaines de milliards d’euros. Par ailleurs, une inflation plus forte érode la valeur du capital et augmente le montant des recettes fiscales ; ces dernières sont également accrues grâce au retour de la croissance.

Malgré un niveau élevé de dettes publiques, la France a traversé la dernière décennie en bénéficiant de taux d’intérêt parmi les plus faibles de l’OCDE. La France a été toujours été considéré comme un bon risque. La capacité à lever l’impôt, la taille de son économie, sa démographie favorable ont constitué des atouts indéniables. Malgré ses défauts, les institutions offrent l’avantage de dégager des majorités claires et donc stables, ce qui est toujours apprécié de la part des investisseurs. Enfin, l’effort d’épargne est relativement important et insensible aux fluctuations de la conjoncture. L’assurance-vie avec ses 1670 milliards d’euros d’encours est un tanker.

Après l'attrait qu'ont pu connaître les pays émergents lors de la décennie 2000, et en constatant notamment les "dérives" constatés dans des pays comme l'Arabie saoudite, ou la Chine - ou le PCC chercherait de plus à en plus à participer aux décisions prises par les sociétés occidentales installées sur place- ou d'autres exemples, l'abondance actuelle de l'épargne ne se trouve-t-elle pas de plus en plus contrainte dans la diversification de ses supports ? 

A l’échelle mondiale, en raison notamment des excédents commerciaux de la Chine et de l’Allemagne, l’épargne reste très abondante. De même, les politiques des banques centrales américaine, européenne, d’Angleterre, du Japon et de la Chine ont contribué à accroître les liquidités. La Chine est un acteur important des marchés financiers et est devenue exportatrice de capitaux dans un double souci de diversification de ses actifs et de sécurisation de ses routes commerciales et de approvisionnements en importation. Il convient de ne pas surestimer les achats des entreprises chinoises à travers le monde dont le montant est, au regard de la puissance économique du pays, faible et sans comparaison avec celui des entreprises américaines ou européennes. Ces deux dernières années, avec des taux d’intérêt historiquement bas, les investisseurs ont privilégié les actions et l’immobilier. Avec des taux qui remontent aux Etats-Unis, des arbitrages sont logiques. Avec des obligations d’Etat américain rémunéré à près de 3 %, avec un dollar faible dont le potentiel d’appréciation est réel, la tentation de revenir sur le marché obligataire US grandit. Si cela peut influer quelque peu sur les flux de capitaux notamment des pays émergents, cela ne devrait pas à moyen terme changer la donne. Les Chinois devraient continuer à investir en Occident dans un souci de diversification.

Dès lors, peut-on considérer que les moteurs actuels des taux bas, notamment pour la France, devraient pouvoir soutenir encore la dette française pour un long moment ? 

Pour la zone euro, la BCE veut, à tout prix, lisser autant que possible la remontée des taux. Pour cela, elle a réaffirmé à plusieurs reprises, qu’elle poursuivrait ses rachats d’obligation au moins jusqu’en septembre et qu’elle maintiendrait ses taux bas inchangés durant de longs mois. L’objectif est d’éviter une remontée trop brutale des taux qui mettrait en difficulté les pays périphériques d’Europe. En outre, le retour de la croissance est, sur le vieux continent, encore récent et fragile. Par ailleurs, l’objectif d’inflation à 2 % n’est pas encore atteint à la différence des Etats-Unis.

Certes, il y a un effet contagion. Les taux américains influencent les taux européens en raison du caractère international des flux de capitaux. L’écart important entre les taux directeurs de la FED et de la BCE qui pourrait atteindre en 2019 près de 3 points sera délicat à gérer. Il pourrait y avoir la tentation pour les investisseurs d’emprunter en Europe pour placer aux Etats-Unis. Cela aboutirait à déprécier l’euro et par ricochet à apprécier le dollar.

Au-delà de la question des taux, la France devra œuvrer pour réduire le poids de la dette publique. S’il n’y a pas de seuil maléfique de la dette publique fixé par avance, il n’en demeure pas moins qu’un montant représentant plus de 100 % du PIB comme en Italie pèse sur le long terme sur la croissance d’un pays. Le paiement des intérêts, le remboursement du capital rendent dépendants l’Etat concerné des variations des marchés financiers.

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