Manifestations en Corse : comment les « natios » ont raflé la mise lors des élections territoriales<!-- --> | Atlantico.fr
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De gauche à droite : Gilles Simeoni, Francois Sargentini et Jean-Guy Talamoni.
De gauche à droite : Gilles Simeoni, Francois Sargentini et Jean-Guy Talamoni.
©PASCAL POCHARD-CASABIANCA / AFP

Analyse

Au terme d’une campagne relativement atone et qui déboucha sur une abstention très importante (47,5%), les nationalistes ont confirmé au-delà de leurs espoirs leur domination électorale lors des législatives de juin 2017. Retour sur ce scrutin qui les avaient vus remporter trois des quatre circonscriptions corses.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Sylvain Manternach

Sylvain Manternach

Sylvain Manternach est géographe-cartographe, formé à l’Institut français de géopolitique, et auteur d'une note sur les résultats du second tour des élections départementales co-écrite avec Jérome Fourquet, Directeur du département Opinion et stratégie d'entreprises de l'Ifop. Parmi ses publications, on retrouve notamment : Perpignan, une ville avant le Front (avec Jérôme Fourquet et Nicolas Lebourg, Fondation Jean Jaurè), Karim vote à gauche et son voisin vote FN (collectif sous la direction de Jérôme Fourquet, éditions de l'Aube), L'an prochain à Jérusalem (avec Jérôme Fourquet, éditions de l'Aube). Prochainement, une double note de Sylvain Manternach (avec Jérôme Fourquet) sur la crise migratoire à Calais et la très nette augmentation du vote FN, paraîtra à la Fondapol. 

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Au terme d’une campagne relativement atone et qui débouchera sur une abstention très importante (47,5%), les nationalistes vont confirmer au-delà de leurs espoirs leur domination électorale et transformer l’essai des législatives de juin 2017 qui les avaient vus remporter trois des quatre circonscriptions corses. La liste Siméoni-Talamoni atteint en effet le score historique de 45,4% au premier tour. Avec ce score frôlant la majorité absolue, les « natios » améliorent de 10 points leurs résultats du second tour des élections régionales de 2015 (35%) qu’ils avaient remportées dans le cadre d’une quadrangulaire. Cette performance est d’autant plus spectaculaire que le tandem Siméoni-Talamoni était concurrencé par une autre liste nationaliste du Rinnovu, emmenée par Paul-Félix Benedetti, et qui obtint 6,7% des voix.

1 Les « natios » ont écrasé la concurrence

Face à ce vote massif en faveur des « natios », les autres listes étaient reléguées très loin derrière. La liste divers droite « corsiste » de Jean-Martin Mondoloni recueillit 15% coiffant au poteau la liste LR officielle conduite par Valérie Bozzi (12,8%). Il est intéressant de constater que la liste ne revendiquant pas le soutien du parti et affichant une sensibilité régionaliste fit davantage recette que la liste de droite officielle. La liste de La République en Marche, emmenée par Jean-Charles Orsucci et François Orlandi, ne pointa qu’en quatrième position avec 11,3% des voix. Cet échec venait confirmer après la présidentielle et la contre-performance des candidats En Marche aux législatives que la Corse était manifestement rétive au macronisme. Les listes contestataires ne rencontrèrent, quant à elles, aucun écho avec un score de seulement 5,7% pour la France Insoumise et de 3,3% pour le FN, qui ne retrouvait ainsi qu’un électeur de Marine Le Pen sur neuf du premier tour de la présidentielle.

Au premier tour, la liste nationaliste écrase le match.

Si les « natios » ont bénéficié de la dynamique enclenchée en 2014 avec la conquête de la mairie de Bastia, puis entretenue en 2015 par leur victoire aux régionales et le « carton » des législatives en juin 2017, d’autres paramètres ont également joué. Le fait que leur action à la tête de la collectivité territoriale depuis deux ans soit jugée assez positivement et la division de leurs adversaires ont participé de ce succès électoral. Mais il faut également mentionner l’image personnelle de Gilles Simeoni, figure charismatique associant le dynamisme de son âge à la renommée de son patronyme. La popularité du leader autonomiste surclasse en effet de très loin celle des autres personnalités politiques insulaires comme en témoigne par exemple l’indicateur du nombre de followers sur Facebook. Sur ce fameux réseau social, Gilles Simeoni comptabilise ainsi pas moins de 45500 abonnés, très loin devant Jean-Guy Talamoni (16500), Laurent Marcangeli (6000), Jean-Martin Mondoloni (1800), Valérie Bozzi (1300) ou bien encore Jean-Charles Orsucci (900). 

Dernier ingrédient parmi d’autres de cette victoire, les « natios » apparaissent aujourd’hui d’après de nombreux observateurs locaux comme la seule formation politique disposant d’une véritable force militante. On estime ainsi à 1500 le nombre de militants ou de sympathisants actifs sur lesquels les « natios » ont pu s’appuyer pour mener une campagne de terrain alors que les autres listes n’ont pas été capables de quadriller le territoire. Forte de cette machine militante et de son audience dans la jeunesse corse, la liste Pè a Corsica (« Pour la Corse ») a pu organiser une série de meetings rassemblant un public nombreux dans une ambiance assez survoltée. Ces rassemblements se sont enchaînés dans la fin de la campagne avec des meetings le 22 novembre à Ghisonaccia, le 24 à Vico, le 27 à Ajaccio, le 29 à Porto-Vecchio, le 30 à Bastia (devant 2000 personnes) et le 1er décembre à Corte. Cette stratégie de campagne a nourri la dynamique et a donné l’image d’une vague puissante que rien ne pouvait arrêter.     

Comme le montre le graphique précédent, l’avance des « natios » sur leurs concurrents était telle (30 points d’écart avec la liste Mondoloni) que l’option, un moment envisagée par certains, de la constitution d’un « front républicain » rassemblant au second tour les deux listes de droite et la liste macroniste pour faire barrage aux nationalistes, tomba d’elle-même au soir du premier tour. Non seulement une telle initiative serait passée comme totalement politicienne et s’apparentant à une basse manœuvre pour s’opposer à la volonté exprimée par une majorité d’électeurs, mais elle n’aurait eu aucune chance de fonctionner, les élections législatives ayant montré qu’une partie des électeurs de droite et macroniens préféraient voter au second tour pour les nationalistes plutôt que se reporter sur le camp adverse.

La droite comme le parti présidentiel n’ont ainsi pas pu s’opposer à une lame de fond qui a porté les nationalistes. Ces derniers ont manifestement progressivement su gagner à leur cause un nombre croissant de Corses. L’audience électorale cumulée des différents partis et listes se revendiquant de cette famille de pensée plafonnait autour de 15% dans les années 1990 et 2000 avant d’atteindre l’étiage de 30% à partir de 2010 puis de franchir symboliquement la barre des 50% lors de ce scrutin.

1992 – 2017 : la montée en puissance du vote nationaliste…

Cette montée en puissance opérée en 20 ans témoigne des efforts menés par cette mouvance pour gagner la bataille culturelle et diffuser ses idées et sa vision. Cela s’explique également, comme on l’a vu précédemment, par une dislocation des forces politiques traditionnelles sur la même période mais aussi par un renouvellement générationnel avec l’arrivée sur la scène électorale de tranches d’âge plus jeunes dans lesquelles le discours des « natios » est dominant. On constate ainsi que moins la population d’une commune est âgée et plus les nationalistes ont enregistré des scores importants lors de ce scrutin. Le graphique suivant met également en évidence une corrélation positive entre la proportion d’électeurs de moins de 65 ans et le score de la liste Mondoloni, qui défendait un programme régionaliste. La génération la plus âgée, à l’inverse, apparaît beaucoup plus hermétique à ces orientations et plus acquise à la droite classique. La liste Bozzi voit ainsi son score augmenter significativement avec les poids des seniors dans la population communale. Hormis les divisions endémiques de la droite insulaire, cette dernière est également handicapée par le vieillissement de sa base électorale à l’inverse des nationalistes. 

…liée en partie au renouvellement générationnel.

Si les générations les plus jeunes ont constitué le cœur de l’électorat « natio », le tandem Simeoni-Talamoni a bénéficié d’une assise électorale bien plus large. Cette liste recueille ainsi dès le premier tour 50% ou plus dans 160 communes sur 360 et elle vire en tête dans 261 communes. Dans toutes les principales villes de l’île, les résultats sont impressionnants : 40,7% à Ajaccio, 44,8% à Bastia, 48% à Corte, 48,2% à Calvi, 48,8% à Porto-Vecchio et 58,2% à Furiani. Hormis quelques poches de résistance « orlandiste » en Castagniccia et « bozziste » dans le sud du Tavaro, la domination des « natios » est totale. 

La liste arrivée en tête au 1er tour des élections territoriales de 2017

Résultats de la liste Simeoni au 1er tour des élections territoriales de 2017 

Ajaccio, place-forte du courant bonapartiste pendant des décennies, accorde 40,7% au tandem Simeoni-Talamoni qui frôle par ailleurs la barre des 50% (48,8%) à Porto-Vecchio, bastion historique de la famille Rocca-Serra.  Beaucoup de points d’appui traditionnels du giacobbisme n’ont pas mieux résisté à la vague nationaliste comme en témoignent les scores de cette liste dans les villages ci-dessous, historiquement acquis au giacobbisme.

La liste nationaliste s’impose dans certains fiefs giacobbistes

Que l’on considère le critère du nombre d’inscrits ou de l’altitude de la commune, les résultats de la liste Simeoni-Talamoni sont homogènes et massifs. Tout au plus, constate-t-on un vote encore plus important dans les communes les plus montagneuses. C’est notamment le cas dans la région du Niolu avec un score de 78,1% à Lozzi, fief des familles Simeoni et Acquaviva, 74,9% à Albertacce, 65,6% à Casamaccioli et 53,2% à Calacuccia et 49,1% à Corscia.

La liste Simeoni-Talamoni s’impose dans tous les types de territoires

2 Un courant qui s’institutionnalise et se notabilise

A l’instar de ce que l’on avait observé lors des régionales de 2015, ce scrutin porte également la trace d’une notabilisation et d’une institutionnalisation progressives de cette famille politique. Sur cette liste composée de 63 candidats, on comptait ainsi pas moins de 29 conseillers territoriaux sortants, 8 conseillers municipaux ou adjoints au maire et 7 maires. Comme c’est le cas pour d’autres courants politiques insulaires, ces maires ont mis à profit leur implantation locale pour doper spectaculairement le score de la liste dans leur commune respective comme le montre le tableau suivant.

Des scores très élevés dans les communes dont les maires étaient présents sur la liste Pè a Corsica

Le crédit dont jouissent les maires auprès de leur population locale s’exprime par exemple dans les propos de cet habitant de Belgodère, commune de Balagne ayant voté à 90,2% pour la liste Pè a Corsica, interrogé par l’AFP : « Ici, c’est une question de confiance envers notre maire. Les gens s’impliquent beaucoup dans la vie du village et veulent la défense des commerces, du médecin, de la vie rurale qui est en train de disparaître et pour laquelle notre maire se bat énormément ». 

Bien qu’issus d’une culture contestant les cadres politiques traditionnels, les « natios » ont désormais des notables qui se sont ancrés dans le paysage politique local. Cette institutionnalisation se constate également à la lecture des postes et fonctions occupés par certains des colistiers. Du fait de leur victoire aux régionales en 2015, les « natios » ont accédé à la présidence des agences et offices publics ou para-publics de l’île, soit autant de places stratégiques conférant respectabilité et influences. La liste Pè a Corsica comptait ainsi dans ses rangs le Président de l’Agence de Développement de la Corse (ADEC), la Présidente de l’Office des Transports de la Corse (OTC), celui d’Air Corsica, le dirigeant de l’Office de Développement agricole et rural (ODARC), celle de l’AAUC (Agence d’aménagement durable, d’urbanisme et d’énergie de la Corse) mais aussi le Président de l’OEHC (Office d’équipements hydraulique de Corse) et celui des CFC (Chemins de fer de Corse).

Parallèlement à ces points d’appui et au contrôle des postes de décision dans de nombreux secteurs de la vie économique insulaire, le courant nationaliste pouvait également compter sur le soutien du STC (Syndicat des Travailleurs Corses). Fort de 7000 adhérents, le STC est implanté dans le salariat corse et dispose de relais nombreux sur le terrain. C’est par exemple des membres de ce syndicat qui ont occupé depuis le début du mois de novembre 2017 les locaux de l’Agence Régionale de Santé pour réclamer davantage de moyens pour le secteur hospitalier insulaire en difficulté chronique. On le voit, les « natios » combinent à la fois un ancrage à la base de la société via le STC mais aussi au sommet avec des positions institutionnelles dont ils ont pris le contrôle du fait de leurs victoires électorales successives. Cette configuration avantageuse, dont aucune autre force politique ne bénéficie sur l’île comme sur le continent, a permis aux « natios » de capter une large audience sur un positionnement interclassiste. Toutefois, le message politique et les revendications portés par cette famille politique ont-ils rencontré un écho singulier dans certaines strates de la société corse ? En particulier, une classe sociale constitue-t-elle le fer de lance électoral des « natios » ?

Le statut de résident qui accorderait une priorité aux autochtones en matière d’achat immobilier et qui constitue une réponse à la hausse du foncier et aux difficultés des insulaires les plus modestes à se loger sur l’île est l’une des mesures phares du tandem Simeoni-Talamoni. Associée à la charte pour la corsication des emplois et à la revendication sur la co-officialité de la langue corse (qui se traduirait de fait par un avantage évident pour les Corses vis-à-vis des continentaux dans les procédures de recrutement dans la fonction publique), cette mesure dessine un projet de mise en place d’une politique de préférence nationale ou régionale. Pour Christophe Guilluy, cette offre politique aurait pleinement vocation à répondre à l’insécurité économique et culturelle des catégories populaires insulaires. Cependant, l’analyse des chiffres révèle une absence de corrélation au niveau communal entre l’intensité du score de la liste Pè a Corsica tant avec la proportion d’ouvriers et d’employés qu’avec celle des « autres inactifs » (demandeurs d’emplois, femmes au foyer…). Ces données n’invalident pas cette thèse mais signifient que les catégories populaires n’ont tendanciellement pas voté plus fortement ou moins fortement pour cette liste que l’ensemble de la population corse.

3 Des professions indépendantes fortement acquises aux nationalistes

Les « natios » ne sont pas en difficulté électorale dans les milieux populaires, mais ces derniers ne constituent donc pas pour autant la base la plus acquise des « natios ». Les classes moyennes et les cadres ont en revanche manifestement moins voté pour eux que la moyenne des électeurs. La liste Pè a Corsica n’obtient ainsi que 39,7% en moyenne dans les communes où ces catégories sont les plus représentées (plus de 40% des actifs), 46,4% dans les communes où ces groupes sociaux sont un peu moins présents (30 à 40% des actifs) et un score moyen plus élevé (48,8%)  dans la strate de communes la moins bien pourvue en cadres et classes moyennes (moins de 30% des actifs). Le fait qu’une part significative de ces catégories soit constituée de membres de la fonction publique d’Etat (enseignants, infirmières, catégories A et B de l’administration) peut en partie expliquer le moindre engouement pour un courant politique tenant un discours critique vis-à-vis de Paris et de « l’Etat français », dont ces personnels dépendent et qu’ils incarnent. Par ailleurs, l’attrait assez prononcé des classes moyennes et des cadres pour le macronisme qui a été observé au plan national existe également dans une certaine mesure en Corse. La liste Orsucci-Orlandi, qui portait les couleurs de La République en Marche, enregistre ainsi un score moyen de 16,3% dans les communes affichant la plus forte proportion de cadres et de classes moyennes contre 12,3% dans la strate de celles en ayant le moins. Cette implantation naissante du parti présidentiel dans ces milieux y a sans doute freiné la dynamique « natio ».   

Le cœur battant de l’électorat régionaliste semble en revanche davantage se situer au sein des professions indépendantes : commerçants, artisans, chefs d’entreprise et agriculteurs. Ces milieux, statistiquement plus présents en Corse que sur le continent compte tenu des spécificités économiques insulaires (poids important du secteur du tourisme, de la restauration, du bâtiment et de l’agriculture), ont témoigné de longue date de leur perméabilité aux idées des « natios ». Des listes se revendiquant de cette mouvance ont régulièrement obtenu de bons résultats aux élections consulaires et la CCI d’Ajaccio a été un temps dirigée par des membres du Mouvement Pour l’Autonomie (MPA) d’Alain Orsoni. Comme le montre le graphique ci-dessous, une corrélation nette existe entre la proportion d’indépendants et d’agriculteurs et l’intensité du vote en faveur de la liste Pè a Corsica au niveau communal. 

Un vote pour la liste Simeoni-Talamoni indexé sur le poids des professions indépendantes dans la commune.

Cette liste, qui comptait pas moins de cinq membres des professions libérales (médecins, avocats…), quatre commerçants ou chefs d’entreprise et deux agriculteurs, a manifestement fait le plein dans cet électorat. La proposition de création du statut de résident offrant la priorité sur les continentaux a sans doute suscité de l’intérêt dans ces milieux assez actifs en matière immobilière. On peut également penser que la revendication de davantage d’autonomie en matière règlementaire et fiscale prônée par les « natios » est en phase avec un état d’esprit de ces professions, rétives aux contrôles de l’administration et fustigeant avec des accents poujadistes le poids trop important de la pression fiscale et le trop plein de normes et de réglementations. 

Pour les acteurs économiques corses, le programme des nationalistes demandant un droit à l’expérimentation et davantage de latitude pour adapter le cadre réglementaire aux spécificités de l’île semble être le plus adéquat et le plus intéressant. Il est intéressant de constater qu’en Catalogne, ce sont également les indépendants et les petits patrons qui constituent la catégorie la plus en soutien des nationalistes. Selon un sondage réalisé juste avant le scrutin en Catalogne, le souhait d’indépendance s’établissait à 62% dans ces milieux contre 52% parmi les salariés en CDI et 41% auprès des salariés en CDD ou en intérim. Dans ces deux territoires, ce sont donc les catégories les plus insérées dans la vie économique et sociale qui soutiennent le plus la cause indépendantiste ou autonomiste. Hormis l’aspiration à davantage d’autonomie et d’indépendance vis-à-vis de l’administration déjà mentionnée, cela est sans doute en lien, d’une part, avec le fait que les « natifs » sont surreprésentés dans ces groupes socio-professionnels. En effet, les agriculteurs, artisans et commerçants et petits patrons sont plus souvent du cru et ont assez fréquemment repris l’activité familiale héritée de leurs parents. On peut également penser, d’autre part, que ces catégories sont moins attachées à l’Etat central alors que les publics économiquement plus précaires, comme les salariés en CDD ou en intérim, qui alternent avec des périodes de chômage, sont plus sensibles à l’argument de la pérennité d’une protection sociale assurée par l’Etat.  

Si les commerçants et les petits patrons corses partagent avec leurs homologues continentaux une certaine défiance vis-à-vis de l’administration et du fisc, ils sont exposés, dans des proportions inconnues sur le continent, au racket et à la prédation de la criminalité organisée. Une seule liste, celle des nationalistes, emmenée par Paul-Félix Benedetti et Jean-Baptiste Arena, a dénoncé l’émergence d’une « société mafieuse » sur l’île. Mais son positionnement plutôt à gauche et plus radical sur les fondamentaux du nationalisme lui a semble-t-il aliéné le soutien des indépendants et des petits patrons.

4 Comparaison avec la situation catalane

Quand la crise catalane a éclaté, les leaders nationalistes corses ont tout de suite mesuré le danger que pouvait représenter l’exemple catalan. L’escalade et la surenchère provoquées par la déclaration d’indépendance tout comme l’instabilité politique et économique se développant pouvaient servir de parfait repoussoir. Il s’agissait donc de se démarquer de la stratégie aventureuse poursuivie par Carles Puigdemont pour rassurer la majorité de l’électorat insulaire non indépendantiste que le projet des « natios » n’était pas de déclarer l’indépendance de l’île au lendemain de l’élection.  Le 22 novembre, Gilles Simeoni signait une tribune dans Le Monde en ce sens intitulée « La Corse n’est pas la Catalogne ». Alors que l’idée d’indépendance pour une région peuplée de plus de 7 millions d’habitants et disposant d’un poids économique important peinait à convaincre, un tel scénario paraissait encore moins plausible pour une Corse comptant seulement 300 000 habitants et pesant 0,5% du PIB français. C’est pour cela que les nationalistes mirent en avant le fait qu’ils réclamaient à date seulement un statut d’autonomie et qu’ils inscrivirent leur programme dans une démarche progressive : d’abord développer la Corse puis, dans dix ans, si les conditions économiques et sociales sont réunies, alors organiser un référendum. 

Cette posture modérée visait à ne pas brusquer ou inquiéter l’électorat insulaire mais aussi à fédérer le plus largement possible les différentes composantes de la population corse en n’adoptant pas de positions trop clivantes. En Catalogne, les enquêtes d’opinion, comme les résultats des élections, ont montré que la société catalane était divisée en deux blocs antagonistes. Et cette ligne de fracture se fait très clairement sur le critère des origines et plus encore linguistique. Ainsi, 75% des électeurs nés en Catalogne se déclarent favorables à l’indépendance quand 60% de ceux nés dans d’autres régions d’Espagne ou à l’étranger y sont opposés.  Les « natifs » penchent ainsi massivement pour les nationalistes quand les « allochtones » sont unionistes. L’opposition est encore plus marquée en fonction du critère linguistique. 81% des électeurs qui s’expriment principalement ou prioritairement en catalan sont acquis à l’indépendance quand 73% de ceux qui optent pour le castillan sont pour le maintien de la Catalogne dans l’Espagne et ceux qui parlent autant catalan que castillan sont parfaitement partagés (47,5% pour l’indépendance et 46,5% contre). Les données démontrent par ailleurs que la dynamique linguistique en Catalogne est nettement en faveur du catalan. Du fait de la politique très volontariste menée par la Generalitat, la pratique du catalan a gagné du terrain. Comme le montre le graphique suivant, 56% des personnes résidant en Catalogne ont grandi dans des foyers où l’on parlait le castillan alors que seulement 45% considèrent aujourd’hui le castillan comme leur langue. Parallèlement, 35% ont grandi dans des foyers catalanophones mais 43% désignent aujourd’hui le catalan comme leur langue principale.     

La dynamique linguistique en Catalogne

Ces éléments éclairent d’un jour particulier les revendications des nationalistes corses sur la co-officialité de la langue corse. Le cas catalan montre, d’une part, comme une volonté politique s’appuyant sur des moyens institutionnels (enseignement, services publics locaux, politique culturelle etc) peut développer la pratique d’une langue dans une population. On voit, d’autre part, que, dans un contexte sécessionniste, la langue parlée peut devenir un marqueur électoral extrêmement structurant. Si l’on se fie à la « jurisprudence » catalane, on peut penser que si la pratique de la langue corse se renforce et se diffuse dans les prochaines années sur l’île (avec ou sans la co-officialité mais sous l’effet d’une démarche proactive de la Collectivité Territoriale), le sentiment indépendantiste devrait gagner du terrain. 

Pour l’instant, l’indépendance n’est pas à l’ordre du jour et le tandem Simeoni-Talamoni n’a revendiqué qu’une autonomie renforcée. Cette ligne politique raisonnable a manifestement séduit de larges pans de l’électorat corse. Alors que lors des élections régionales de 2015, les « natios » avaient bénéficié d’un vote plus affirmé dans la partie de l’électorat né en Corse, les résultats sont en 2017 identiques dans les communes comptant les plus faibles et les plus fortes proportions d’électeurs nés sur l’île. Alors qu’en Catalogne la question de l’indépendance a très fortement polarisé la société entre « natifs » et « allochtones », le positionnement seulement autonomiste des « natios » corses leur a permis de rallier autant de soutiens dans les deux composantes de la société insulaire.

Le score de la liste Simeoni-Talamoni en fonction de la proportion de la population de la commune née en Corse.

Dans le cadre des négociations futures avec le Gouvernement et d’un projet à cinq ou dix ans, la question se posera donc pour les nationalistes de savoir jusqu’où ils peuvent pousser le curseur vers l’objectif d’une indépendance sans cliver davantage la société corse et s’aliéner, comme c’est aujourd’hui le cas de leurs homologues catalans, la majeure partie de l’électorat allochtone qui constitue, on le rappelle, la moitié du corps électoral insulaire.   

5 Où sont passés les électeurs frontistes ?

Si le score massif des « natios » a constitué l’enseignement majeur de ce scrutin, l’effondrement du FN est également un élément particulièrement marquant. En effet, alors que Marine Le Pen était arrivée en tête avec 27,9% des voix au premier tour, la liste frontiste n’a recueilli huit mois plus tard que 3,3%, soit un score divisé quasiment par neuf. Le mouvement frontiste a certes été électoralement affaibli à la suite de la mauvaise performance de Marine Le Pen lors du débat d’entre-deux-tours et les candidats FN ont enregistré d’importantes pertes partout en France lors des législatives. Cette démobilisation qui s’est abattue dans les rangs frontistes au lendemain du second tour de la présidentielle a sans doute frappé également en Corse lors de ce scrutin territorial. On sait également que sur l’île l’audience du FN varie fortement entre les scrutins nationaux et locaux. Mais même en intégrant ces différents paramètres, l’ampleur de l’hémorragie n’en demeure pas moins spectaculaire. On rappellera ainsi que le FN avait atteint 10,6% des voix au premier tour des élections régionales de 2015 soit trois fois plus pour ce scrutin.

Sous l’effet d’un phénomène de démoralisation, il semble qu’une part significative de l’électorat frontiste se soit réfugiée dans l’abstention. Comme on peut le voir sur le graphique suivant, on constate en effet une corrélation très nette entre vote Le Pen à la présidentielle et abstention lors de cette élection territoriale. 

Une absention nettement plus élevée dans les communes frontistes.

C’est ainsi dans les communes qui avaient le plus voté pour Marine Le Pen en mai 2017 que l’abstention a été la plus importante.   

Le refuge dans l’abstention constitue donc un des éléments d’explication de l’érosion sans précédent de l’électorat FN. Une autre hypothèse, complémentaire, est parfois avancée : celle d’un report massif de l’électorat frontiste sur le vote « natio ». L’analyse statistique menée à l’échelle de l’ensemble des communes corses ne permet pas de valider positivement cette thèse. La corrélation entre les variables vote Le Pen à la présidentielle et vote « natio » à l’élection territoriale est faible. L’électorat lepéniste de la présidentielle n’a donc pas massivement basculé vers la liste Simeoni-Talamoni. Pour autant, si ces deux électorats sont en bonne partie distincts, il existe néanmoins une porosité partielle entre eux.  L’observation détaillée des résultats montre en effet que la liste « Simeoni-Talamoni » a obtenu des scores massifs dans des communes où Marine Le Pen avait recueilli un volume très important de voix quelques mois plus tôt. La mise en regard de ces chiffres indique que localement une part significative de l’électorat a voté Le Pen à la présidentielle et « natio » en décembre.    

Comparaison des votes Le Pen à la présidentielle et Simeoni-Talamoni à la territoriale dans certaines communes

Le cas de Prunelli-di-Fiumorbo est assez emblématique de ce phénomène. Cette commune située sur la côte orientale fait historiquement figure de bastion nationaliste et la liste Simeoni-Talamoni y a obtenu pratiquement 60% dès le premier tour lors de ce scrutin. Mais quelques mois plus tôt, au premier tour de la présidentielle, Marine Le Pen y était arrivée largement en tête en engrangeant 36,9% des voix. Un fait divers a montré comment sur le terrain la défense de l’identité corse - ressort du vote « natio » - et la « lutte contre l’islamisation », principal carburant du frontisme, pouvaient se mêler. Le 26 juin 2015, la kermesse de fin d’année de l’école de Prunelli-di-Fiumorbu était annulée et une plainte était déposée car des enseignantes, qui avaient prévu de faire chanter aux élèves la chanson « Imagine » de John Lennon en cinq langues dont l’arabe, essuyèrent de virulentes critiques voire des menaces de la part de certains parents. Pour ces derniers, ils n’étaient pas question que leurs enfants parlent ou chantent en arabe. Les propos de Laurent, habitant du village interrogé au micro de RMC à cette occasion traduisent bien cette crispation identitaire face à l’initiative des enseignantes : « On a déjà des demandes pour les cantines, des femmes voilées qui viennent chercher les enfants à l’école, maintenant ils font une chanson avec un couplet en arabe. Et demain on aura un poème totalement arabe ? Et dans 10 ans qu’est-ce qu’on aura ? ». 

6 La droite divisée

Face aux nationalistes, qui partaient unis et qui bénéficiaient d’une véritable dynamique, la droite corse, fidèle à ses habitudes, n’a pas été capable de s’entendre pour mener une liste commune au premier tour. José Rossi et Camille de Rocca-Serra, qui s’étaient affrontés à plusieurs reprises lors des précédentes consultations, ont certes passé la main mais le premier soutenait la liste LR officielle de Valérie Bozzi, quand le second figurait en septième position de la liste de droite régionaliste (« corsiste ») de Jean-Martin Mondoloni. Avec respectivement 12,8% et 15% au 1er tour, les deux listes firent un score assez proche mais étaient reléguées à 30 points du tandem Simeoni-Talamoni. Face au rouleau compresseur des « natios », la droite divisée et représentée par des têtes de liste encore peu connues, n’est pas parvenue à rassembler et à peser en mobilisant de nombreux relais. Ainsi, la liste « A Strada di l’Avvene » (la voie de l’avenir) de Jean-Martin Mondoloni ne comptait que 6 maires pour 63 colistiers. Comme le montre le tableau ci-dessous, les premiers édiles colistiers ont apporté leur quota de voix dans leurs communes respectives mais en 2015, la liste Rossi alignait 14 maires et la liste Rocca-Serra 13 (sur un total de 51 colistiers par liste à l’époque) soit un ancrage local beaucoup plus large.

Les scores de la liste de Mondoloni dans les communes dont le maire était colistier

C’est dans la commune de Guargualé, que la « prime au maire » a été la plus forte (85,4% pour la liste Mondoloni). Il s’agit d’une commune historiquement de droite, située dans un terroir de droite, la vallée du Taravo, dont nous avons parlé précédemment. Outre cette localisation et le rôle prescripteur du maire, le cas de cette commune est intéressant dans la mesure où il permet d’approcher le poids des réseaux familiaux. Dans cette petite commune ne comptant que 144 inscrits, on dénombre pas moins de 18 Casanova et une épouse Casanova, patronyme laissant supposer que ces électeurs peuvent être apparentés à Madame Paule Casanova-Nicolai, maire de la commune.

Dans d’autres communes, le maire n’était pas présent sur la liste mais il l’a soutenue. Cette prise de position a eu un effet électoral certain puisque dans toutes les communes concernées, le score de la liste est significativement plus élevé que la moyenne. C’est le cas à Porto-Vecchio (27,9%), Ville di-Pietrabugno (30%), Monte (37,2%), Calvi (39,7%), fief d’Ange Santini et de Propriano (41,3%). Si la prime est réelle, le rendement électoral de ces soutiens a été nettement moins élevé que celui des maires colistiers. En moyenne, la liste Mondoloni a obtenu 35,2% dans les communes dont le maire la soutenait contre 56,2% dans celle dont le maire était colistier, soit un écart de 21 points. On le voit, la capacité à aligner un nombre important de maires sur sa liste demeure un atout électoral important pour les forces politiques traditionnelles en Corse.

La propension à bien couvrir le territoire en est une autre. Or la liste de Jean-Martin Mondoloni, malgré des soutiens dans le sud (Camille de Rocca-Serra), affichait une représentation géographiquement déséquilibrée. Parmi les 63 colistiers, on comptait en effet 41 habitants de Haute-Corse et seulement 22 de Corse-du-Sud. Lui-même implanté en Haute-Corse, il a manifestement eu quelques difficultés à étendre son maillage dans le sud. Le score s’en ressent quelque peu : 14,1% en Corse-du-Sud contre 15,7% en Haute-Corse. Valérie Bozzi, qui elle, au contraire, présentait une liste très « sudiste » avec une surreprésentation des soutiens autour de son fief de Grosseto-Prugna, obtient 17,5% dans son département de Corse-du-Sud (traditionnellement le plus favorable à la droite) mais seulement 8,6% en Haute-Corse. Alors que l’objet de l’élection résidait dans la mise en place de la collectivité unique fédérant les deux départements, la coupure géographique demeurait forte pour la droite LR, repliée sur la Corse-du-Sud. 

De ce point de vue, l’implantation de Jean-Martin Mondoloni en Haute-Corse présente une tentative pour la droite de sortir de son pré carré et de s’adresser à un autre électorat. Cette volonté de se tourner vers des clientèles électorales différentes s’est également manifestée dans la composition sociologique de cette liste dont 12 colistiers sur 63 appartenaient au monde de l’Education nationale, proportion que l’on retrouve habituellement sur les listes de gauche… Autre manifestation de la volonté de cette liste de dépasser les frontières habituelles de la droite, Jean-Martin Mondoloni a pu s’appuyer sur des anciens membres des réseaux giacobbistes. Paul-Marie Bartoli, le maire de Propriano ou Michel Rossi, premier édile de Ville-di-Pietrabugno le soutinrent par exemple ce qui pesa électoralement avec des scores de respectivement 41,3% et 30% dans les deux villes. Francis Guidici, maire giacobbiste de Ghisonaccia, figurait sur sa liste qui atteignit 49,3% dans cette commune. On note également des scores supérieurs à la moyenne dans le cœur de la « Giacobbie » : 30,9% à Venaco, 24,1% à Vivario, 30,7% à Santo-Pietro-di-Venaco et 30,8% à Muracciole. Si ces soutiens d’une partie des réseaux giaccobistes se sont traduits localement par un apport de voix non négligeable, ceci a peut-être contribué à brouiller quelque peu le positionnement de la liste et ne lui a pas permis de dépasser au total la barre des 15% des voix.      

Ce score est néanmoins supérieur à celui de la liste de Valérie Bozzi, représentante de la droite officielle qui n’a pointé au premier tour qu’en troisième position avec 12,8% des voix. Comme on l’a vu précédemment, cette liste a souffert d’un enclavement sociologique (avec un électorat surtout composé de personnes âgées) et géographique. La liste « Voir plus grand pour elle » n’a en effet pas été en capacité d’atteindre la barre des 10% en Haute-Corse. La carte des résultats fait clairement ressortir la frontière entre les deux départements avec l’essentiel de ses zones de force en Corse-du-Sud. 

Résultats de la liste Bozzi au 1er tour des élections territoriales de 2017

Mais au sein de ce département, les régions de Porto-Vecchio, acquise à la liste Mondoloni (via le soutien de Camille de Rocca-Serra), de Bonifacio, acquise à la République En Marche (fief de Jean-Charles Orsucci) ainsi que des Deux Sévi (région de Piana), acquise aux nationalistes ont faiblement voté pour la liste de droite officielle. Cette dernière a construit son score essentiellement dans l’ère ajaccienne (25,5% dans cette ville, dont le maire Laurent Marcangeli la soutenait) et dans la partie centrale du département située entre Grosseto-Prugna (commune dont elle est maire et qui a voté à 49,7% pour elle), Palneca (57,1%), Mela (35,6%) et Albitreccia (38,6%), communes dont le maire figurait sur la liste.   

Cette liste s’affichait très clairement comme opposée à l’autodétermination et à l’indépendance et ce faisant se posait clairement en adversaire acharné des « natios ».  Même si, comme on l’a vu, ces derniers ont rencontré un très large écho en adoptant une ligne autonomiste, une part significative de la société insulaire demeure opposée à leurs choix, mais la liste Bozzi n’est manifestement pas parvenue à fédérer largement l’électorat anti-nationaliste. Hormis la division de la droite et l’assise politique restreinte de la tête de liste, un autre facteur a peut-être également joué.

Antoine et Marie-Jeanne Bozzi, les parents de Valérie Bozzi, furent écroués pour proxénétisme en 2002 et neuf ans plus tard en 2011, la même Marie-Jeanne Bozzi, élue depuis maire de Grosseto-Prugna, fut abattue dans sa commune dans le cadre d’un règlement de compte. Elle était en effet la sœur de Jean-Toussaint Michelozzi et d’Ange-Marie Michelozzi, ce dernier étant une figure du grand banditisme corse, qui fut assassiné quelques temps auparavant. Le pedigree sulfureux d’une partie des familles Bozzi et Michelosi a peut-être constitué un handicap d’image pour cette liste qui comptait également parmi ses membres Danielle Quilichini, qui fut mise en cause par la justice pour abus de biens sociaux et faux dans le cadre du projet de rénovation du port de plaisance de Propriano entre 2003 et 2006.

Notes : 

1 Gilles Simeoni est le fils d’Edmond Simeoni, grande figure du mouvement nationaliste corse qui prit notamment part aux événements d’Aléria en 1975, acte de naissance de ce mouvement.

2 Cf : Les nationalistes à la conquête de la Corse. J. Fourquet et S. Manternach. – Note de la Fondation Jean Jaurès – Novembre 2017.

3 Critère permettant de rendre compte de la diversité des situations entre les communes du littoral (où se concentre l’activité économique) peu élevées, et les communes de l’intérieur moins dynamiques et souvent situées en zone montagneuse.

4 Dans cette dernière commune, la liste nationaliste dissidente du Rinnovu a obtenu 20,3% des voix et a donc sérieusement concurrencé le tandem Simeoni-Talamoni. Hormis le fait que le Niolu soit un terroir historiquement acquis aux « natios », ce score important de la liste Benedetti peut s’expliquer par la présence sur cette liste de Marina Drai-Albertini, originaire de Corscia. Or dans cette commune comptant 242 inscrits sur les listes électorales, on dénombre pas moins de 49 personnes portant le patronyme Albertini plus 13 femmes avec un autre nom de jeune fille mais ayant épousé un Albertini. Même si ce patronyme est courant en Corse, on peut penser qu’une bonne partie de ces personnes inscrites dans le même petit village de montagne sont apparentées à un niveau plus ou moins proche. Et ces liens familiaux ont sans doute été mobilisés par la candidate dans le cadre de la campagne.

5 Cf. « La nouvelle question corse » – J. Fourquet – Editions de l’Aube - 2017

In « Corse : à Belgodère, les nationalistes incarnent espoir et proximité ». AFP 05/12/2017

Cf « Misère et dysfonctionnement des hôpitaux corses » in Le Monde 27/11/2017.

Mais aussi via les différents syndicats étudiants corses qui sont hégémoniques à l’université de Corte.

Cette charte locale de recrutement défendue par Jean-Guy Talamoni a été signée le 24 mai 2017 par les présidents des chambres de commerce, des métiers et de l’agriculture mais aussi par le STC. Si le Medef et la CGT s’y sont opposés, on voit que les « natios » bénéficient de soutiens puissants dans le salariat mais également parmi les socio-professionnels et le monde patronal insulaire.  

10 La co-officialité impliquerait en effet que tous les fonctionnaires parlent corse, ce qui constituerait de fait une barrière à l’entrée des non corses.

11 In « Johnny, la Corse et la France périphérique ». Le Figaro, 13/12/2017.

12 Pour railler l’influence de ce mouvement dans ces milieux socioprofessionnels et le penchant affairiste que prirent progressivement certains membres de cette organisation, le MPA fut à l’époque rebaptisé « Mouvement Pour les Affaires » ou « Mouvement Pour Alain » [Orsoni] par ses détracteurs.

13 A titre de comparaison, la liste Bozzi comptait 7 professions libérales, 4 commerçants ou chefs d’entreprise et 1 agriculteur. Alors que la droite est traditionnellement mieux implantée dans ces milieux et que Valérie Bozzi est elle-même avocate, les « natios » ont aligné quasiment autant de représentants de ces catégories que la droite.

14 Cf « Barometre d’Opinio Politica n°42 – octobre 2017» du Centre d’Estudis d’Opinio

15 En Lombardie et en Vénétie, la Ligue du Nord est également très bien implantée parmi les dirigeants de PME et les artisans, qui constituent un tissu très dense dans ces régions industrieuses.

16 Cf par exemple Hélène Constanty « Corse, l’étreinte mafieuse ». Fayard, 2017

17 Cf : les nationalistes à la conquête de la Corse – Note de la Fondation Jean Jaurès.

18 Cette surreprésentation s’explique également par le fait que Jean-Martin Mondoloni est lui-même proviseur. Ses réseaux professionnels et relationnels se situent donc logiquement davantage dans ce milieu. On peut alors aussi voir dans ce chiffre la difficulté qu’il a rencontrée à sortir suffisamment de cette sphère pour toucher davantage d’autres composantes de la société insulaire.

19 Une autre partie s’étant ralliée à la liste de la République en Marche emmenée par Jean-Charles Orsucci et François Orlandi.

20 Pierre-Jean Lucciani, présent en 4ème position sur la liste, est également élu municipal d’Ajaccio sous les couleurs du Comité Central Bonpartiste (CCB), mouvement qui régna pendant des décennies sur la capitale impériale. Pierre-Jean Lucciani était, par ailleurs, président du Conseil Départemental de Corse-du-Sud.

21 A l’instar de ce que l’on a observé précédemment dans certains villages, le poids de la parentèle dans le corps électoral communal renforce parfois « l’effet maire ». C’est le cas par exemple à Palneca où pour un total de 177 inscrits, on dénombre 24 Santoni, 3 Antoine-Santoni et 10 épouses Santoni, le maire colistier de Valérie Bozzi, s’appelant Pierre Santoni.   

22 Cf « Marie-Jeanne Bozzi, dernière cible du clan » Europe 1. 22/04/20111

23 Cf « La Guerre des parrains corses » J. Follorou – J’ai Lu. 2014

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