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Le mystère de la mort soudaine et massive des antilopes
©ANATOLY USTINENKO / AFP

SOS Saigas

Dans les plaines kazakhes, une enquête scientifique de vaste ampleur a mis trois ans pour identifier ce qui avait provoqué la mort de 150 000 antilopes saiga : une forte humidité due au changement climatique couplée à une bactérie inoffensive en temps normal. Et ce n'est pas un cas isolé...

Eve Afonso

Eve Afonso

Maître de conférence au laboratoire chrono-environnement de l'université de Franche-Comté, spécialiste de l'écologie des populations animales.

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Atlantico : Dans l'article de The Atlantic, on peut lire : "Le climat est la gâchette, [la bactérie] Pasteurella la balle". Que s'est-il passé dans le cas des saigas ? Connaissez-vous d'autres exemples d'exemples d'extinction de masse provoqués par un tel mécanisme, ou est-ce un cas isolé ?

Eve Afonso : Le déclin des saigas est un exemple assez spectaculaire et bien connu, au-delà des épisodes de mortalité massive que relate cet article. Les populations de saiga ont commencé à décliner principalement au siècle dernier, et les spécialistes du sujet attribuent ce déclin à la chasse, aux pressions de prédation (notamment par les loups), aux changements climatiques et à la transmission de maladies infectieuses (voir l'article de Milner-Gulland et al., 2001). Ce sont des causes de déclin qu'on retrouve couramment pour la faune sauvage (voir pour cela Dirzo et al., 2014 et/ou Ceballos et al., 2015 qui résument très bien cela). Aucune de ces causes ne suffit cependant à elle seule pour expliquer le déclin, cependant les épisodes de mortalités massives comme celles décrites dans l'article sont fréquemment associées à des maladies infectieuses. Dans le cas des saigas, une pasteurellose transmise par la faune domestique (probablement le bétail) chez qui l'infection est assez répandue pourrait être à l'origine de ces épisodes.

Ce n'est pas un cas isolé, on connait plusieurs exemples de mortalité massive, souvent associés à des maladies, comme des chytridiomycoses pandémiques chez les amphibiens, l'expansion rapide de tumeurs faciales infectieuses chez le diable de Tasmanie, ou des morbillivirus infectant des mammifères marins. Les Etats-Unis connaissent également des cas inquiétants de mortalité massive dans de nombreuses colonies de chauves-souris, qui seraient dus à un champignon, Pseudogymnoascus destructans, qui cause le syndrome du nez blanc.

Atlantico : Sachant que l'être humain - comme beaucoup d'animaux - vit en symbiose avec de nombreuses bactéries, est-il possible que le changement climatique les rendent dangereuses pour l'homme ?

Ce n'est pas impossible, mais l'immense majorité des études portant sur la relation entre changement climatique et agents infectieux s'est plutôt concentrée sur l'aire de répartition et la prévalence, plutôt que sur la virulence. Voir pour cela Patz et al., 1996, qui date un peu mais qui résume bien les recherches menées sur le sujet. Pour résumer, le réchauffement climatique aurait plutôt tendance à augmenter l'aire de répartition des parasites, à favoriser leur survie dans le milieu extérieur (= le sol, l'eau par exemple), à favoriser les pullulations de rongeurs (qui peuvent être réservoirs d'agents pathogènes) et l'émergence ou la réémergence des agents infectieux. Il est possible qu'il y ait un effet sur la virulence mais je n'ai pas connaissance de telles études.

Atlantico : Selon une étude de l'université de San Diego, on enregistre chaque année un évènement d'extinction de masse supplémentaire chaque année depuis 70 ans. Quelles sont les conséquences de ces évènements sur les activités humaines ? Et sur notre capacité à protéger ces espèces ?

Les espèces animales et végétales fournissent ce qu'on appelle des services écosystémiques, par exemple la pollinisation ou la consommation d'insectes ravageurs. Des scientifiques ont par exemple chiffré qu'une seule colonie de 150 individus de grande chauve-souris brune consomme chaque année près de 1.3 millions d'insectes ravageurs. Le déclin des chauves-souris observé actuellement aux Etats-Unis pourrait représenter plusieurs milliards de dollars de pertes économiques pour l'agriculture Nord-Américaine (voir Boyles et al., 2011). La synthèse de Chapin et al. 2000 reprend cela de façon plus globale (et bien plus complète).

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