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L’Europe, cible favorite de la campagne électorale italienne
©IHA

Et sinon, on a des alliés ?

Emmanuel Macron arrive ce 11 janvier dans une Italie qui entre dans une période électorale plus qu'incertaine et il est hautement improbable qu'une majorité claire se dégage à la Chambre des députés et au Sénat.

Marc Lazar

Marc Lazar

Marc Lazar est professeur d’histoire et de sociologie politique à Sciences Po où il dirige le Centre d’Histoire. Il est aussi Président de la School of government de la Luiss (Rome). Avec IlvoDiamanti, il a publié récemment, Peuplecratie. La métamorphose de nos démocraties chez Gallimard. 

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Atlantico : Ce 11 janvier, Emmanuel Macron r​encontrera à Rome Sergio Mattarella, Président de la République italienne, et Paolo Gentiloni, Président du Conseil, dans une Italie en pleine campagne électorale. Quelles sont les anticipations actuelles du scrutin de mars prochain ? Du mouvement 5 étoiles au retour de Silvio Berlusconi, à la Ligue du Nord de M. Salvini, qui sont les favoris ? 

Marc Lazar : Le Président de la République arrive dans une Italie qui entre dans une campagne électorale fort incertaine. Pour au moins trois raisons. En premier lieu, les Italiens vont expérimenter une nouvelle loi électorale qui, pour simplifier, prévoit que 36% des députés et des sénateurs seront élus au scrutin uninominal majoritaire à un tour et le reste à la proportionnelle. Le vote pour un candidat entraîne automatiquement un suffrage au parti ou à la coalition de partis qui le soutient. Pour bénéficier de la répartition des sièges, un parti qui se présente seul doit avoir obtenu 3% des voix et une coalition de partis 10%. Ensuite, une recomposition politique est en cours avec un système qui se répartit en trois pôles et demi. Le centre droit, composé de Forza Italia, le parti de Silvio Berlusconi qui, pour des raisons judiciaires, est inéligible, la Ligue Nord de Matteo Salvini, Fratelli d’Italia, les Frères d’Italie (droite extrême), et un petit regroupement centriste, affiche une unité de façade pour se présenter devant les électeurs alors que chacune de ces formations a des vues très différentes sur certains sujets, dont celui crucial du rapport de l’Italie à l’Union européenne. Le Mouvement 5 étoiles fait, selon les sondages, la course en tête ; mais il est isolé quand bien même son jeune dirigeant, Luigi Di Maio, tente d’explorer des rapprochements possibles avec d’autres partis. Enfin, il y a le Parti démocrate de centre gauche emmené par Matteo Renzi, un leader dynamique mais qui a perdu beaucoup de sa popularité et n’a, pour le moment, que de faibles petits alliés. Reste un petit ensemble, Liberi e Uguali (Libres et égaux), emmené par le président du Sénat, Pietro Grasso, qui regroupe diverses forces de la gauche de la gauche dont l’un des objectifs essentiels est de sanctionner Matteo Renzi. La dernière incertitude, la plus préoccupante, tient à ce qu’à la date d’aujourd’hui, il semble improbable, voire impossible, qu’une majorité claire se dégage à la Chambre des députés et au Sénat. Cela poserait donc un sérieux problème de gouvernabilité et de crédibilité de l’Italie. Mais celle-ci est une démocratie parlementaire habituée à trouver des solutions aux situations qui semblent les plus inextricables. Mais à quel prix politique ?  

Quels sont les thèmes de campagne de cette élection ? Dans quelle mesure l'euroscepticisme gagne t il du terrain dans le pays, notamment au travers des échanges entre Silvio Berlusconi et la Ligue du Nord au sujet de l'Euro ? 

La préoccupation fondamentale pour cette campagne reste celle du chômage qui reste haut (plus de 11%) malgré une réelle reprise de la croissance et le retour d’un certain optimisme chez les chefs d’entreprise, notamment du fait de leurs réussites à l’exportation qui se traduit par une balance commerciale excédentaire. Mais les sujets des taxes, des migrants venus d’Afrique du Nord (l’Italie est en première ligne face aux flux migratoires), de l’immigration et de la sécurité occupent une place importante. Mais c’est l’Europe qui sera l’enjeu fondamental. En Italie, l’euroscepticisme ne cesse de progresser au point que les Italiens sont désormais nettement plus eurosceptiques que les Français. C’est un changement historique pour ce pays qui s’est amorcé depuis une vingtaine d’années et n’a fait que s’amplifier. Plusieurs partis ont fait de la critique de l’Europe leur grande ressource politique :  Fratelli d’Italia, la Ligue Nord et le Mouvement 5 étoiles. La Ligue va jusqu’à envisager un référendum sur l’euro (sans valeur constitutionnelle), hypothèse que soudainement vient d’écarter Luigi Di Maio. Forza Italia est divisé sur le sujet entre les pro-européens et les eurosceptiques comme Liberi e Uguali. Au final, le seul parti qui développera un discours résolument pro-européen est le PD, cherchant d’ailleurs à s’inspirer de ce qu’a fait Emmanuel Macron durant la campagne présidentielle de l’an dernier. 

Au regard des résultats à attendre de ces élections, la nouvelle donne italienne pourrait-elle être en mesure de modifier la situation européenne actuelle ? 

C’est la grande inconnue. Si c’est le centre droit qui l’emporte (les sondages le donnent en tête mais sans espoir pour l’instant d’avoir la double majorité à la Chambre et au Sénat), il tanguera par rapport à l’Europe du fait de ses divisions internes. Si le Mouvement 5 étoiles arrivait à constituer un gouvernement avec la Ligue Nord, hypothèse guère plausible mais sait-on jamais, Rome adopterait une attitude très hostile à Bruxelles. Le PD ne peut pas gagner seul mais il pourrait constituer une grande coalition avec Forza Italia, rompant avec ses alliés, et divers centristes, et là on aurait une Italie pro-européenne. En fait, cette campagne fournit peut-être l’occasion pour l’Italie d’avoir un débat profond et décisif sur l’Europe, son présent et son avenir. Espérons qu’elle l’ait et qu’elle puisse formuler des propositions innovantes. L’Italie a toujours joué un rôle important dans la construction européenne et sa contribution à la relance de celle-ci serait d’un apport considérable.   

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