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Ces zones qui ont tout à redouter de l’évacuation de la ZAD de Notre-Dame-des-Landes
©JEAN-FRANCOIS MONIER / AFP

Les bonheurs des uns font les malheurs des autres

Quelle que soit la décision prise dans le dossier de Notre-Dame-des-Landes, la migration des militants de la Zad sur d'autres sites risque de créer de nombreuses tensions.

Eddy  Fougier

Eddy Fougier

Eddy Fougier est politologue, consultant et conférencier. Il est le fondateur de L'Observatoire du Positif.  Il est chargé d’enseignement à Sciences Po Aix-en-Provence, à Audencia Business School (Nantes) et à l’Institut supérieur de formation au journalisme (ISFJ, Paris).

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Atlantico : Dans le cas d'un abandon du projet de l'aéroport du Grand-Ouest dit de Notre-Dame-des-Landes, et donc de la raison d'être de l'occupation de la Zad par les "zadistes", black blocs ou autres​ groupuscules, quelles sont les zones qui devraient redouter une migration et donc l'arrivée de ces derniers ? 

Eddy Fougier : Je vois deux zones susceptibles d'attirer ce type de groupes. Il y a Bure, dans le sud de la Meuse, là ou va se développer le projet CIGEO de retraitement des déchets nucléaires par l'ANDRA (Agence nationale pour la gestion des déchets radioactifs). Et il y a le triangle de Gonesse au nord de Paris ou doit se développer le projet EuropaCity par la structure Immochan filiale du groupe Auchan. Mais le "favori" est Bure, notamment pour des raisons symboliques et géographiques. Symbolique parce que le nucléaire représente parfaitement le système que ces militants rejettent, et géographique parce qu'EuropaCity est une plaine. Or, il est très difficile d'implanter une Zad sur une plaine agricole. Un géographe comme Philippe Subra explique par ce que l'on pourrait qualifier de "géopolitique des ZAD" qu'il est bien plus aisé d'occuper un bois qu'une plaine. Or, du côté de Bure, il y a déjà des militants qui occupent un bois, le Bois Lejuc, et qui offre ainsi une infrastructure qui n'attend qu'un renforcement des effectifs. Ils sont une 30e actuellement soit entre 5 et 10 fois qu'à Notre Dame-des-Landes. Ainsi, Bure est susceptible d'être le prochain NDDL.

​N'est-il pas illusoire de croire que la fin d'un conflit sur la Zad de NDDL permettrait d'en finir avec ces groupes ?

L'abandon de l'aéroport, si abandon il y a, n'est pas nécessairement le moyen d'apaiser les tensions et d'évacuer de façon pacifique la Zad. Gérard Collomb, Edouard Philippe et Nicolas Hulot ont dit qu'il y aurait une évacuation mais beaucoup de spécialistes des milieux policiers disent que cela va être très compliqué compte tenu des renforcements d'effectifs qu'il va y avoir à l'approche de l'évacuation, et des moyens de défense passive sur place dont disposent les zadistes.

Si la page de NDDL devait être tournée par abandon du projet, cela serait considéré comme une victoire pour ces militants et cela validerait leur mode opératoire, leur action de "résistance" selon leurs termes, vis-à-vis du projet. Donc au contraire, cela ne ferait que renforcer leur détermination.

Et si l'évacuation devait mal se passer, ce qui est malheureusement probable, et s'il devait y avoir des morts ce qui est une possibilité sérieusement envisagée du côté des forces de l'ordre, ou si le gouvernement devait finalement renoncer, cela ne ferait que galvaniser les troupes qui feront en sorte de trouver un nouveau point d'ancrage comme l'a été NDDL, et encore une fois, Bure est la principale option.

Quels sont les effectifs sur place ? Comment ont-ils évolué ?

Il est toujours délicat d'évaluer les effectifs parce que cela dépend de la période, été ou hiver. A Bure par exemple, en hiver, il fait moins 10. Il faut aussi prendre en compte la situation économique locale. Certains zadistes viennent de façon intermittente et vont travailler à Nantes. Du côté de Bure, cela sera plus compliqué parce qu'il faut aller à Bar-le-Duc, à Saint Dizier, ou à Chaumont qui sont des zones plus difficiles économiquement.

Mais le plus étonnant est que 5 ans après la première tentative d'évacuation de NDDL, il y a toujours autant de zadistes sur place et ils sont toujours aussi déterminés. On ne peut pas dire qu'il y a un essoufflement.

L'enjeu est donc la prévention pour éviter une installation sur le site de Bure ?  

Oui. L'autre aspect qui est compliqué à gérer pour le gouvernement est que plus le temps passe, plus le sujet devient médiatisé, plus l'opinion publique s'en empare et plus, sur place, les militants ont le temps de s'organiser. Le temps joue plutôt en faveur des militants donc il faut effectivement prévenir et faire en sorte d'éviter un "enracinement" de ces actions sur le terrain. Avec le temps, cela sera plus difficile, géographiquement, symboliquement mais aussi d'un point de vue sécuritaire, pour les déloger.  Sur le site de Bure, les militants sont sur place depuis l'été 2016, c’est-à-dire qu'ils sont déjà en train d'y passer leur deuxième hiver.

Mais si NDDL, Bure, et EuropaCity devaient être abandonnés, le message donné aux investisseurs serait très négatif, cela voudrait dire qu'il n'y a plus aucun aménagement lourd qui pourrait voir le jour en France. L'enjeu est très compliqué parce que NDDL est un projet public porté par le privé, Bure est un projet public, et EuropaCity est un projet privé. La clé est également le basculement de la population locale. A NDDL, la population ultra locale était plutôt opposée à l'aéroport. Du côté d'EuropaCity, c'est plutôt incertain mais il semble que la population soit plutôt favorable. L'enjeu pour les promoteurs est d'avoir la population locale avec eux. 

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