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Filière nucléaire : au-delà de la restructuration financière menée par Areva et EDF, de nouveaux défis technologiques colossaux
©Reuters

Filière d'excellence

Le retour au premier plan de la filière nucléaire française est un événement majeur, car cette industrie s'inscrit dans le temps très long qui est celui de la recherche, de la conception, de la construction, de l’exploitation, de la prolongation et du démantèlement.

Bruno Alomar

Bruno Alomar

Bruno Alomar, économiste, auteur de La Réforme ou l’insignifiance : 10 ans pour sauver l’Union européenne (Ed.Ecole de Guerre – 2018).

 
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Les conseils d'administration d’Areva et EDF viennent de donner l'ultime feu vert à l'opération de prise de contrôle par l'électricien de la division réacteurs du groupe nucléaire. Cette opération s’inscrit dans un contexte marqué par les difficultés importantes qu’a connues la filière nucléaire française.

Disons-le sans ambages : le retour au premier plan de la filière nucléaire française n’est pas seulement une question industrielle d’importance. Il s’agit d’un événement majeur, pour trois raisons essentielles.

D’abord, l’énergie d’origine nucléaire, pour peu qu’elle ne soit pas envisagée de manière exclusive mais bien en complément d’autres énergies, est un atout clé pour limiter les effets des changements climatiques. N’émettant pas de CO2 pour produire d’électricité, les centrales nucléaires permettent de disposer d’une forte puissance thermique et électrique, à coûts prévisibles. Il n’est pas inutile de s’en servir, au moment où vient de se fermer le sommet de Paris au cours duquel un ton franchement pessimiste a pris le relais des espoirs soulevés deux ans plus tôt à l’occasion de la COP21, et où un pays comme l’Allemagne s’aperçoit qu’il ne tiendra pas ses engagements en matière d’émission de CO2.

Ensuite, depuis les années 1960, la filière électronucléaire française est l’un des piliers du savoir-faire technologique de notre pays. Le Commissariat à l’Energie Atomique et les entreprises de la filière ont été à l’origine de nombreuses innovations technologiques, succès exports et emplois durables. Alors que sera bientôt mise en route la première centrale de Génération III+ à Taishan (2 réacteurs type EPR), il est utile de s’en rappeler.

Enfin, en matière nucléaire, si la question de souveraineté nationale est à l’évidence centrale, la nécessité de coopérer avec les autres pays et leurs industriels est également essentielle. Euratom, creuset de l’Europe communautaire, est bien là pour nous le rappeler. Plus proche de nous, des coopérations importantes ont été mises en œuvre, par exemple avec la Russie, sur l’amont du cycle du combustible notamment, mais aussi dans les domaines de l’innovation et de la construction.

Dans un tel contexte, il faut prendre la mesure des efforts technologiques continus qui sont menés par la filière nucléaire, et qui placent, par nature, cette industrie à la fois à l’extrême pointe de la technologie, et dans le temps très long qui est celui de la recherche, de la conception, de la construction, de l’exploitation, de la prolongation et du démantèlement. En voici deux exemples.

Premier exemple, les développements, notamment en matière de gestion numérique, qui irriguent le nucléaire pour la conception, la construction et l'exploitation des installations. En témoigne la méthodologie Multi-D, développée par la filiale ASE du groupe Rosatom en coopération avec Dassault Système, qui permet aux entreprises EPC (Engineering Procurement Construction) de créer un véritable jumeau numérique du projet pour gérer la construction et l'exploitation de grandes infrastructures.

Deuxième exemple, le travail mené sur les projets de centrale de Génération IV. La révolution technologique qu’elles représentent par rapport aux centrales de Génération III (en service) et III+ (EPR, AP1000, VVER-1200) est majeure. L’eau pressurisée comme modérateur-caloporteur est remplacée, selon les filières par du plomb, du sodium ou autre. Ces centrales qui seront une réponse majeure à la problématique des déchets (ils pourront être réutilisés en grande partie dans certains types de centrales) en sont pour le moment au stade embryonnaire. Il est d’ailleurs remarquable qu’au sein des 6 filières envisagées pour la Génération IV, deux pays se détachent par leur expertise : la France et la Russie. Ce sont en effet les seuls à avoir opéré ces centrales de manière prolongée - avec Superphénix en France et les réacteurs type BN en Russie - leur donnant une avance considérable. Si ces nouvelles centrales ne seront pas mâtures avant 2035-2050, il est néanmoins certain qu’elles représenteront un bond en avant à même d’irriguer l’ensemble des secteurs industriels. A ce titre les réacteurs de Génération IV pourraient jouer un rôle similaire à celui des premières générations : un accélérateur technologique global permettant aux pays occidentaux de conserver leur avance dans de nombreux domaines.

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