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Ces conservatismes ligués 
que Richard Descoings avait dû 
combattre pour imposer 
sa vision de Sciences Po
©

Révolutionnaire

Décédé mercredi, le directeur de l'Institut d'études politiques de Paris avait dû faire face à des oppositions de différents ordres et de tous bords politiques pour métamorphoser la prestigieuse école.

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan

Erwan Le Noan est consultant en stratégie et président d’une association qui prépare les lycéens de ZEP aux concours des grandes écoles et à l’entrée dans l’enseignement supérieur.

Avocat de formation, spécialisé en droit de la concurrence, il a été rapporteur de groupes de travail économiques et collabore à plusieurs think tanks. Il enseigne le droit et la macro-économie à Sciences Po (IEP Paris).

Il écrit sur www.toujourspluslibre.com

Twitter : @erwanlenoan

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Richard Descoings est décédé mercredi à New York. Sciences-po, l’école qu’il a dirigée pendant 16 ans, est prise par la stupeur et l’émotion. Cette disparition dépasse cependant largement le seul milieu des élites parisiennes, parce que Richard Descoings a été un "révolutionnaire" pour l’enseignement supérieur français.

Richard Descoings a métamorphosé Sciences-po : la vieille dame de la Rue Saint-Guillaume est devenue, grâce à lui, une institution au cœur des échanges intellectuels mondiaux. Surtout, il a redonné sens à la méritocratie et à la réussite scolaire pour des milliers de jeunes en France.En 2001, il avait mis en place les fameuses « Convention CEP ». Dix ans après, un bilan peut en être fait : c’est un succès. Mais en 2001, une partie des enseignants, des étudiants, de l’élite parisienne s’était offusquée...

Certains, à droite, y voyaient la fin de l’élitisme : en ne recrutant pas uniquement sur des critères purement académiques (que seule remplit une minorité privilégiée par l’argent ou sa famille enseignante), les « Conventions CEP » auraient marqué un renoncement à l’exigence culturelle. D’autres, à gauche, y voyaient la fin de l’égalité républicaine : en proposant d’aider certains quartiers et certains lycéens (les meilleurs), ce concours aurait montré l’emprise du marché dans l’Éducation et témoigné de l’indigne sélection. Dix ans après, ces oppositions n’ont pas disparu.

De nombreux étudiants s’opposaient aussi au dispositif de peur qu’on ne « prenne » leur place dans l’École. Ce ne fut évidemment pas le cas : l’intelligence de Richard Descoings a été d’augmenter la dimension des promotions dans le même temps. Au final, les Conventions CEP ne sont qu’une diversification des modes de recrutement. Une innovation qui a constitué un souffle incroyable dans l’enseignement supérieur. Elle a appris à une élite qui se refermait sur elle-même que l’excellence était diverse et qu’il existait des talents partout. Elle a montré aux plus réticents que de nombreux jeunes de "banlieues" ont une énergie énorme, une ambition immense et une soif de savoir. Bref, qu’ils sont des jeunes comme les autres.

Cette innovation a surtout fait sauter le monopole des rentiers ultras-privilégiés de l’information scolaire :
les gosses de riches (version XVIème ou version bobo parisien) et les fils de profs. Désormais, chacun sait en France qu’un élève qui travaille peut faire Sciences-po. Le milieu social n’est plus un obstacle. Dans ces fameux "lycées de ZEP", les élèves savent dorénavant que la réussite est possible s’ils s’en donnent les moyens : les "anciens" de leurs établissements entrés à Sciences-po en sont la preuve vivante. L’effet concret du concours CEP a été de doper l’ambition des lycéens – même ceux qui échouent à Sciences-po ou ne le tentent pas. Elle a donné aux petits frères et sœurs envie de travailler pour réussir.

Le succès n’est évidemment pas total : dix ans après sa mise en place, l’expérimentation dure, sans avoir été vraiment reprise. Elle a toutefois le mérite d’avoir obligé les autres Grandes Écoles à s’intéresser à la diversité sociale et à proposer quelques palliatifs … encore bien timides.

Au final, cette innovation a donc contribué à démocratiser l’idée de réussite dans l’enseignement supérieur. Juste en introduisant un mode de recrutement alternatif : exigeant, mais différent. Les autres établissements d’enseignement supérieur pourraient aujourd’hui s’en inspirer…

Rue Saint-Guillaume, « Richie » était plus qu’un directeur, c’était une idole : certains le détestaient, beaucoup l’adoraient. Tous les élèves le connaissaient, suivant chacun de ces gestes sur son hyperactive page Facebook. Récemment, il avait fait l’objet d’attaques virulentes : des opposants traditionnels s’étaient ralliés à des ennemis de circonstance. Comme tout "révolutionnaire", Richard Descoings avait aussi ses excès. Mais au-delà, sa personnalité et ses idées détonaient dans le paysage universitaire français.

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