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Radicalisation via le sport : la menace dont on ne prend pas la mesure
©Capture d'écran

Communautarisme

Jouer collectif face aux phénomènes de radicalisation dans le sport est une nécessité de long-terme.

Lucas  Buthion

Lucas Buthion

Lucas Buthion est membre du think-tank Sport et Citoyenneté.

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Atlantico : Un colloque organisé jeudi 30 novembre à Paris a abordé la question de la radicalisation dans le milieu du sport. Concrètement quel est ce phénomène et est-il seulement possible d'en définir l'ampleur ?

Lucas Buthion : Le phénomène de la radicalisation dans le sport a été mis en exergue dès le mois d’octobre 2015 dans une note du Service Central de Renseignement Territorial intitulée « Le sport amateur, vecteur de communautarisme et de radicalité » : prières sur la pelouse à la mi-temps d'un match d'une équipe de Perpignan, des éducateurs sportifs, fichés comme étant des musulmans salafistes qui prient "en déployant des tapis de prière dans les gymnases" tout en encadrant des adolescents…Quelques exemples repris à l’époque par la presse qui ont sonnés comme un premier « signal d’alarme » pour le mouvement sportif.

La publication de cette note, très partielle et confidentielle, n’a cependant pas permis de cerner avec précision l’ampleur du problème. En marge du colloque organisé hier par la Région Ile-France, Patrick Kamar, Vice-Président du Conseil régional, a révélé que 829 individus appartenant à des clubs sportifs ont été signalés comme radicalisés. Un chiffre que Loïc Garnier, chef de l'unité de coordination de lutte antiterroriste (Uclat) a estimé probablement sous-estimé.

Sur les 2,4 millions de licenciés que compte l’hexagone, il convient donc de remettre ce phénomène à sa juste place, sans pour autant nier sa dangerosité potentielle.

Comment expliquer que le milieu du sport, sensé promouvoir des valeurs qui sont le terreau de la citoyenneté puisse aboutir au résultat complètement inverse en développant communautarisme et radicalité ?

Les clubs sportifs sont des lieux de socialisation massive pour les jeunes et adolescents. Qui plus est, dans les quartiers dits « sensibles », la pratique sportive est fortement encouragée puisqu’il s’agit d’une véritable « école de la vie », qui véhicule effectivement des valeurs citoyennes fondamentales, comme le respect de l’autre ou des règles, la solidarité, le dépassement de soi, la loyauté, l’abnégation.

Mais dans certains territoires, ces valeurs ne prennent plus aujourd’hui le pas sur les revendications communautaristes – constat qui n’est pas propre à la France. Certains clubs n’acceptent ainsi pas la mixité ou ne sont ouverts qu’à une culture, une confession ou origine ethnique. Cette intolérance peut-être la porte ouverte à bien des dérives…

Par ailleurs, il est clair que par rapport à l’institution scolaire, dans laquelle les jeunes sont bien cadrés et suivis, les clubs sportifs sont un peu comme un angle mort, ce que les recruteurs terroristes ont bien perçu. Or ces structures sont souvent gérées par des bénévoles qui font vivre leur association à bout de bras et ne sont pas armés pour détecter des signaux faibles et avant-coureurs de radicalisation…C’est un vrai problème puisqu’ils peuvent être conduits à y être confrontés.

Aujourd'hui quel est l'intérêt des pouvoirs publics vis-à-vis de ce phénomène et que faire pour lutter efficacement contre ce dernier ? 

La lutte contre la radicalisation dans le milieu du sport n’a pas trouvé un écho immédiat dans la sphère politique. Ainsi, après la parution de la note des Renseignements Territoriaux en octobre 2015, la députée de Haute-Garonne Laurence Arribagé avait initié une proposition de résolution législative tendant à la création d’une commission d’enquête sur le phénomène de radicalisation dans le milieu du sport amateur…sans suite.

Les défis sont en tout cas légions pour structurer une action publique en la matière. Le nombre d’acteurs impliqués dans la gouvernance du sport en France est un premier obstacle : il n’est pas facile de mettre tout ce monde autour de la table, pour mettre chacun face à ses responsabilités et parvenir à une sensibilisation efficace ! Ensuite, entre Etat, départements, régions, municipalités, comment se partager le coût des actions de prévention, qui ne pourront trouver d’efficacité que dans la durée? Comment adapter l’arsenal juridique à destination des collectivités, pour qu’elles puissent par exemple engager des poursuites en cas d’atteinte à la laïcité en milieu sportif ?

Il n’y a pas de réponses simples sur ces sujets délicats et qui agitent facilement la controverse…Il faut donc espérer que la démarche positive initiée par la Région Ile-de-France suscite des émules et s’inscrive dans un cadre coordonné à l’échelle nationale, au-delà des querelles idéologiques et politiques : pour faire sortir le fondamentalisme et l’obscurantisme de nos stades, gymnases et vestiaires, « jouer collectif » sera une nécessité de long-terme.

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