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Pourquoi l’exonération de la taxe d’habitation a permis à Emmanuel Macron de gagner l’élection présidentielle
©Pixabay

Dans les tréfonds de l’opinion

A la suite de ses propos controversés concernant la colonisation en Algérie, Emmanuel Macron connut un trou d’air dans sa campagne à la mi-février. Mais la promesse d'une suppression de la taxe d'habitation inversa la tendance.

 Ifop

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L'Ifop est un institut de sondages d'opinion et d'études marketing.

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Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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A la suite de ses propos controversés concernant la colonisation en Algérie, Emmanuel Macron connut un trou d’air dans sa campagne à la mi-février. Selon le Rolling IfopFiducial pour Paris-Match, CNews et Sud Radio, l’intention de vote en sa faveur tomba à 18,5% le 17 février, atteignant ainsi son point le plus bas de toute la campagne. La courbe se stabilisa dans les jours qui suivirent à 19% avant de bondir à 22,5 % puis à 23,5% après le 22 février, date à laquelle François Bayrou annonça son ralliement au candidat d’En Marche ! De nombreux commentateurs ont souligné à juste titre que le renfort de François Bayrou avait constitué l’un des tournants de la campagne et avait permis à Emmanuel Macron de reprendre l’initiative et de mener la course en tête.

L’annonce du projet d’exonération de la taxe d’habitation a alimenté la dynamique en faveur d’Emmanuel Macron enclenchée par le ralliement de François Bayrou

Mais les données de l’Ifop montrent également que cette dynamique sera alimentée par une annonce intervenant dans la foulée : la proposition d’exonération de la taxe d’habitation pour 80% des ménages que fera Emmanuel Macron le 24 février. L’intention de vote en sa faveur allait aussitôt enregistrer une hausse d’un point supplémentaire à 24,5% dans la vague publiée le 27 février et atteindre 25,5% au début du mois de mars. Toutes choses étant égales par ailleurs, cette annonce en matière fiscale eut le même impact que la proposition de taxe à 75% pour les plus hauts revenus « dégainée » par François Hollande lors de la campagne de 2012, l’intention de vote en faveur du candidat socialiste avait à l’époque progressé de deux points d’après les données de l’Ifop.

Si l’analyse chronologique des vagues du Rolling Ifop-Fiducial permet d’avancer l’hypothèse selon laquelle l’annonce de la suppression de la taxe d’habitation a conforté la dynamique victorieuse d’Emmanuel Macron, dynamique enclenchée par le ralliement de François Bayrou, un autre élément vient confirmer l’impact électoral significatif de cette mesure. Quand on analyse les résultats du premier tour au niveau communal, on constate en effet que les scores d’Emmanuel Macron sont plus importants dans les communes où la taxe d’habitation est la plus forte.

Un « sur-vote » en faveur d’Emmanuel Macron dans les communes où la taxe d’habitation est la plus élevée.

L’Ifop a en effet calculé un ratio entre le montant net global de la taxe d’habitation perçue par une commune et le nombre de résidences principales 1 . Cet indice est bien entendu en partie lié à la richesse des communes, une commune aisée collectant un volume de taxe d’habitation plus important qu’une commune populaire. Pour neutraliser cet effet, nous avons donc raisonné à profil de population identique en analysant les résultats par strates de communes, strates définies sociologiquement en fonction du poids que représentent les catégories populaires (ouvriers + employés) dans la population communale. Nous avons ainsi constitué 4 strates de communes (des communes aisées n’abritant que 10 à 13% de CSPjusqu’à des communes plus populaires dont 20 à 30% de la population est composée d’ouvriers ou d’employés). Et comme le montrent les graphiques suivants, dans ces 4 strates de communes, plus l’indice de pression fiscale locale (montant global de la taxe d’habitation / nombre de résidences principales) est fort et plus Emmanuel Macron a obtenu des scores élevés. Les courbes dessinent clairement une relation linéaire avec une hausse assez proportionnelle du score du candidat d’En Marche ! au premier tour en fonction de cet indice.

A profil sociologique de communes similaires, le vote en faveur d’Emmanuel Macron augmente avec le montant moyen de la taxe d’habitation.

La « prime » entre les communes où cet indice est le plus faible et celles où il est le plus élevé atteint 3,6 points dans la strate des communes les plus aisées et 2,5 points dans celle des communes les plus populaires. Quel que soit le profil sociologique de la commune, Emmanuel Macron a donc obtenu au premier tour en moyenne entre 2,5 et 3,6 points de plus dans les communes où l’indice permettant d’approcher le montant de la taxe d’habitation était le plus élevé par rapport aux communes où il était le plus faible. Tout se passe donc comme si les habitants des communes où la taxe d’habitation est la plus importante avaient été plus sensibles que ceux des communes où elle est la plus faible à la promesse du candidat en la matière et qu’ils s’étaient, en conséquence, davantage prononcés en sa faveur lui offrant un stock de voix supplémentaires, contribuant à le placer en tête au premier tour.  

Une mesure qui demeure très populaire.

Après son élection, l’impact de cette annonce se lit également en creux dans les sondages de popularité. Le dévissage brutal qu’essuiera la cote d’Emmanuel Macron en juillet 2017 (moins 10 points dans le Baromètre Ifop-JDD) sera consécutif au discours de politique générale prononcé par Edouard Philippe le 4 juillet et au cours duquel il fut question d’étaler sur plusieurs années cette exonération très attendue. Ces propos furent sévèrement perçus et décodés comme un début de renoncement à une mesure-phare du programme d’Emmanuel Macron, qui dut rectifier le tir en reprenant la parole sur le sujet dans les jours qui suivirent. De fait, cette mesure demeure extrêmement populaire dans l’opinion. Selon un sondage réalisé en septembre (Sondage Ifop pour le Groupe Les Républicains à l’Assemblée Nationale, effectué online du 12 au 14 septembre 2017 auprès d’un échantillon national représentatif de 1503 personnes), pas moins de 72% de nos concitoyens y sont favorables. Même si des maires protestent contre cette annonce dont ils pensent qu’elle va, à terme, les priver de ressources et qu’elle vient rogner encore davantage leur autonomie fiscale et financière, Emmanuel Macron ne reviendra sans doute pas sur cette décision qui a contribué à son élection et qui constitue désormais un « marqueur » structurant de sa politique. Cela d’autant plus que l’adhésion à cette réforme est particulièrement massive dans les catégories les plus modestes de la population, catégories les plus réfractaires au « macronisme » et auprès desquelles cette mesure pourrait lui permettre de regagner du terrain. Près de 80% des personnes vivant dans un foyer « pauvre » ou « modeste » ou appartenant aux « classes moyennes inférieures » (Les interviewés ont été catégorisés en différents groupes selon leur niveau de vie d’après une méthode développée par l’INSEE qui croise le nombre de personnes au foyer et le niveau de revenu du foyer) s’y disent ainsi favorables contre 60% des membres des « classes moyennes supérieures ». Comme le montre le graphique suivant, l’adhésion devient en revanche symboliquement minoritaire (48%) parmi les « hauts revenus » et les « catégories aisées » dont beaucoup anticipent qu’ils feront partie des 20% de foyers qui ne bénéficieront pas de cette exonération et sur qui reposera donc encore un peu davantage la charge fiscale. 

Analyse publiée initialement sur le site de l'Ifop

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