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Une refonte générale du lycée pour sortir du cycle de réformes continuelles qui minent la qualité de notre enseignement
©Reuters

Une réforme et basta

Après l'annonce d'un plan pour changer l'accès à l'université, le gouvernement a déclaré vouloir réformer le système des filières au lycée et le baccalauréat. Un changement général du système éducatif est nécessaire. Pas sur qu'il soit envisageable.

Pierre Duriot

Pierre Duriot

Pierre Duriot est enseignant du primaire. Il s’est intéressé à la posture des enfants face au métier d’élève, a travaillé à la fois sur la prévention de la difficulté scolaire à l’école maternelle et sur les questions d’éducation, directement avec les familles. Pierre Duriot est Porte parole national du parti gaulliste : Rassemblement du Peuple Français.

Il est l'auteur de Ne portez pas son cartable (L'Harmattan, 2012) et de Comment l’éducation change la société (L’harmattan, 2013). Il a publié en septembre Haro sur un prof, du côté obscur de l'éducation (Godefroy de Bouillon, 2015).

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Atlantico: Le gouvernement a missionné une commission pour réfléchir à la réforme du lycée et du baccalauréat. On parle de la suppression des filières S, L et ES. Est-ce nécessaire ?

Pierre Duriot: Deux idées peuvent présider à la suppression ou au maintien de filières spécialisées. Soit on considère que le jeune, dès la fin de sa seconde, sait ce qu'il voudra faire plus tard dans sa vie professionnelle et on l'oriente dans une filière plus ou moins spécialisée. Soit on imagine que demander à un élève de seize ans de faire un choix professionnel est prématuré et on s'attache à former chez lui des connaissances générales utiles, des compétences transversales, ré-investissables dans tous les types de formations à venir pour lui et des capacités de travail qui lui permettront de faire face à un maximum de situations professionnelles futures. Mais on sait aujourd'hui que le métier à vie, c'est presque fini et que les infléchissements professionnels, voire, les changements radicaux de voie, attendent les jeunes qui sortent des filières. Autant donc, viser avec eux des compétences et des capacités générales, plus que des aptitudes spécialisées à un métier qui risque de disparaître dès la sortie de la filière. Evidemment, acquérir des compétences et des aptitudes plus larges demande plus d'effort, plus d'engagement et donc il faudra faire un immense choix politique. Ne plus viser un bac, forcément dévalorisé, mais largement distribué au sein d'une classe d'âge, orienter vers des filières professionnelles et artisanales ceux qui en manifesteront l'envie ou qui n'ont pas les aptitudes à embrasser des filières générales plus exigeantes, mais qui permettront à la sortie de pouvoir envisager des carrières supérieures variées. Le tout en imaginant aussi des possibilités de passerelles entre les deux types d'orientations. Il s'agit de changer de logiciel. Soit on abaisse suffisamment l'ensemble des filières générales pour qu'un maximum de jeunes puissent avoir leur bac, tout en gardant une filière exigeante, la S en ce moment, qui permet d'accéder à pratiquement toutes les suites dans l'enseignement supérieur, pour peu que l'on ait une mention, ce qui est l'option choisie depuis des décennies. Soit on permet à chacun d'accéder au plus haut niveau possible, en fonction de ses possibilités, mais dans la filière qui lui correspond. Ce serait reconnaître de facto que tout le monde ne peut pas atteindre le même niveau dans les filières générales et par voie de conséquence, sélectionner prématurément plutôt que de se casser la tête pour caser des élèves dans des facultés où ils n'ont rien à faire et sont triés par l'échec. Cela représente une forme de gâchis. Mais le terrain est très glissant, l'égalitarisme est devenu une conception bien ancrée dans les esprits.

L'intégration d'un contrôle continu renforcé permettra-t-elle de renforcer le niveau de certains lycéens qui seront du coup contraints à un travail plus régulier ?

Sur ce terrain là encore, il va falloir faire preuve d'un certain courage, en tenant compte de paramètres totalement extérieurs à l'école, telle, la dimension symbolique du bac en tant qu'examen, à la fois chez les élèves mais surtout chez leurs parents et leurs grands parents. Pour un enfant de province, le bac est plus initiatique encore, puisqu'il signe le départ du nid familial pour rejoindre une ville universitaire. Ce n'est pas comme un gosse de centre ville qui va à la fac à côté de chez lui et pour qui rien de change fondamentalement dans la vie. Egalement le contrôle continu va instituer une « pression » dont ne voudront pas certains élèves et leurs instances représentatives. Sachant que l'on peut avoir, objectivement, une scolarité lycéenne très peu brillante, mettre un coup de collier au dernier moment et avoir le bac, moyennant quelques mansuétudes dans la notation, que tout le monde connaît. Certes il n'y a pas de mention et les choix pour le supérieur s'en trouvent réduits. Mais on peut, au bénéfice d'un tirage au sort, passer devant un très bon élève qui brigue la même place en faculté : un genre d'infamie qu'il est grand temps de faire cesser. Ces mêmes représentants syndicaux étudiants, qui pestent contre la sélection, ne bronchent pas une seconde quand la sélection s'opère dans leur discipline sportive favorite et ne descendent pas dans la rue pour que tout le monde ait la médaille d'or aux départementaux de judo. En réalité, le travail régulier est nécessaire dès les plus petites classes et les différentes enquêtes qui ont pu être menées ont toujours mis en évidence la nécessité d'un bon socle de compétences et en particulier l'acquisition de la lecture en CP, qui conditionne l'ensemble de la scolarité. C'est effectivement cette régularité dans l'engagement qui fait défaut à tous les stades de la scolarité, pour une proportion d'élèves assez conséquente. Beaucoup de profs sont las de devoirs non rendus, ou copiés-collés depuis internet, du manque de travail ou de bases non acquises pour avancer dans les programmes, ce qui nous conduit à la troisième question sur les nécessaires réformes.

Après l'université et le lycée, d'autres réformes dans l'éducation sont-elles nécessaires?

L'école est gavée de réformes depuis trente à quarante ans, elle en est fatiguée même et le résultat évident est une descente régulière dans les classements internationaux. A priori donc, les tripatouillages de chaque gouvernement, dans les filières, les programmes, les horaires et les systèmes de notation, ne sont pas la bonne solution et ce sont même de mauvaises solutions. La première problématique de l'ensemble du système éducatif ne tient pas dans un choix de filières mais dans la gestion des postures et des conduites émotionnelles. Il n'est pas normal que les parties médiatiques visibles du système scolaire soient le harcèlement, le sexisme, les faits divers, les agressions répétées des professeurs et les écoles de quartiers qui terminent en flammes. Même si quelques initiatives locales heureuses font de temps en temps la une des éditions régionales. Et que des parents cherchent en permanence des subterfuges pour scolariser leurs enfants ailleurs que dans leur école de proximité. Pour que l'école, de la maternelle au supérieur, puisse remplir ses fonctions, il lui faut en premier lieu les pouvoirs nécessaires à l'instauration d'une ambiance de travail. Elle est le réceptacle des maux généraux de la société, avec pour mission de les compenser, par des sensibilisations en tous genres, qui ne font pas avancer les savoirs et nécessitent des luttes permanentes du corps enseignant pour obtenir écoute et engagement. Objectivement, face à des élèves très perturbateurs ou seulement désinvoltes, l'école dispose de très peu de leviers d'action. La seule « réforme » apparaissant comme nécessaire aujourd'hui est un recentrage sur des fonctions d'éducation et d'instruction comprenant à la fois des moyens pédagogiques adaptés aux différents publics rencontrés et on sait qu'ils sont très hétérogènes, le tout assorti d'une capacité de cadrage et éventuellement de coercition, qui apparaisse comme suffisamment dissuasive. Après, avec des têtes bien faites et bien pleines, les histoires de filières deviendront un luxe sur lequel on pourra réfléchir...

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