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N'ayez pas peur : 
l'inflation est - aussi - 
un instrument de justice sociale !
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Remède miracle

Pour encaisser le choc de la dette, misons sur l'inflation. Une recette miracle qui a déjà été utilisée il y a 30 ans par un certain Jacques Delors, pilier de l'Europe moderne. Une bonne nouvelle pour les travailleurs. Une mauvaise pour les épargnants. Et si c'était ça, la solution ?

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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L’inflation est un remède miracle pour absorber le choc de la dette. Elle consiste à laisser filer la masse monétaire, c’est-à-dire à fabriquer des billets de banque artificiellement, pour rembourser les créanciers. En d’autres termes, il s’agit de monétiser la dette, comme les révolutionnaires le firent à partir de 1791 avec les assignats, ou comme la banque fédérale américaine le fait avec la politique dite « Quantative Easing ». Au lieu de lever des impôts ou de réduire les dépenses, l’État fabrique des billets de banque pour rembourser les créanciers.

Ces politiques conduisent tôt ou tard au retour de la hausse des prix. Avec des prix qui partent à la hausse, le poids de la dette s’atténue encore. Grâce à cette méthode très simple, la France pourrait revenir aux critères de Maastricht, c’est-à-dire à une dette égale à 60 % du PIB, simplement en laissant filer la hausse réelle des prix à 5 % pendant 5 ans.

Cette méthode est dangereuse pour les épargnants, car elle amenuise de jour en jour la valeur de l’argent qui dort. Ainsi, ceux qui disposent d’une épargne de cent mille euros à un jour donné voient la valeur réelle de leur épargne diminuer aussi vite que les prix augmentent. La quantité de biens qu’ils peuvent acheter avec cette somme se réduit mécaniquement avec l’augmentation des prix. Les épargnants le savent et, sans surprise, ils se mobilisent systématiquement contre la reprise de l’inflation.

Inversement, l’inflation est une bénédiction pour les revenus du travail, puisqu’elle s’accompagne très vite d’une indexation des salaires. Les employeurs doivent en effet assurer la reproduction de la force de travail des salariés et, à cette fin, ils ajustent en permanence les salaires qu’ils distribuent au coût effectif de la vie. En ce sens, après une phase de transition, l’inflation constitue la façon la plus démocratique de régler le problème de la dette et de revaloriser le travail par rapport à la rente.

Les grands pays industrialisés n’ont d’ailleurs pas agi autrement au XXe siècle : ils ont ruiné leurs rentiers avec l’inflation, et amélioré le niveau de vie des catégories les moins favorisées avec une augmentation des salaires qui suivait la hausse des prix courants.

L’histoire récente de la France nous donne un exemple frappant et en ombre chinoise de ces bienfaits de l’inflation. En 1984, sous l’égide de Jacques Delors, la France s’est engagée dans une politique dite de désinflation compétitive, puisque toute mesure de rigueur est qualifiée de compétitive pour la rendre plus acceptable. Dans la pratique, il s’agissait d’assurer une convergence économique avec l’Allemagne.

La lutte contre la hausse des prix menée à partir de 1984 a eu trois conséquences rapides. Premièrement, les salaires réels sont entrés en phase de stagnation, accrue par la mise en place des 35 heures quinze ans plus tard(16), puisque celles-ci se sont traduites par la modération salariale. C’est ainsi que le salaire moyen réel, c’est-à-dire hors inflation, a gagné environ 10 % entre 1984 et 2009, selon l’INSEE, alors qu’il avait doublé entre 1960 et 1980. Deuxièmement, le retour à la rente est devenu possible, et l’épargne est enfin devenue rentable. Troisièmement, la dette publique a explosé, puisque l’inflation n’a plus permis d’en réduire l’effet.

Tout plaide donc pour le retour à une dose satisfaisante d’inflation, puisqu’il s’agit de la méthode la plus juste pour diminuer le poids de la dette. Elle permet de protéger les revenus du travail et de redistribuer les cartes de l’épargne.

Face à ce risque, on admirera la prouesse des épargnants, qui sont parvenus à semer et faire fructifier l’idée totalement mensongère selon laquelle l’inflation ruine les plus pauvres en favorisant les plus riches.

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Extraits de Faut-il quitter la France ? : Le premier essai sur la démocratie liquide, Jacob-Duvernet (15 mars 2012)

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