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Parfois l’entreprise tue. Et j’ai honte dans ce cas de défendre l’entreprise
©JOHN THYS / AFP

Les entrepreneurs parlent aux Français

Terrible pour des entrepreneurs comme nous, qui aimons aller nous coucher le soir avec la fierté de ce que nous accomplissons.

Denis Jacquet

Denis Jacquet

Denis Jacquet est fondateur du Day One Movement. Il a publié Covid: le début de la peur, la fin d'une démocratie aux éditions Eyrolles.  

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La révélation des « Monsanto Papers » qui confirme la corruption de nombre de scientifiques par l’entreprise chimique, afin de faire croire à l’innocuité de ses produits, est une tâche honteuse sur le visage de l’entreprise. Elle donne ainsi à penser au monde qu’une entreprise est bien une entité différente des individus qui la composent, alors que ce scandale honteux est bien le fait d’hommes et femmes pour qui la vie compte moins que le profit. Terrible pour des entrepreneurs comme nous, qui aimons aller nous coucher le soir avec la fierté de ce que nous accomplissons.

A moindre échelle, les grands de la distribution, le plus « actif » en tête, nous abreuvent de publicités annonçant le retrait de produits qu’ils ont contribué à mettre, comme autant de poisons pernicieux, dans nos assiettes, nos produits cosmétiques et bien d’autres, avouant ainsi qu’ils savaient et les ont quand même approuvé et soutenu.

Chronique morbide d’une économie qui mérite non la perfection, les sociétés sont à l’image des hommes et le seront toujours, mais qui devraient pouvoir être régulées plus vite quand le dommage est avéré, sans que les politiques, dont dépend notre santé, n’aient comme toujours, la main qui tremble.

Chronique d’une mort lente, certaine. Une mort documentée, organisée, sans doute autre que celle de la nécessité marketing et du maintien du profit à tous prix. Y compris au prix de notre santé. Une mort qui naît dans nos champs et s’insinue dans nos assiettes, depuis des décennies. Pour de bonnes raisons au départ. Par mauvaise foi et intérêt économique depuis.

Notre société a une grande difficulté à corriger les fléaux pour l’humanité, quand ils ont été dictés par la nécessité et imprègnent et alimentent des courants économiques structurés, qui les rendent indispensables à une organisation ancrée. Le prix de la « désorganisation » l’emporte sur le prix attribué à la vie humaine. Le lobbying au bon endroit est plus efficace que la mort de ceux qui sont privés d’accès aux plus hauts niveaux de décision. L’internet contribue à changer l’équilibre des forces. Tant mieux.

Monsanto est une honte pour l’humanité. Non pas d’avoir inventé le Roundup et autres produits nocifs, qui l’ont été pour faciliter une agriculture intensive, qui était devenue impérative pour nourrir une humanité en croissance forte. Mais pour le maintenir, envers et contre tout, malgré le sang qu’elle a sur les mains. Tout le monde, surtout en dehors de la présence des journalistes et de témoins, avoue avoir la preuve irréfutable, de la mort certaine qui coule à chacune des gouttes dispersées sur les cultures, que nous retrouvons dans nos produits et nos assiettes. Tout le monde sait que le SriLanka, plus courageux que les autres, malgré d’énormes pression, a interdit le produit et comptabilise au moins 6000 morts de cancers liés directement à ce produit. Tout le monde sait, comme pendant la guerre, mais le collectif est paralysé par l’écheveau économique qui nécessiterait d’être détricoté par la disparition de ce produit. L’agriculture, les bactéries, le volume, tout devra être revu et cela l’emporte sur notre santé. La santé du secteur, avant notre santé à nous.

Je me demande toujours ce qui peut se passer dans la tête de ceux qui savent. Ceux qui ont falsifié des rapports destinés à faire croire qu’aucun risque de cancer n’existe, de façon certaine, du fait de l’utilisation de ce produit. Que se passe t-il dans la tête de ces hommes et femmes, au plus haut niveau, ceux qui ont le choix, quand ils rentrent chez eux le soir, voient leurs enfants manger le poison qu’ils injectent eux même dans leur propre alimentation et ne font rien. Dorment-ils bien la nuit ? Sont ils fiers du travail accompli ? Peut-on garder la tête haute et froide en commanditant des rapports destinés à tromper le monde, au prix de vie humaine.

Quand je pense qu’on a interdit Heetch, dans son mode actuel, avec plus de 300 parties civiles dans un procès pénal ( !!!), en moins de 2 ans ! Une entreprise qui n’a jamais tué qui que ce soit et qu’on a toujours la main tremblante face à l’ogre Monsanto, je me dis, que l’histoire prouve chaque jour l’injustice du monde. Qui lui est consubstantielle. Mais à l’heure du l’internet et de la transparence, allons nous renoncer au pouvoir que nous donne les réseaux sociaux ou le prendre et agir ? Allons nous rester les bras ballants alors que le numérique nous donne le muscle ?


Cela me rappelle l’amiante. Pendant des décennies, les rapports ont mis en doute l’impact direct sur la santé. Etudes pas concluantes disait-on au plus haut niveau, pas de certitudes, médecins du travail complices et entreprises aveuglées par le « même détricotage » que nécessitait de reconnaître sa nocivité. Pensez y, comme pour l’agriculture avec Monsanto, il fallait revoir tous les immeubles construits avec ce matériau mortel, qui a causé des décès au prix de souffrance terrifiante pour ces gens dont les poumons étaient consommés par l’amiante et qui disparaissaient dans d’atroces souffrances. Le cas est le même ici. Nous le savons. Nous n’agissons pas. En tant que citoyen et entrepreneur, la honte m’envahit.

A moindre échelle, nos grands distributeurs, passent, à part le même, toujours le même, le philosophe désagrégé, de la culture du prix à la culture de la qualité. On parle ouvertement de poulets qui retrouveraient l’air libre, de salades qui auraient poussé en terre, d’absence de médicaments injectés massivement dans tous les animaux que nous ingérons. On découvre qu’un lait n’a plus aucune propriété du fait de sa technique de production actuelle. Thierry Marx me rappelait l’autre jour, que le lait que nous achetons n’est pas du lait, c’est un vague liquide blanc sans aucune propriété. A force d’avoir poussé à l’industrialisation et l’aseptisation, on a retiré toute propriété au produit. Idem pour la viande, les céréales, et en fait, toute notre alimentation. David Servan Schreiber, que j’ai eu le privilège de côtoyer longtemps, avait sensibilisé le monde à notre « mal bouffe », cette usine à cancer que nous avons, une fois encore, inventé pour de bonnes raison initialement. Mais qui a totalement « vrillé » depuis.

Voir la grande distribution, Carrefour et Système U, en tête, avouer ces tourments est terrible, par l’aveu des dérives passées (et encore présentes) mais courageux. Et si ils respectent leur parole et leur nouvelle politique, nous pouvons peut être relever un peu la tête vers nos assiettes, qui pourraient retrouver un début de propreté avec l’aide d’un acteur majeur : NOUS ! Nous les consommateurs, dont la passivité et la politique de la tête tournée, pour ne pas voir, est autant responsable des dérives que ceux qui les structurent. Si nous avions réagi plus massivement et de façon plus organisée nous aurions pu depuis longtemps obtenir des gouvernements ce qu’ils ont du mal à faire seul. En mettant nos votes en jeu. Il est temps de faire autrement.

Ce produit doit être interdit, comme nombre d’autres, en leur donnant 5 ans pour que nous puissions revoir l’organisation de notre agriculture et que l’entreprise, qui emploie du monde, puisse elle aussi, se retourner. C’est indispensable car notre alimentation devient un cauchemar, un génocide qui refuse d’en porter le nom, une honte pour ceux qui trichent pour le défendre et ceux qui ferment les yeux pour le distribuer. Et pour le consommateur, qui loin des discours marketing sur le « consom’acteur », ne fait rien quand il a tous les outils pour reprendre son destin en matin.

Une agriculture de proximité, à qui la technologie permet désormais de produire des produits propres, avec moins d’eau et d’énergie, sans pesticides, distribués grâce à des circuits cours que les appli permettent d’organiser, et un minimum de transport au bénéfice de l’environnement. Nous avons, avec le digital, l’arme d’une alimentation propre, et la carte bleue du consommateur pour l’alimenter. Pour notre santé, économique et personnelle. Alors, vous, vous choisissez quoi ? La honte ou l’espoir ?

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