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La droite face au défi de la volte-face macronienne des seniors
©Reuters

Nouveau paradigme

D'après un sondage réalisé par l'IFOP pour le JDD, Emmanuel Macron se placerait en tête au 1er tour de la présidentielle avec 28% des voix, et bénéficierait notamment d'un vote plus large chez la catégorie des seniors. Un "renversement de tendance" que la droite devra méditer.

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Atlantico : Selon un sondage réalisé par l'IFOP pour le JDD, Emmanuel Macron se placerait en tête au 1er tour de la présidentielle avec 28% des voix, soit une progression sensible depuis le scrutin du mois d'avril dernier. Un écart qui semble provenir en large partie du vote des plus de 65 ans, qui passe de 26% à 38% en faveur d'Emmanuel Macron entre les deux périodes. Comment expliquer cet attrait du corps des séniors vers Emmanuel Macron, et à la défaveur d'un François Fillon qui voit le soutien de ce même électorat passer de 40% à 28% ?

Christophe de Voogd : Cette forte progression chez les seniors est a priori contre-intuitive. Cette catégorie est en effet la plus touchée par la hausse de la CSG et des dirigeants de LR comme Eric Woerth n'ont pas manqué de tacler un Macron "President anti-retraités". J'avancerai trois explications à ce renversement: d'abord les seniors les plus modestes qui ont fait leurs comptes  s'y retrouveront avec la baisse de la taxe d'habitation. Mais l'essentiel  est ailleurs: l'on sait cette population très sensible au devenir des plus jeunes qu'eux (leurs enfants et petit-enfants) pour lesquels ils sont de plus en plus amenés à contribuer dans le cadre des considérables (et oubliés) échanges financiers intra-familiaux. A leurs yeux, donc une politique gouvernementale explicitement tournées vers les actifs et les chômeurs peut donc être acceptée, quitte à ce qu'ils fassent eux -mêmes quelques sacrifices fiscaux. J’observe d’ailleurs que Macron avait déjà « surperformé » à la présidentielle chez les seniors (2,5 pts de plus que son résultat total) ; ce qui relativise un peu le « renversement » dont nous parlons... Enfin les seniors de droite sont plutôt contents de la direction générale des premiers temps du"macronisme réel": libéralisation de l'économie, engagement européen et gages en matière de sécurité (police du quotidien etc.). Une politique plutôt de droite donc, qui explique le recul équivalent du vote Fillon dans cette catégorie. Mais attention: tout dépendra de la réussite de ces mesures et un certain nombre de ces « nouveaux macroniens » se retourneront  en cas d'échec et reviendront à leur positionnement à droite, voire à droite toute!. 

En quoi ce renversement de tendance est-il un bouleversement pour une droite qui a toujours su capter la plus grande part du vote des seniors ?

Ce renversement devra être médité de près par la droite classique: il montre que flatter son électorat n'est plus très utile. Une pédagogie de l'effort, à condition que les contreparties soient clairement indiquées, est désormais plus efficace que les postures idéologiques ou les petits calculs, dont la droite ne parvient pas à se débarrasser (tout comme la gauche classique) vis à vis de son électorat traditionnel.  Le style Macron montre, avec son côté "j'assume", un trait qui plaît aux Français  en général, et peut-être encore plus aux « anciens » éduqués dans une certaine éthique du comportement. Les reculades chiraquiennes, hollandaises et dans une moindre mesure sarkozyennes, étaient donc des erreurs, quoiqu'en disent les "communicants". Reculades qui d’ailleurs s’expliquaient par la réaction des médias, bien plus que celles de l’opinion elle-même.

A l'inverse, peut on penser qu'un tel mouvement du vote des plus de 65 ans pourrait permettre à la droite de "revisiter" son approche politique ? En quoi le soutien de l'électorat le plus âge peut il également être une prime à l'immobilisme pour un parti politique soucieux de ne pas s'aliéner un électorat dont le taux participation en fait un atout sérieux pour tout scrutin ?

Comme indiqué plus haut, Macron a été le deuxième vote des seniors en avril dernier. Ce qui signifie déjà que « senior » n’équivaut pas à « immobilisme politique ». Et Fillon, leur premier choix, proposait tout sauf l’immobilisme ! Celui-ci se trouve bien plus au FN et chez FI, qui sont les grands défenseurs du statu quo étatiste/corporatiste français. Et qui ont eux clairement sous-performé justement chez les seniors. Qui sont d’ailleurs ces seniors ? il faut sortir des clichés de notre enfance, genre « ancien combattant » ou vieille dame « catho ». Gare à l’anachronisme ! Avoir 65 ans aujourd’hui c’est être né en 1952 : autrement dit parmi nos seniors actuels il y a des millions de baby-boomers, voire d’anciens soixante-huitards. Quel âge au fait a Daniel Cohn-Bendit ? Autrement dit, il faudrait des études bien plus fines montrant les différences de comportement politique des seniors, différences sociales, géographiques mais aussi générationnelles. Une leçon pour la droite en tout cas : sortir des vieux schémas et des vieilles grilles d’analyse. Car nous sommes en pleine recomposition politique.

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