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Vers une nouvelle forme de crise financière venue des banques ?
©Capture écran France TV

Du trop grosse pour être abandonnée à trop grosse pour être sauvée

La crise économique précédente pourrait tout juste se terminer qu'une nouvelle ne serait pas loin. Ce serait les banques qui en serait à l'origine. Elle pourraient ne pas être toutes sauvées.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Depuis 2008, les observateurs avisés de l'économie sont d'accord sur un point. La crise que nous venons de traverser a davantage détruit de valeurs que celle de 1929. Nous avons, sur ce point, connu pire que nos grands-parents.

Sans les amortisseurs sociaux ( indemnisations chômage, etc ) cette crise aurait été synonyme de vrais périls pour nos démocraties. Pour l'instant, l'édifice semble résister.

Partant de là, il est intéressant – ou regrettable – de devoir constater que les économistes ne sont pas d'accord sur l'étiologie – la science des causes – de la crise. Le débat perdure encore sur 1929, il fait rage pour 2008.

Certains estiment que l'Etat fédéral a facilité l'accès au crédit des banques U.S à charge pour elles d'être un peu moins regardantes sur la qualité des supports ( subprimes ) et des surfaces de solvabilité des clients.

Titrisation et argent facile seraient les deux moteurs de la crise. Certes mais en fait d'autres explications se focalisent sur la thrombose du système interbancaire (  http://www.lafinancepourtous.com/Decryptages/Dossiers/Banque/La-banque-comment-ca-marche/Le-marche-interbancaire   ) intervenue après que l'Etat fédéral ( encore lui… ) ait refusé tout plan de sauvetage de la banque Lehman brothers de surcroît ennemie héréditaire du dynamique établissement nommé Goldman Sachs.

Tel un cocktail détonant, il est probable que les deux versants explicatifs se cumulent. Une chose est acquise, la confiance ne règne plus entre les banques et elle ne préside guère à leurs rapports avec leurs clients. Dans le premier cas, il suffit de savoir que plus de 650 milliards d'euros sont confiés chaque jour par les banques à la BCE ( preuve de l'aversion au risque de marché ) et dans le deuxième cas, il suffit de se reporter à la littérature économique sur la notion de " credit crunch " (https://www.andlil.com/definition-du-credit-crunch-126751.html   ).

Depuis l'été, un certain nombre de " research-papers " ont circulé pour souligner le risque croissant de surgissement d'une nouvelle crise financière. Comme dirait la " veuve de Carpentras " ( expression de Gérard de La Martinière :  https://www.tradebourse.fr/definition-veuve-de-carpentras-et-origine.html ), il ne nous manquait plus que çà ! Le raisonnement des économistes est multiforme mais une étude mérite d'être retenue : celle de la Deutsche Bank ( Jim Reid :  https://www.bloomberg.com/research/stocks/private/person.asp?personId=59397070&privcapId=25232408&previousCapId=25232408&previousTitle=Deutsche%20Bank%20AG,%20Research%20Division  ) qui décline les risques en 10 puis 6 principaux facteurs.

L'essor considérable de la finance mondiale ( multiplication des transactions et des structures d'endettement ) et les déséquilibres relevés font dire que " ce serait un acte de foi énorme que d'affirmer que les crises ne constitueront plus un évènement de type régulier du système financier. "

On retrouve cette idée de récurrence impitoyable des crises financières qui est d'ailleurs un pilier de la pensée de Jacques de Larosière ( ancien gouverneur de la Banque de France et ancien DG du FMI ) : https://www.franceinter.fr/emissions/n-arrete-pas-l-eco/n-arrete-pas-l-eco-28-mai-2016

Pour ma part, je considère que chaque crise est singulière et que ses facteurs d'apparition ne sont jamais les mêmes. Autrement, nous serions bien stupides de ne pas élaborer un pare-feu crédible.

Beaucoup redoutent un krach obligataire directement lié aux achats massifs des banques centrales dont le bilan a parfois triplé depuis la mise en place du Q/E (quantitative easing :  https://www.lesechos.fr/02/04/2017/lesechos.fr/0211938400576_la-banque-centrale-europeenne-commence-a-reduire-ses-rachats-d-actifs.htm

En 2018, tant la Fed que la Bce vont procéder à la contraction de leur bilan respectif ce qui peut être mené de mains de maître. Il y a des risques mais en face il y a des outils et de sérieux capitaines de vaisseau. (http://www.latribune.fr/opinions/tribunes/20150216trib5994f550b/comment-l-europe-sortira-t-elle-de-la-politique-de-quantitative-easing.html      ).

Je ne rejoins donc pas la meute frappée d'angoisses sur ce point.

En revanche, je relève que l'Italie présente plus de 380 milliards d'euros de créances douteuses dans les comptes de ses différentes banques et qu'il pourrait y avoir un incendie italien si ce fait se conjuguait avec une tension macabre sur la dette italienne qui continue d'atteindre des sommets. ( 135% du PIB ).

Oui, l'Italie est l'homme malade de l'Europe et hélas nous n'avons quasiment pas les moyens de la sauver via une violente restructuration de sa dette publique ni via un choc de liquidités pour ses banques.

En Orient, tout le monde s'interroge sur les risques du shadow banking («Shadow banking» : la menace fantôme http://lecercle.lesechos.fr/node/164690/) et sur la fiabilité des comptes chinois. Effectivement, un risque sérieux peut venir de là.

Paradoxalement, les craintes sur le trading haute fréquence doivent être analysées avec minutie et il n'est pas raisonnable de le hisser au rang de risque majeur par comparaison avec les déséquilibres sérieux qui affectent les balances courantes et accentuent deux foyers dangereux : l'excès d'instabilité du système financier et d'autre part, la " guerre " des monnaies.

Au total, ces lignes permettent aux lecteurs et lectrices d'avoir une vision plus claire. Mais la clarté n'atteint pas la netteté car les forces en vigueur sont considérables.

Pour l'illustrer, il convient de terminer par une note récente du Trésor français ( https://www.tresor.economie.gouv.fr/Ressources/17575_berlin-eco-4-septembre-2017     )  qui analyse l'Allemagne et confirme que ce pays rapatrie son or, qu'il renforce son Autorité de résolution bancaire, etc.

En clair, l'Allemagne croit à une survenue " fort probable " d'une nouvelle crise financière.

Mais alors que penser de l'idée de créer une méga-banque en fusionnant la Commerzbank avec BNP Paribas ?Autrefois, on disait : " too big to fail ", désormais on doit penser : " Too big to be bailed out ".

Le monde capitaliste est en phase de forte concentration ( on parle d'Amazon rachetant Carrefour ?  https://www.challenges.fr/entreprise/l-interet-presume-d-amazon-en-france-dope-carrefour-et-casino_503786  ) et l'existence des GAFA en témoigne.

Le statut de créateur de monnaie que confère l'outil du crédit aux banques devrait nous dissuader de poursuivre cette course au gigantisme dans le secteur des établissements financiers.

Je suis convaincu que, de ce côté-là, l'économie a déjà le vertige et le mal de mer.

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