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Quand le PS passera-t-il la 5ème ?
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Primaires socialistes

Alors que les candidatures aux primaires socialistes se multiplient, le PS peine à se faire véritablement entendre. Et si les difficultés du parti tenait à sa difficulté d'accepter la logique de la 5ème République ?

Gérard Grunberg

Gérard Grunberg

Gérard Grunberg est directeur de recherche émérite CNRS au CEE, Centre d'études européennes de Sciences Po. 

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Pourquoi, à l’heure d’une personnalisation accrue du pouvoir, les socialistes ont-ils encore tendance à privilégier le programme, sur l’homme ?

Il existe une culture socialiste qui est hostile à la personnalisation du pouvoir, qui entend privilégier le collectif, avec une direction collective qui décide collectivement. Cette culture a été marquée par la bataille du Parti socialiste contre le gaullisme : les socialistes étaient opposés aux institutions de la Vème République en 1958, et encore plus à la désignation du Président de la République au suffrage universel direct, instituée en 1962 par référendum. Traditionnellement, ils n’aiment donc pas l’élection présidentielle et une partie d’entre eux a toujours une forme de nostalgie vis-à-vis du régime parlementaire de la IVème République.

Mais François Mitterrand, qui reste le seul président socialiste de la Vème République, n’a-t-il pas incarné la personnalisation du pouvoir ?

Mitterrand, qui n’était pas de tradition socialiste et qui était surtout intéressé par le pouvoir, a été l’un des premiers à gauche à voir les perspectives d’une candidature dans le cadre de ces institutions. Il a profité en 1965 du fait que Guy Mollet, le Secrétaire général de la SFIO, le parti socialiste de l’époque, ne voulait pas se présenter et ne voulait pas qu’il y ait de candidat socialiste à l’élection présidentielle. Selon lui, c’était le Premier ministre le véritable chef du gouvernement. A partir de Mitterrand, la gauche, qui était dans l’opposition, a vu une opportunité d’arriver au pouvoir grâce à la présidentielle. La SFIO est morte de n’avoir rien compris à cette élection, avec un candidat qui a fait 5% en 1969.

A l’opposé, Mitterrand a assumé de vouloir s’emparer et exercer le pouvoir… mais avec derrière lui un parti qui n’avait pas changé complètement de culture politique.

Pourquoi les successeurs de Mitterrand ne l’imitent-ils donc pas pour prendre le pouvoir ?

C’est ce qu’ils ont fait, mais de manière contradictoire et à contrecœur. Ils étaient motivés davantage par la dynamique des institutions que par une véritable adhésion à ces institutions. Et d’ailleurs, ce n’est pas un hasard si, à gauche, personne d’autre que Mitterrand n’a été élu Président de la République.

En 1995, déjà, LionelJospinétaitaccusédevouloirprésidentialiserlePSen faisant élire le Premier secrétaire directement par les militants…

Jospin a pris un virage assez similaire à celui de Mitterrand à ce moment là. C’est aussi grâce à son score correct à la présidentielle de 1995 qu’il a pu prendre le pouvoir dans le PS. 1995 marque un premier tournant, qui ouvre une nouvelle période jusqu’à 2002. A partir de 1999, Jospin va vraiment essayer de présidentialiser le parti, en particulier avec sa réforme du quinquennat et du calendrier électoral. Si on ne passe pas à un régime présidentiel, au moins on accepte que le président soit le patron, ce qui n’avait jamais vraiment été le cas chez les socialistes. Mais la défaite terrible de 2002 a arrêté tout ça. On a vu assez vite dans le parti se développer des propositions de retour à un régime parlementaire, ou au moins primo-ministériel parlementaire. C’est encore le cas aujourd’hui. Il faut lire le dernier livre d’Arnaud Montebourg ! Montebourg est magnifique pour incarner les contradictions du Parti socialiste : c’est lui qui organise les primaires socialistes, mais il explique dans son ouvrage qu’il faut passer à la VIe République et revenir en quelque sorte à un régime parlementaire ! C’est incohérent d’expliquer vouloir gagner pour ne pas gouverner.

Les socialistes rêvent donc de remporter l’élection présidentielle pour remodeler les institutions à l’image de leur parti ?

Le parti est dans une contradiction totale. Il s’adapte de plus en plus à l’élection présidentielle, il applique même les règles électorales de la Vème République dans ses modes de fonctionnement interne et c’est le seul parti qui fait des primaires ouvertes. Il s’est donc complètement présidentialisé. Pourtant, dans le même temps, il continue à détester la présidentialisation. Martine Aubry constitue un bon exemple : d’abord, parce qu’elle n’a pas beaucoup de désir de se présenter à la présidentielle et ensuite parce qu’elle répète sans arrêt: “on est un collectif, il faut le programme avant le candidat”. Cette peur du candidat et de la présidentialisation est donc au cœur de son discours.

Aujourd’hui, au PS, ceux qui vont le plus dans le sens de la personnalisation du pouvoir, comme Manuel Valls ou Ségolène Royal, ne sont-ils pas aussi ceux qui sont les plus mal vusau sein du parti ?

Oui. Valls, Royal et peut-être aussi Hollande, désormais. Eux se mettent vraiment dans la logique de la présidentialisation du pouvoir, face à d’autres dans le parti qui craignent les divisions internes.

Jean-Luc Mélenchon, qui a toujours été plutôt hostile à la présidentialisation du PS avant de le quitter, n’est-il pas paradoxalement en train de bâtir son succès sur ce terrain là ?

Tout à fait. Il a compris que le Parti communiste mourant avait intérêt à être représenté par une personne capable de dépasser les 5% à l’élection présidentielle. Il s’agit d’une présidentialisation du pouvoir, mais elle ne passe pas par des primaires. Il s’autoproclame et les autres acceptent.

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