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Plus vos nuits sont courtes et plus votre vie le sera : voilà ce que sait désormais la science de notre sommeil
©Flickr

Adonnez vous aux bras de Morphée

Le sommeil est une phase très utile pendant laquelle le corps et le cerveau se régénèrent et se libèrent des toxines. Avoir un manque de sommeil est néfaste pour la santé. Matthew Walker a mis ces problématiques au cœur de son dernier livre "Why We Sleep".

Sylvie Royant-Parola

Sylvie Royant-Parola

Sylvie Royant Parola est psychiatre, et spécialiste du sommeil. Elle est également la présidente du réseau Morphée, consacré à la prise en charge des troubles chroniques du sommeil.

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Atlantico : Matthew Walker, chercheur à l'Université de Berkeley en Californie a publié un ouvrage Why We Sleep dans lequel il montre quelles sont les conséquences d'un manque de sommeil pour la santé. Le manque de sommeil est relié à la maladie d'Alzheimer, le diabète, les cancers, les troubles mentaux entre autre choses. Quelles sont les conséquences que nous connaissons du manque de sommeil ? Pourquoi devrions-nous faire l'effort de respecter les huit heures de sommeil par nuit ?

Sylvie Royant-Parola : Les conséquences d'un manque de sommeil sont bien connues. La première, c'était le retentissement cardiovasculaire avec en premier chef, l'hypertension suivi par les maladies comme les infarctus ou les accidents vasculaires cérébraux. Ce sont des choses mises en évidence depuis les années 1980-1990 en médecine du travail d'abord. La recherche a avancé et les liens entre manque de sommeil et métabolisme ont été mis au jour ensuite. Quand on ne dort pas suffisamment, on se met en situation ou des hormones qui interviennent dans la régulation du poids sont modifiées, en particulier, la leptine et la gréline et par voie de conséquence, l'insuline. Cette dernière hormone ne va pas fonctionner correctement et fera en sorte que l'appétit augmentera et l'élimination des aliments sera diminuée. La prise de poids n'en n'est alors que facilitée. Il y a aussi un lien tout à fait net avec risques de diabète. Quand on se met dans une privation de sommeil, qui va de pair avec un sommeil irrégulier, le pancréas a plus de mal à programmer les choses et le diabète induit peut apparaître. 

La privation de sommeil entraine également des conséquences dans la régulation immunitaire. Quelqu'un qui se trouve en déficit de sommeil subira des modifications au niveau des lymphocytes et des autres cellules qui interviennent dans l'immuno-régulation. L'organisme sera plus sensible a des infections et à certains types de cancers comme les cancers hormono-dépendants, à savoir, le cancer du sein et le cancer de la prostate qui seront plus fréquent chez les personnes en privation de sommeil. Nous avons des données solides par rapport à ce problème de santé. En ce qui concerne les maladies neuro-dégénératives, pendant les périodes de sommeil, le cerveau a une activité très différente que pendant la phase d'éveil. Certaines zones cérébrales fonctionnent et d'autres sont en phase d'hypoactivité. Il y a un phénomène de lavage neuronal dans ces zones-là. Les toxines qui s'accumulent sur les neurones sont éliminées. C'est leur accumulation qui pourrait entraîner les maladies neuro-dégénératives comme Alzheimer. Le sommeil nettoie les neurones. Enfin, on peut ajouter qu'un sommeil trop réduit, voire trop fractionné, s'il est répété va plus facilement faire le lit des dépressions. Un manque de sommeil va jouer sur tous les tableaux du fonctionnement humain, tant physiquement que psychiquement.  

Avec un sommeil de huit heures, le cerveau pourra effectuer toutes les fonctions de régénération de ses capacités de fonctionnement.

Le gouvernement a lancé un plan santé en juillet dernier dans lequel il mettait l'accent sur la prévention contre l'alcool, le tabac et la mauvaise alimentation. Le sommeil n'y figurait pas. Toujours selon Matthew Walker, les autorités sanitaires devraient en faire d'avantage sur ce domaine. Pourquoi est-ce que le sommeil n'est pas mieux considéré par les autorités ? 

C'est un grand mystère. Xavier Bertrand, alors ministre de la santé il y a 10 ans avait lancé un rapport sur le sommeil. On pouvait alors s'attendre à ce qu'une alerte lancée par les spécialistes du sommeil ait été entendue par les gouvernements. Hélas, à ce jour, il n'en n'est rien. On constate de grosses résistances au niveau de la recherche et de la médecine pour considérer le sommeil comme faisant partie d'un des piliers de la prévention santé. On a beaucoup de mal à faire reconnaitre que l'insomnie est une maladie de l'ordre du domaine médical. Il n'y a pas de formations dans le cadre du sommeil, que ce soit dans les études générales de médecine ou dans la formation des médecins. Les alertes ne sont pas suffisamment bien relayées. Il y a de plus un manque d'éducation au sommeil pour les enfants. Rien n'est fait pour habituer les enfants à bien dormir. C'est pareil à l'école ou il n'y a pas de programme pour apprendre à respecter les rythmes de sommeil. 

Cela dit, nous sommes très occupés, et le rythme veille/sommeil est impacté. Nous avons des activités en dehors du travail qui prennent du temps et aussi, il faut compter avec l'émergence des smartphones qui nous tiennent en éveil. S'arrêter pendant huit heures pour ne rien faire paraît inimaginable. Le sommeil, c'est la phase cachée de notre être qui nous permet de vivre. L'annuler entrainerait des complications. Beaucoup de monde ne le comprend pas. Le sommeil est essentiel. On remarque dans nos recherches en tant que cliniciens du sommeil que ce celui-ci se réduit sensiblement. Toutes ces conséquences de ce manque de sommeil vont se ressentir au niveau de la santé publique.

L'auteur du livre explique que la limite entre travail et repos et le temps toujours plus long passé dans les transports mettent à mal notre sommeil. Qu'est-ce qu'impliquerait sur l'organisation de notre société de dormir plus longtemps ? Sommes-nous prêts à faire en sorte de dormir plus longtemps ? 

Notre rythme de travail va changer. Beaucoup de nos métiers nous obligent à nous déplacer et imposent que l'on soit présent à des horaires précises. Pourquoi devoir être tous au bureau à la même heure pour la durée de travail journalière ? Les horaires pourraient être décalés afin de réduire les embouteillages et favoriser des transports moins bondés. Il faudrait aussi favoriser le télétravail. Enfin, cela ne concerne pas que le travail. Les individus sont trop souvent rivés sur leurs tablettes ou leurs smartphones à naviguer sur internet, à visionner des séries ou des vidéos. Ces individus devraient pouvoir s'arrêter et faire quelque chose d'autre. Il y a une image que l'on veut donner d'être toujours visible sinon quoi on n'existe pas. Il faut pouvoir se détacher de tout ça pour soigner son sommeil. 

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