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FN : pourquoi ce que Florian Philippot a fait gagner au parti ne réside ni dans sa ligne souverainiste ni dans la dédiabolisation
©Reuters

A qui la hausse ?

Suite à la démission de Florian Philippot, de nombreux commentaires ont pu faire état de l'apport de l'ancien vice président du Front national depuis son arrivée, en 2011, au sein du Front national, lui octroyant une large paternité de la progression des scores électoraux du parti.

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd

Christophe de Voogd est historien, spécialiste des Pays-Bas, président du Conseil scientifique et d'évaluation de la Fondation pour l'innovation politique. 

Il est l'auteur de Histoire des Pays-Bas des origines à nos jours, chez Fayard. Il est aussi l'un des auteurs de l'ouvrage collectif, 50 matinales pour réveiller la France.
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Atlantico : En prenant le contre pied de cette idée, ne peut on pas considérer que l'entreprise de "dédiabolisation" a plus été la conséquence du remplacement de Jean Marie Le Pen par sa fille, que de l'arrivée de Florian Philippot ? Le succès de la ligne politique proposée par le député européen n'est-il pas ici surestimé ?

Christophe De Voogd : Je distinguerai deux choses : d’une part la dédiabolisation du FN qui est due à Marine Le Pen : celle-ci n’épouse pas -dans son discours, du moins - les querelles de son père sur le gaullisme, le féminisme, le racisme, l’homophobie etc. ; de l’autre, la gauchisation du FN, due, elle, à Philippot, venu du chevénementisme. L’attribution de la montée du FN à son programme social en dit long, non sur le parti, mais sur les commentateurs pris en flagrant délit de « wishful thinking » : comme si seul un programme de gauche pouvait être gage de succès ! Les sondages montrent très exactement le contraire : de façon écrasante, les électeurs FN ont voté MLP au premier tour pour 3 raisons : l’immigration, le terrorisme et la sécurité. Bref, tous les sujets que négligent Philippot, et dont la candidate a à peine parlé lors de son débat avec Emmanuel Macron, préférant se concentrer sur les questions économiques auxquelles elle ne comprenait rien. Seuls 19% des électeurs FN étaient convaincus par le programme économique et social du parti, et la sortie de l’euro (thème chéri de Philippot) suscitait le doute.
Sans doute le FN du Nord et de l’Est, plus ouvrier, a-t-il été davantage sensible aux thèmes sociaux mais il est aussi possible que, dans l’esprit de ces électeurs, l’immigration recouvrait en partie la problématique sociale à travers la concurrence avec les étrangers pour les prestations raréfiées de l’Etat providence.

Outre sa forte présence médiatique, Florian Philippot a pu profiter d'un profil "rare" au sein du parti, énarque, diplômé de HEC, et ainsi apporter une professionnalisation au sein du parti. Cet apport au Front national n'a t il pas été plus important pour les succès du parti que la ligne politique défendue par Florian Philippot ?

Dans une France très critique vis-à-vis de ses élites, et en plus encore chez les électeurs du Front National, l’ENA et HEC sont tous sauf des sauf-conduits ! J’observe au demeurant que le principal intéressé ne les a jamais mis en avant. Je dirai que plutôt que le grand atout de Philippot a été sa compétence rhétorique, sujet qui m’est cher. Je ne l’ai quasiment jamais vu en difficulté face à un journaliste, car il connaît tous les ressorts du duel oratoire, depuis l’attaque ad hominem jusqu’à la substitution de sujet quand il est gêné aux entournures Redoutable débatteur, il a apporté une voix combattante au FN, qui en manquait, en dehors de Marine Le Pen, de Gilbert Collard ; et plus encore de Marion Maréchal Le Pen qui me paraît la plus efficace et qui, si elle revient sur la scène, sera le point de ralliement du FN. Il reste à mesurer ce que Philippot a apporté en termes de réseaux dans la haute fonction publique. La question est, dans ce milieu précis, celle des perspectives de carrière qui dépendent strictement de la conquête du pouvoir. Et sur ce point il a échoué.

Dès lors, quels sont les risques principaux, pour le parti, consécutifs au départ de Florian Philippot ?

Ils sont à première vue sérieux, car l’homme a un pouvoir de nuisance égal à son talent et à son ressentiment. Il peut être un nouveau Mégret. Mais justement, comme ce dernier, je crois que sa base va vite s‘évaporer. Pour Mégret, ce fut la droite qui en a profité. Pour Philippot, ce sera la gauche populiste, car la puissance d’attraction de Mélenchon va s’exercer sur le « FN social ». Ce n’est pas par hasard si le leader de la France insoumise a lancé immédiatement un appel aux « fâchés, mais pas fachos ». Poursuivons l’analogie, mutatis mutandis : L’affaire n’est pas trop grave pour le FN, si son leadership réagit vite et fort, comme avait su le faire Jean-Marie Le Pen après la rébellion Mégret. Le parti a le temps, puisque la prochaine échéance électorale importante est en 2019 seulement, avec les élections européennes. C’est bien pourquoi Marine Le Pen a fini par aller au « clash ». Elle a d’ailleurs perdu un peu de temps et j’ai l’impression qu’on l’a beaucoup poussée du côté de ses soutiens historiques. Le vrai défi pour le FN n’est donc pas le départ de Philippot, mais le leadership de Marine le Pen : celui-ci a été mis à mal, comme on le sait, par le débat d’entre deux tours des présidentielles. Mais il a toujours été fragile : j’en prends pour preuves les résultats du premier tour et le faible rôle de la personnalité de MLP dans le vote FN, soulignée par les sondages depuis longtemps.


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