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Stratégie nationale de santé : Agnès Buzyn face à la résistance obstinée du système français
©PHILIPPE HUGUEN / AFP

Sécu

La ministre de la Santé Agnès Buzyn vient de lancer les travaux de la stratégie nationale de santé 2017-2022, sur lesquels elle est très attendue. D'emblée, on mesure tout le défi qui sera le sien: échapper aux réflexes pavloviens d'une étatisation accrue et d'une résistance obstinée à la révolution des data.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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La ministre de la Santé Agnès Buzyn parviendra-t-elle à inscrire la disruption numérique dans la santé en France? C'est évidemment la question fondamentale de la stratégie quinquennale qu'elle est chargée d'élaborer, et c'est le sujet majeur sur lequelle elle pourrait achopper

Buzyn ose parler innovation

On saluera la relative audace de la ministre qui a fixé à son administration centrale quatre priorités: la prévention et la promotion de la santé, tout au long de la vie et dans tous les milieux (on se félicitera de la présence du mot "prévention", la lutte contre les inégalités sociales et territoriales d’accès à la santé (l'inégalité est le prétexte traditionnel pour développer l'étatisation), la nécessité d’accroître la pertinence (sujet qui concerne d'abord les méthodes de tarification et accessoirement la formation des personnels) et la qualité des soins et l'innovation. Elle a dit le mot! 

Dans l'innovation, Buzyn prononce toutes les paroles blessantes: "Cette démarche favorisera une meilleure association des patients, des usagers et des professionnels qui sont les premiers concernés par ces évolutions, par exemple en matière de télémédecine ou d’objets connectés." Bref, toutes ces horribles idées selon lesquelles le patient pourrait collaborer avec le médecin à ses propres traitements en utilisant des objets de haute technologie. 

Le haut conseil de santé publique déjà sur la défensive

Alors que la ministre Buzyn n'a même pas osé prononcer le mot grossier de data, le haut conseil de santé publique, qui réunit la technostructure de la médecine en France, a déjà exprimé un avis très négatif sur le sujet. Il a en effet défini quatre priorités alternatives à celles de la ministre: "les risques sanitaires liés à l’augmentation prévisible de l’exposition aux polluants et aux toxiques ; les risques d’exposition de la population aux risques infectieux ; les maladies chroniques et leurs conséquences ; l’adaptation du système de santé aux enjeux démographiques, épidémiologiques et sociétaux." Ouf! l'horrible mot "innovation" a disparu de la réflexion.

On ne pouvait pas mieux illustrer la résistance du gouvernement profond français à toute forme d'évolution qui remettrait en cause ses prérogatives. 

Un enjeu majeur de pouvoir

Derrière cette querelle sémantique se cache bien entendu une querelle de pouvoir. La disruption numérique modifie en profondeur le rôle et le statut scientifique des praticiens. Elle permet le développement de la télémédecine, mais aussi le recours à d'autres techniques de diagnostic (fondées notamment sur l'utilisation des data). 

Sur tous ces points, la technostructure sent bien que son omnipotence historique est menacée. Et l'on peut parier sur le fait qu'elle ne se laissera pas faire. On commencera à en voir les premiers signes...

À n'en pas douter, la technostructure médicale préfèrera parler inégalités, sujet bateau qui permet d'avoir un mauvais prétexte pour accroître le poids de l'État, plutôt qu'innovation. 

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