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Cette hypocrisie des attaques contre la réforme de l'éducation nationale sur la question de la mixité sociale
©Reuters

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Le projet de Jean-Michel Blanquer, présenté ce mardi, a pu être contesté en raison de sa supposée non prise en compte du problème de la mixité sociale.

Pierre Duriot

Pierre Duriot

Pierre Duriot est enseignant du primaire. Il s’est intéressé à la posture des enfants face au métier d’élève, a travaillé à la fois sur la prévention de la difficulté scolaire à l’école maternelle et sur les questions d’éducation, directement avec les familles. Pierre Duriot est Porte parole national du parti gaulliste : Rassemblement du Peuple Français.

Il est l'auteur de Ne portez pas son cartable (L'Harmattan, 2012) et de Comment l’éducation change la société (L’harmattan, 2013). Il a publié en septembre Haro sur un prof, du côté obscur de l'éducation (Godefroy de Bouillon, 2015).

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Atlantico : Retour aux quatre jours pour les communes qui le souhaitent, instauration du "Douze élèves par classe" pour les CP et CE1 en éducation prioritaire, rétablissement de l’ensemble des classes bilingues, retour et renforcement des "humanités", stages gratuits de remise à niveau etc... le projet du ministre de l'Education Nationale a été présenté ce 29 août. Le projet de Jean-Michel Blanquer a pu être contesté en raison de sa supposée non prise en compte du problème de la mixité sociale ? Comment peuvent se justifier ces attaques ?

Pierre Duriot : Le retour aux quatre jours sera vécu comme une bénédiction pour beaucoup de foyers. On se souvient des crises de nerfs engendrées par la décision des quatre jours et demi, dans laquelle les associations catholiques ont hurlé à la suppression, en fait, du catéchisme du mercredi matin. Les communes ont dû embaucher force emplois pour jeunes, niveau BAFA, c'est à dire peu élevé, pour « occuper », ont dit la mauvaises langues, les enfants après la classe. Des emplois précaires en réalité, peu négociables sur le marché de l'emploi et peu attractifs. Sans compter quelques avatars dans les rapports entre ces jeunes encadrants, peu formés et les élèves, les hausses d'impôts locaux, les investissements nécessaires en aménagements, les mélanges entre les structures scolaires et les structures périscolaires, ce qui a créé de la confusion et des tensions, car quelquefois, les animations d'après la classe avaient lieu dans la classe. Tout ça pour ça, pourrait-on dire. Des intervenants, dont je fus, n'ont cessé de mettre en garde contre ce tripatouillage d'emploi du temps hasardeux, fait de petits emplois, de bénévoles, de projets flous et de locaux inadaptés. Le résultat est là, même si quelques réussites éducatives sont indéniables. On n'améliore pas la qualité de l'enseignement et le bien être des élèves à l'école avec des acrobaties horaires et des emplois communaux à durée déterminée.

Douze élèves par classe en CP : excellent. A condition que les maîtres soient bien formés et que l'objectif soit bien l'apprentissage des fondamentaux et non la conduite d'activités « humanistes », en réalité très politiques, comme on en voit beaucoup dans les écoles à travers des « projets » et « animations ». Retourner aux fondamentaux, revenir aux apprentissages systématiques des règles de français et de maths qui seuls solidifient les apprentissages. En finir avec la « mise en situation de réussite » permanente qui créée de l'illusion, reprendre les items de posture et de respect de l'ambiance de classe avec, désormais, de gros contingents d'enfants labiles et indisciplinés. Le groupe de douze pourrait être un incontestable progrès. A noter également qu'on limite à douze, le nombre d'enfants dans les classes spécialisées car cela constitue un effectif dans lequel le maître a plus de latitude pour n'oublier personne et consacrer à chacun le temps nécessaire à la réussite.

Stages gratuits, bien sûr, ils sont basés sur le volontariat et donnent souvent de bons résultats avec des élèves motivés. Les classes bilingues, oui, c'est un plus pour des élèves bien engagés dans les processus d'apprentissage, on ne va quand même pas freiner les meilleurs élèves au titre d'une égalité devenant ainsi « égalitarisme ».


Quelles sont les erreurs commises par les politiques qui visent directement l'objectif de la mixité sociale ?

La première erreur se situe dans l'emploi du mot « sociale ». Le ministre ne peut pas le dire, mais il s'agit en fait de mixité ethnique. La mixité sociale se réalise à peu près et quand elle ne se réalise pas, cela ne dérange à vrai dire, pas grand monde. Ce qui dérange, ce sont les collèges généraux et les lycées professionnels devenus des ghettos, dans des quartiers où sévissent l'ensemble des maux de la société moderne. Voici peu de jours, Bernard Ravet, principal dans trois des collèges les plus difficiles de Marseille, a livré un témoignage accablant sur la lâcheté de l'Education nationale, l'électoralisme des politiques et le silence des syndicats, en racontant la guerre de positions que mènent l'islamisme, mais aussi l'islam ordinaire, au sein des établissements publics dit sensibles. Ce cadre lève le voile sur le problème qui agite en réalité le Ministère de l'Education Nationale et que tout le monde voudrait résoudre sans avoir à en parler. Il est le même dans les périphéries de toutes les grandes villes et même, maintenant, de quelques villes moyennes. Après des décennies de « respect de la culture » et de légitimation des revendications communautaires, ayant entraîné les dégâts que tout le monde connaît, sans oser le dire, se pose le problème d'un retour à un semblant de laïcité assimilé à de l'islamophobie puisque cela a été permis, à demi-mot. Il suffit de se souvenir de ce qui avait été mis en place de spécial pour l'intégration des autres sources d'immigration, espagnole, polonaise, italienne, portugaise ou asiatique. Qu'a t-on fait de particulier pour ces gens là ? Rien. Et ils s'en sont magnifiquement intégrés.

L'erreur est de vouloir décréter cette mixité ethnique, puisque c'est d'elle qu'il s'agit. Parce que les intéressés visés, eux-mêmes, ne le souhaitent pas tous, c'est le moins que l'on puis dire et que les parents ne souhaitant pas cette mixité ethnique auront toujours le choix d'inscrire leurs enfants ailleurs, d'un côté comme de l'autre. La problématique est bourrée d'hypocrisies puisque les responsables éducatifs de premier plan, ministres compris, n'ont jamais mis leurs propres enfants dans des quartiers multi-ethniques. Les arabo-musulmans eux-mêmes, les plus en réussite sociale, retirent leurs enfants de ces quartiers, vont même jusqu'à les inscrire dans des écoles privées catholiques. Les enfants des familles « de souche » ont fui progressivement des quartiers devenus communautaires et laissé entière une problématique à résoudre, sans la nommer. L'autre hypocrisie repose sur le fait d'énoncer que le pays a fabriqué des ghettos, alors que les quartiers en question, qui furent de qualité à l'origine, ont d'abord été construits, dans les années 50 et 60, pour absorber l'exode rurale interne, à laquelle se sont ajoutés des immigrés de toutes origines. Par la suite, avec le jeu du regroupement familial, du départ de certaines catégories socio-professionnelles, des fécondités relatives des différents groupes ethniques, des phénomènes économiques et de délinquance, nous sommes arrivés à ces quartiers communautaires, soumis aux revendications politico-religieuses, dont parlent Bernard Ravet et bien d'autres. Selon un processus de pourrissement étalé sur plusieurs années mais qui a toujours été nié par des artifices de langage et des postures idéologiques. Cela n'a pas empêché le gilet pare-balles de devenir la tenue standard des agents de l'Etat ayant à opérer de jour comme de nuit dans ces zones. La solution est bien de promouvoir un enseignement de qualité et de faire régner l'ordre républicain et laïque sur l'ensemble du territoire, moyennant quoi, tout le monde laissera son enfant dans l'école la plus proche de son domicile, puisqu'il y sera en sécurité et qu'il recevra le même enseignement que partout ailleurs. Rien, absolument rien, à moins de passer sous régime dictatorial, ne pourra obliger quiconque à laisser son enfant dans des ambiances délétères dont il ne veut pas.

A ce stade, il est étonnant de voir les critiques relancer ce vieux débat avec les mêmes arguments et les mêmes précautions oratoires voués à l'échec comme cela a toujours été le cas. L'école doit cesser de se soucier de l'origine ethnique de ses élèves, de leur culture d'origine, cesser de craindre de heurter les sensibilités de quelques uns et repasser, pour un temps, à une « laïcité de combat », afin de rétablir à la fois les principes et les contenus de l'école. Mais peut-être est-ce déjà trop tard pour le réaliser de manière apaisée.

Quels sont les effets à attendre des nouvelles décisions prises par le ministère de l'Education Nationale ?

Les effets les plus visibles seront sans doute ceux liés au retour en quatre jours avec les réorganisations, au niveau de chaque commune, des transports scolaires et des emplois dévolus à l'école. Les CP et CE1 à douze élèves peuvent être une belle expérimentation dont les résultats seront à suivre de près, mais à priori, ce sera mieux. Pour le reste, rien de bien neuf...

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