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Sondage exclusif : si Emmanuel Macron veut en finir avec l’état d’urgence, 78% des Français s’y opposent
©ANNE-CHRISTINE POUJOULAT / AFP

Perte de crédibilité

Selon un sondage Ifop exclusif pour Atlantico, les Français font de moins en moins confiance au gouvernement dans la lutte contre le terrorisme.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : Quels sont les enseignements de cette étude (à retrouver plus bas) ? Comment expliquer cette baisse de confiance de la population en la capacité d'Emmanuel Macron et du gouvernement à faire face et à lutter contre le terrorisme, alors que le sentiment de menace est resté stable, à un niveau historiquement élevé ?

Jérôme Fourquet : Effectivement, on constate que la perception de la dangerosité de la période est toujours très répandue dans l'opinion avec 94% de Français qui estiment que la menace est élevée et quasiment un sur deux (45%), qui la voit très élevée. Donc on reste sur des niveaux extrêmement importants depuis janvier 2015, avec une intensité de menace plus ou moins aiguë. Notamment au début de l'été, où la multiplication des attaques sur les Champs Elysées avait créé un climat de psychose plus intense. La France a été moins touchée ces dernières semaines, mais les attaques à l'étranger, on pense évidemment à celles de Barcelone, contribuent à nourrir ce climat anxiogène mais de façon moins aiguë qu'il y a quelques semaines cependant.

Pour faire face à cette menace terroriste, les Français continuent de faire massivement confiance aux forces de police, de gendarmerie et de renseignement à hauteur de 83%, même si l'intensité de la confiance est en recul (confiance très élevée 22%), sans doute du fait de la multiplication des attaques, qui montrent qu'il est très difficile de se prémunir contre de tels phénomènes notamment quand le profil des auteurs semble à cheval entre la psychiatrie et le terrorisme. On a plusieurs cas de mimétisme avérés, on pense notamment à cette petite fille morte lors de l'attaque d'une terrasse de pizzeria de Seine et Marne par un suicidaire. Les Français voient que cette menace est évolutive et protéiforme.

Quant à la confiance en l'action d'Emmanuel Macron et son gouvernement, on constate deux choses. La mesure effectuée en juin 2016, montrait un gain spectaculaire de confiance en le gouvernement sur ces sujets. En Juillet 2016, après les attentats de Nice et St Etienne du Rouvray, et le volte-face de François Hollande sur la sortie de l'état d'urgence, l'exécutif avait été mis à mal au niveau de la confiance (40% en janvier 2016, 33% après Nice, 29% après St Etienne du Rouvray).  

Macron n'a pas une expérience importante en matière de lutte contre le terrorisme, il n'a ni été ministre de l'Intérieur, ni souvent pris position sur ces sujets mais avait encore une crédibilité sur ces sujets très satisfaisante (58%) et bien plus importante que celle de son prédécesseur juste après les législatives. Mais ce socle s'est érodé depuis, puisqu'il est descendu à 46% et ce pour deux raisons. 
D'une, la multiplication des attaques, même de basse intensité, qui a fait reflué le crédit des forces de sécurité, et aussi sur le pouvoir exécutif. Et de deux, un jugement politique global sur l'action d'Emmanuel Macron, ce qui nous renvoie au dévissage impressionnant de la côte de popularité du président (moins 24 points en l'espace des deux derniers mois, selon le sondage ifop-JDD de dimanche dernier), qui du coup se décline sur toutes les actions gouvernementales et notamment sécuritaires.  

Alors que la fin de l'Etat d'urgence est prévue pour cet automne, seuls 22% des Français y sont favorables. Quel risque politique prend Emmanuel Macron ? Dans quelle mesure cette question de terrorisme peut-elle entraîner une baisse supplémentaire de popularité pour le Président? S'agit-il d'un élément moteur dans la baisse de sa popularité?

Depuis la mise en place de l'état d'urgence, nous avons une majorité de français favorable soit à son maintien soit à son renforcement. Dans notre sondage de janvier 2016, quelques mois après la première mise en place de l'état d'urgence, nous étions aussi sur des scores à peu près similaires. 80% de français était favorable à sa reconduction. Cela n'a donc pas évolué dans le temps, les Français y demeurent extrêmement attachés sans lui donner non plus une confiance aveugle. Ils savent que le risque zéro n'existe pas mais estiment que depuis novembre 2015 la France est plongée dans une situation hors-normes, et qu'il convient de se prémunir en adoptant des moyens tout aussi extraordinaires. Tant que nous ne serons pas sortis de cette situation, les Français réclameront des moyens exceptionnels comme l'état d' d'urgence pour se protéger. De ce point de vue, le précédent de juillet 2016 est marquant, puisque François Hollande avait justifié sa volonté de sortie de l'état d'urgence par une diminution de l'intensité de la menace et par le fait que l'essentiel des dispositions avaient été transposées dans le droit commun, et s'était retrouvé démenti de manière extrêmement cruelle et cinglante quelques heures à peine après cette annonce.  
Cette transposition demeure mais reste très technique et pas forcément comprise des Français. Donc même s'ils ne se font pas d'illusions sur l'efficacité parfaite de ce système, ils y restent attachés pour faire face à une menace hors du commun. Pour éviter le piège dans lequel était tombé François Hollande en 2016,  il faudrait, d'une part, que le gouvernement parvienne à convaincre que ce dispositif est obsolète de par sa transposition dans le droit commun et que les Français soient convaincus que la menace a suffisamment dégonflé pour baisser la garde. Deux conditions qui me semblent difficilement réunissables d'ici le 1er novembre comme annoncé.

Les tenants de la sortie de l'état d'urgence, invoquent son caractère d'exception et potentiellement porteur d'atteinte aux libertés civiles. Or cette menace n'est pas du tout identifiée par les Français, pour eux c'est un bouclier supplémentaire qui les protège au coût civique quasi-nul.  Les manifestations contre la loi El-Khomri sont un bon exemple. D'une, elles n'ont pas été interdites, et deux elles ont donné lieu à des scènes de violences systématiques à l'encontre des forces de l'ordre. Donc le discours qui fait de l'état d'urgence, un état policier  comme le nomme l'extrême gauche, se retrouve complètement à plat. Dans quel pays sous état d'urgence voit-on des policiers se faire agresser? Les libertés individuelles n'ont pas été remises en question, la liberté de la presse non plus, la vie démocratique et civique n'a pas du tout été rognée. Pour les Français il n'y a pas d'intérêt immédiat à sortir de l'état d'urgence.

Lors de sa campagne, Emmanuel Macron prônait déjà une sortie de ce dispositif, mais quand il est arrivé au pouvoir, il a dû demander au Parlement une reconduction de trois mois suite aux événements survenus sur les Champs Elysées. Et ça, personne ne peut affirmer que cela ne va pas se reproduire dans les semaines qui viennent. Le Président reste à la merci d'une attaque qui viendrait affaiblir sa crédibilité déjà érodée, comme ce fût le cas pour François Hollande. Et même sans ça, avec 80% de personnes favorables au maintien de l'état d'urgence, la situation en termes d'opinion rend la tenue de cette promesse très compliquée.

Quelles sont les leçons catégorielles de ce sondage ? Quelles sont les catégories de population pour lesquelles la défiance s'est installée? Quelles sont populations qui ont perdu confiance depuis le dernier sondage réalisé au mois de juin?

On est sur une baisse de 12 points au niveau global et elle est variable selon l'orientation politique. L'électorat de droite se distingue particulièrement. Moins 5% chez LFI, moins 9% au PS, moins 1% chez LRM avec 92% qui fait toujours confiance. En revanche, il y a un vrai décrochage chez Les Républicains, avec moins 17 points. Au FN, moins 5% mais on était déjà très bas. De manière assez liée avec ce qu'on vient de voir à droite, on constate une baisse de 21% parmi les 65 ans et plus, qui sont majoritairement à droite. Donc ce décrochage à droite, on peut y voir un effet indirect de la polémique, de la passe d'armes entre Macron et son ancien chef d'état-major des armées, le général de Villiers, avec en toile de fond la baisse des crédits militaires pour 2017. Dans l'opinion, le dispositif Sentinelle rassure et donc que le général de Villiers soit allé au clash sur cette question du maintien du budget a sans doute altéré la crédibilité d'Emmanuel Macron sur ce sujet de la lutte contre le terrorisme dans l'électorat de droite. 

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