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La rage, l'une de ces sympathiques maladies que l’on peut attraper en pratiquant la zoophilie
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Bonnet d'âne

Dans la province de Sidi Kacem (ville de 90 000 habitants se situant au nord-ouest du pays, à la longitude de Séville et à mi-chemin entre Rabat à l’Ouest et Fès à l’Est), quinze jeunes Marocains âgés de 7 à 15 ans ont dû être hospitalisés en urgence début août en raison d’une encéphalite débutante qui s’est avérée être la rage. Ils se sont contaminés à l’occasion d’un viol de groupe commis sur une ânesse.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Le nom de cette maladie est largement connu, mais il n’est sans doute pas inutile de rappeler ce qu’est la rage. Quelle est-elle exactement ?

Stéphane Gayet : La rage est une très grave maladie infectieuse provoquée par un virus, le virus rabique. Tous les animaux à sang chaud sont réceptifs à ce virus. Les carnivores lui sont particulièrement sensibles (les chiens de race pure lui seraient plus sensibles ; l’hyène mouchetée du Serengeti lui semblerait au contraire réfractaire).

C’est une zoonose, donc une maladie animale — le réservoir de virus est constitué d’animaux généralement sauvages —qui peut passer accidentellement à l’homme. En Europe, la rage vulpine ou sylvatique a pour réservoir le renard roux.En Amérique du Nord, au moins six souches de virus rabique infectent les putois, les renards, les coyotes et les chacals. Sur le continent africain, en Amérique latine et en Asie, le réservoir le plus préoccupant est constitué de chiens errants : c’est la rage citadine. L’Australie a été longtemps considérée comme indemne de rage ; en réalité, les chauves-souris y sont fréquemment infectées par un virus proche du virus rabique et transmissible à d’autres espèces animales, y compris l’Homme.

La contamination ou transmission du virus se fait presque exclusivement par la salive d’animaux infectés, présentant ou non des signes de rage, car ils sont déjà contagieux alors qu’ils n’ont pas encore de signe de maladie. Cette contagiosité des animaux à la fin de la période d’incubation — espace de temps séparant leur propre contamination du début de leur maladie apparente —constitue un danger majeur avec la rage. C’estune particularité qui est à l’origine de la réglementation imposant la mise sous surveillance vétérinaire des carnivores ayant mordu ou griffé une personne (les griffes ayant pu être contaminées par de la salive).Il faut préciser que, d’une part, le virus rabique est présent en grande quantité dans la salive des animaux malades et que, d’autre part, la rage —quand les signes de la maladie ont commencé à apparaître — pousse les animaux malades à mordre. C’est donc la morsure qui inocule le virus grâce à la plaie qu’elle crée.

Cependant, si la transmission du virus de la salive de l’animal malade à la plaie provoquée par la morsure est de très loin la principale circonstance de contamination, ce n’est pas la seule possible. En effet, le virus rabique circule dans tout l’organisme infecté et il peut se trouver au niveau de toute muqueuse, voire émis par cette muqueuse. De plus, du côté du sujet cible, la porte d’entrée peut également être une muqueuse. C’est ainsi que certaines personnes se sont contaminées en inhalant un aérosol riche en particules virales, émis dans une grotte par des chauves-souris infectées.Par ailleurs, quelques cas dramatiques de greffe de cornée ont transmisle virus rabique au receveur du greffon (muqueuse de l’œil). La transmission par voie buccale est également possible : il est arrivé que des personnes se contaminent en reprisant un vêtement déchiré par la morsure d’un animal enragé (cela est dû à l’habitude de mettre plusieurs fois le fil à repriser dans sa bouche pour l’humecter de salive). Enfin, dans l’événement rapporté, il s’agit d’une contamination par la muqueuse génitale.

S’agissant à présent de la maladie qui s’est déclarée, la rage est une encéphalite se manifestant de façon pratiquement semblable chez les différentes espèces animales et chez l’Homme. La période d’incubation varie — de dix jours à trois mois —selon le site de morsure : plus il est proche du système nerveux central et plus la zone mordue est riche en filets nerveux, plus le délai est bref. Les valeurs extrêmes rapportées vont de cinq jours à plusieurs années.

La première phase dure de deux à trois jours : l’individu est inquiet, son caractère se modifie ; l’Homme se plaint de maux de tête. Les manifestations de la deuxième phase sont variables. Dans le cas d’une forme furieuse survient une agressivité : l’animal cherche à mordre et à échapper à la surveillance de son maître. L’Homme a des peurs incontrôlables et des convulsions ; il devient insomniaque, parfois violent. L’Homme et les animaux présentent fréquemment une salivation très abondante, une hypersensibilité au bruit et à la lumière, ainsi qu’une sensibilité cutanée exagérée (hyperesthésie). Il devient difficile d’avaler, de déglutir. L’hydrophobie (panique déclenchée par la vue de l’eau) est propre à l’Homme. La forme paralytique peut, soit succéder à la forme furieuse, soit la remplacer.Il s’agit d’une paralysie dite flasque (le corps est sans aucun tonus), qui précède la mort par arrêt respiratoire. Dans certains cas, seule une paralysie flasque des muscles du visage se manifeste. La mort survientquatre à dix jours après les premiers signes de maladie. Chez l’Homme, la survie est tout à fait exceptionnelle : deux cas ont été rapportés, tous les deux aux états-Unis d’Amérique : le premier cas en 1970 (petit enfant), le deuxième cas en 2004 (jeune fille).

Comment se fait-il que plusieurs jeunes Marocains aient pu contracter la rage au contact d’un animal domestique ?

D’un côté, le Maroc est un pays où les chiens errants sont nombreux. Ils échappent donc à tout contrôle, mais des abattages sont effectués lorsque c’est nécessaire. De fait, le Maroc fait partie des pays où la rage animale reste très présente et où les cas de rage humaine sont loin d’être rares. Des difficultés d’accès aux soins et le coût du traitement après exposition contribuent à la perte de chance des personnes — surtout des enfants — mordues par un chien enragé. La rage est vraiment un important problème de santé dans ce pays. Il est plus que probable que cette ânesse avait été mordue par un chien enragé.

De l’autre côté, cette affaire met en lumière les pratiques zoophiles ou encore bestiales. La zoophilie ou bestialité est une pratique sexuelle anormale qui consiste à avoir un contact génital et le plus souvent une pénétration avec un grand mammifère (petit cheval, âne, chèvre, grand chien…). Elle est pratiquée par des sujets des deux sexes, hommes et femmes. Cette pratique serait relativement fréquente dans les régions rurales à faible densité de population. Faut-il préciser qu’elle est sévèrement condamnée par les religions monothéistes, certaines la punissant même de mort ? Il semblerait que, dans certains pays, la zoophilie ou bestialité serait un mode répandu d’initiation sexuelle à la puberté. Elle est aussi pratiquée par des sujets adultes. Cette dramatique affaire nous enseigne que les contacts intimes avec des animaux peuvent être particulièrement dangereux.

Au moins 15 jeunes Marocains ont eu un contact génital avec cette ânesse qui a été ensuite abattue. Mais on a appris que le nombre réel serait en fait plus important : cette ânesse servait à l’initiation sexuelle des adolescents. Toutefois, les familles des autres garçons contaminés auraient préféré les emmener dans un hôpital loin de Sidi Kacem pour éviter que cela ne se sache.

Que sait-on de la situation de la rage à l’échelle mondiale en 2017 et quelles mesures sont prises ?

La rage est une maladie cosmopolite qui touche plus de 150 pays. Elle est responsable d’environ 59 000 décès annuels dans le monde, essentiellement en Asie et Afrique, le plus souvent à la suite d’une morsure par un chien enragé. Les enfants âgés de moins de 15 ans représentent 40 % des personnes mordues par un animal pour lequel il existe une présomption de rage. Chaque année, environ 17 millions de personnes reçoivent un traitement après exposition à des animaux chez lesquels on soupçonne la rage (voir plus loin).

Ce sont donc avant tout les chiens qui sont à l’origine des cas mortels de rage humaine : ils représentent jusqu’à 99 % des cas de transmission du virus rabique à l’homme. En vaccinant systématiquement tous les chiens et en évitant les morsures, on pourraitréduire considérablement la fréquence de la maladie. Par ailleurs, le nettoyage immédiat de la plaie à l’eau et au savon après un contact avec un animal suspect est essentiel et il peut sauver la vie. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) s’est fixé pour but de ramener à zéro le nombre des décès humains dus à la rage d’ici 2030.

Quel est ce traitement après exposition ?

Le traitement préventif de la rage à la suite d’une exposition — morsure essentiellement —commence par un traitement non spécifique : il s’agit du nettoyage et de l’antisepsie des plaies, ainsi que de la vérification de l’état vaccinalvis-à-vis du tétanos. Par ailleurs, untraitement antibiotiqueest souvent indiqué en présence d’une morsure, surtout si elle est profonde et inflammatoire.

La période d’incubation de la rage étant particulièrement longue, il est possible de stimuler et mobiliser le système immunitaire de façon à ce qu’il prenne de vitesse l’incubation silencieuse de la maladie. Mais il faut pour y parvenir faire vite, dès le contact — morsure le plus souvent — avec un animal présumé enragé. Ce traitement est constitué d’une vaccination post-exposition — différente de la vaccination préventive que l’on effectue chez les professionnels exposés aux animaux — et d’une injection d’immunoglobulines humaines. En France, c’est le médecin d’un centre antirabique qui décide de l’option thérapeutique : soit abstention (animal vacciné et surveillé, sans aucun signe de rage) ; soit vaccination (quatre ou cinq injections intramusculaires réparties sur un mois) — mais interrompue avant son terme s’il s’avère que l’animal n’est pas enragé : cas fréquent ; soit encore vaccination plus sérothérapie (immunoglobulines),dans les cas les plus dangereux (en particulier, lorsque la personne mordue est vue tardivement).

Qu’en est-il du risque de rage en France ?

La rage des renards (rage vulpine) a été très efficacement combattue et enrayée grâce aux mesures qui ont été mises en œuvre par les services vétérinaires (vaccination orale des renards avec des appâts qui ont été largement répandus dans les zones de rage vulpine), depuis les années 1990.

La vaccination obligatoire des chiens est une mesure préventive appliquée de façon très stricte en France.

Aucun cas de rage humaine acquise sur le territoire français métropolitain n’a été rapporté depuis 1924. En 2008, un cas humain a été rapporté en Guyane, probablement dû à une morsure de chauve-souris. Des cas humains acquis hors du territoire français et diagnostiqués en France ont également été recensés : le dernier patient mort de rage en France a été soigné et diagnostiqué en région parisienne,à la suite d’un séjour prolongé au Mali.

En 2015 en France, près de 4200 personnes ont reçu un traitement après exposition. Cela ne signifie pas que ces personnes aient été réellement exposées au virus de la rage, mais que le risque de transmission ne pouvait pas être complètement écarté et qu’une prophylaxie a été débutée par précaution.

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