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Augmentation de 25% des indemnités de licenciements ou le grand retour de la politique du donnant-donnant
©Reuters

Juste ?

Le cabinet de Muriel Pénicaud envisagerait une augmentation de 25% des indemnités de licenciement, en contrepartie de la mise en place d'un plafond d'indemnités de licenciement.

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon

Sophie de Menthon est présidente du Mouvement ETHIC (Entreprises de taille Humaine Indépendantes et de Croissance) et chef d’entreprise (SDME).

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Atlantico : Le cabinet de Muriel Pénicaud envisagerait une augmentation de 25% des indemnités de licenciement, en contrepartie de la mise en place d'un plafond d'indemnités de licenciement. Une telle proposition est-elle acceptable pour les entreprises ou s'agit il d'une rupture par rapport aux engagements pris par le chef de l'Etat?

Je pense qu'il ne faut pas raisonner en termes de promesses politiques, qui, aujourd'hui, ne veulent plus dire grand-chose. Il faut raisonner en termes d'efficacité ou non de la mesure. La réalité, c'est qu'expliquer à des chefs d'entreprises que l'on va baisser le coût du travail et le coût du licenciement , en l'augmentant de 25% me parait de fait assez surréaliste. Il est évident que nous avons toujours et de la même façon, à licencier des salariés, et cela nous coûtera alors 25% plus cher. 

Deux raisons sont énoncées pour justifier ce choix. La première est qu'il semblerait d'une part que les indemnités de licenciement sont parmi les plus faibles d'Europe, et d'autre part qu'en revanche, les passages devant les prud'hommes des salariés sont extrêmement élevés et se révèlent une véritable épée de Damoclès pour les patrons. Néanmoins, je ne vois pas comment dans la pratique cette augmentation de 25% va décourager les salariés d'aller aux prud'hommes.... Car aux prud'hommes, le salarié ne risque aujourd'hui rien, sinon de gagner encore plus. 

Il semble qu'effectivement – et on sent la strategie  politique – cette décision a été prise pour faire plaisir aux syndicats et faire passer la pilule. Deux syndicats réclament d'ailleurs non pas 25% mais 50% d'augmentation. Avec ce genre d'initiative, nous risquons de continuer de plus bel à recruter des CDD! 25% de plus pour une PME, c'est déjà énorme ! ce qui m'inquiète en termes de méthode, c'est que sous prétexte d'habilité – incontestablement nécessaire – on fait comme d'habitude du donnant-donnant. Il y a un le moment où il faudra prendre une bonne décision même si elle est critiquée. Si l'habileté consiste encore une fois à prendre dans une poche pour mettre dans une autre, on n'y arrivera pas !

Entre des baisses des cotisations sociales et de l'ISF décalées et une augmentation du seuil d'indemnités, est-ce que l'enthousiasme qui a pu apparaître dans "les milieux d'affaires" est en train de se retourner ? Avec quelles conséquences pour l'économie française ? 

Actuellement, il y a un effet Macron indéniable. C'est l'effet d'un changement de politique marquant qui fonctionne bien et qui doit perdurer. Et ce parce qu'on a tellement envie que cela marche. Il y a à la fois un bashing incroyable anti-Macron de la part de la presse, et des sondages qui seraient en baisse, mais tout le monde entrepreneurial, salariés compris, espère qu'il réussisse. Il n'y a pas encore de déception sur ce point. Mais la déception pourrait venir quand on aura vraiment la capacité de mesurer les effets de la loi Travail. On n'applaudit donc pas des deux mains. Et d'un autre côté il vaut mieux annoncer aussi les difficultés afin d'empêcher une rentrée sociale dans la Rue. Quoi qu'il fasse ce gouvernement doit s'attendre à des grèves...

Comment expliquer qu'après avoir investi autant de capital politique dans les mesures économiques de ce début quinquennat, Emmanuel Macron semble "reculer" sur de nombreux dossiers ? La réalité a-t-elle changé, ou s'agit il d'une question de rapports de force ?

Ce dont je me suis rendu compte à l'occasion d'interventions d'ETHIC couplées avec des mouvements patronaux et la Fédération des Services à la personne c'est que tout se décide à Bercy. Quand on prépare une mesure, on confie toujours la charge d'étudier le dossier aux grands spécialistes de Bercy qui sont d'une compétence absolument extraordinaire mais qui font ce qu'ils veulent, annoncent ce qu'ils veulent et à la fin conçoivent des usines à gaz tant ils sont loin du terrain. Ils n'ont jamais mis un pied dans une PME, et calculent cependant toute la journée l'équilibre des Finances de la France. Et je pense qu'Emmanuel Macron, tout ancien ministre de l'Économie soit, est aujourd'hui victime des calculs de la techno structure de Bercy ! 

Nous nous en sommes rendus compte quand nous avons essayé de faire passer une proposition pour faire avancer de l'argent pour que les services à la personne puissent repartir plus vite et qu'on rembourse les gens 18 mois après. Notre proposition était travaillée, impeccable, les banques acceptaient d'avancer l'argent et cela ne coûtait pas un euro à l'État tout en faisant rentrer immédiatement des sommes considérables dans ses caisses. Cela aurait provoqué un choc sur l'emploi au noir qui serait devenu sans objet. Mais Bercy a dit non, et quand Bercy dit non, même le ministre ne peut rien dire. On est dans l'immobilisme total ! Je ne crois en rien – bien que j'y sois favorable – à ce qu'a promis Emmanuel Macron en matière de baisse fiscale et d´incitations aux entreprises en termes d'amoindrissement du coût du travail, si on ne me dit pas quelles sont les baisses réelles prévues des dépenses de l'Etat ,dans quel délai, combien cela rapporte, etc.… et le tout avec une pédagogie béton ! À partir de là on pourra réformer. Sinon la fiscalité est un jeu de Bonneteau.

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