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L'ex-actrice porno qui fait condamner Google et bouleverse le droit des internautes
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Une ancienne actrice de films pornographiques reconvertie dans le secrétariat juridique souhaitait effacer de la toile les traces de son passé. Le Président du TGI de Paris a condamné Google au paiement de la somme de 2 000 euros au titre du préjudice moral subi par la demanderesse, ainsi qu'au retrait de tous les liens URL litigieux.

Antoine Chéron

Antoine Chéron

Antoine Chéron est avocat spécialisé en propriété intellectuelle et NTIC, fondateur du cabinet ACBM.

Son site : www.acbm-avocats.com

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L’ordonnance rendue le 15 février 2012 par le Président du Tribunal de Grande Instance (TGI) de Paris est un pas de plus vers la reconnaissance du droit à l’oubli numérique, et s’inscrit dans une dynamique politique et législative plus large.

En effet, pour mémoire, cette question avait fait l’objet en 2010 d’un rapport présenté par Mme Kosciuzko-Morizet alors secrétaire d'État à l'Économie numérique, définissant le cadre du droit à l’oubli numérique et démontrant que les internautes français y étaient largement favorables. Ce droit n’a pour le moment pas fait l’objet de mesures législatives.

Plus récemment, la Commission européenne a présenté un projet de loi envisageant la création de ce nouveau droit, afin de permettre aux citoyens de mieux gérer les risques liés à la protection de leurs données en ligne en obtenant leur suppression si aucun motif légitime ne justifie leur conservation.

Dans l’affaire présente jugé en référé par le Président du TGI de Paris, la demanderesse, ancienne actrice de films à caractère pornographique reconvertie dans le secrétariat juridique, souhaitait effacer de la toile les traces de son passé. En effet, son nom et prénom étaient toujours présents sur les moteurs de recherches en tant que mots clé menant vers des sites pornographiques.

Après s’être adressée en vain aux producteurs et distributeurs desdits films, ainsi qu’à l’administrateur du site internet publiant des vidéos x, la demanderesse a engagé une action à l’encontre du moteur de recherche, à savoir Google, réclamant la suppression des liens URL associant son patronyme aux vidéos litigieuses, sur le fondement de l’atteinte à sa vie privée et de son droit à l’oubli.

Pour le Tribunal, le fait d’associer un patronyme à des vidéos pornographiques constitue une atteinte à sa vie privée. Or, en application de l’article 6-I-2 de la LCEN, si une personne porte à la connaissance de l’hébergeur l’existence de contenus à caractère illicite, celui-ci a l’obligation de retirer ces contenus. Par conséquent, n’ayant désindexé les liens URL, Google « participe au trouble manifestement illicite causé à la demanderesse qu’il convient de faire cesser ».

Concernant le droit à l’oubli, malgré le fait que la demanderesse ait donné son consentement lors du tournage de ces films, elle n’a pas consenti à leur numérisation et à leur diffusion sur internet. Ainsi, bien que « cette vidéo ne révèle pas en elle-même des scènes de sa vie privée, il n’en demeure pas moins que ce film témoigne d’une époque donnée de la vie de la jeune femme laquelle entend bénéficier du droit à l’oubli ».

Il résulte de ce qui précède que Google a été condamné au retrait de tous les liens URL litigieux sous astreinte de 1 000 euros par jour. Au surplus, le Tribunal a ordonné au moteur de recherche, propriétaire du service de messagerie Gmail, la communication de l’adresse IP de l’éditeur du premier site internet à avoir référencé la vidéo à caractère pornographique sous les noms et prénoms de la demanderesse. Enfin, le Tribunal a condamné Google au paiement de la somme de  2 000 euros au titre du préjudice moral subi par la demanderesse.

Dans un arrêt datant de 2010, le Président du TGI de Montpellier avait rendu une ordonnance comparable, condamnant Google à la désindexation de liens URL, pour des faits parfaitement similaires. Néanmoins si l’atteinte à la vie privée, à l’image et le traitement illicite de données personnelles avaient été soulevés, le droit à l’oubli n’avait pas été invoqué.

La sévérité exemplaire du jugement du TGI de Paris à l’égard du moteur de recherche démontre l’impatience des magistrats. Cet empressement est justifié par la nécessité de donner de véritables moyens d’action aux citoyens pour lutter contre la divulgation de leurs données personnelles sur internet.

Néanmoins les images dont le Tribunal de Montpellier avait ordonné le retrait en 2010 sont toujours visibles sur internet par le biais du moteur de recherche Google. L’efficacité du recours aux tribunaux est donc à relativiser. Il est peu probable que la simple référence au droit à l’oubli change cet état de fait. Seul un cadre réglementaire permettrait de circonscrire ce droit à l’oubli et de définir des mesures coercitives pour le respect de ce droit.

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