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Alerte au génocide en Centrafrique : mais que s’est-il passé depuis le départ des Français en 2016 ?
©Reuters

Mayday

Le lundi 7 août, l'organisation des Nations unies alertait de "signes avant-coureurs de génocides" en Centrafrique.

Thierry  Vircoulon

Thierry Vircoulon

Ancien élève de l'Ecole Nationale d'Administration et titulaire d'un DEA de science politique à la Sorbonne, il a travaillé pour le Quai d'Orsay et la Commission européenne sur le continent, notamment en Afrique du Sud et en République Démocratique du Congo.​ Il est membre du Réseau d'experts de l'OCDE sur la construction de l'Etat et de la paix, du Réseau francophone de recherche sur les opérations de paix (ROP) (Centre d'Etudes et de Recherches Internationales de l'Université de Montréal, CERIUM) et du groupe d'études sur l'eugénisme et le racisme dans l'aire anglophone (université Paris Diderot).

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Atlantico : Le lundi 7 août, l'organisation des Nations unies alertait de "signes avant-coureurs de génocides" en Centrafrique. Quelles sont les causes de la crise actuelle ? Comment la situation a-t-elle évolué suite à la fin de l'opération Sangaris menée par la France jusqu'en 2016 ?

Thierry Vircoulon : Ce n'est pas parce que l'armée française est partie et que des élections ont été organisées en 2016 que le conflit était résolu en Centrafrique comme le prouve la flambée de violence qui a débuté en mai. La suite du scénario post-électoral défini par les internationaux (la stratégie de paix) n'a pas fonctionné: la négociation entre le gouvernement et les groupes armés n'a pas abouti, le programme de désarmement, démobilisation et réintégration n'a donc pas pu avoir lieu, le gouvernement n'est pas parvenu à remettre l'administration au travail dans les zones calmes du pays et à poser des actes forts et les forces onusiennes n'ont pas cherché à arrêter les seigneurs de guerre. En plus, un vide stratégique dans le sud-est du pays a été créé par le départ des forces américaines et ougandaises. Leur présence avait permis à cette partie d'être épargnée par le conflit mais cela a pris fin dès l'annonce de leur retrait car des groupes armés de l'ex-Seleka ont fait mouvement vers le sud-est. Par conséquent, loin d'être résolu, le conflit centrafricain dure et pourrit.

Les groupes en confrontation sont les anti-balaka et les différentes composantes de l'ex-Seleka qui avai​ent chassé le président Bozizé au début de l'année 2013 avant d'être à son tour chassée par l'armée française et les anti-balaka. Après leur première confrontation à la fin de l'année 2013, les anti-balaka se sont calmés et le mouvement de la Seleka s'est fragmenté en plusieurs milices sur des lignes ethniques. Tous ces groupes sont en réalité en compétition pour contrôler les ressources d'un pays qui n'a plus de structures étatiques sur son territoire et qu'il est par conséquent facile de conquérir et de piller. La Centrafrique est un territoire ouvert pour tous les entrepreneurs de violence.

Cette crise a d'ores déjà engendré d'importants déplacements de population, aussi bien vers le Tchad, le Cameroun, la RDC, ou le Congo-Brazzaville. Quels sont les risques de voir ces flux de population déstabiliser la région ?

Pour le moment, ces flux ne sont pas suffisamment importants pour cela. Ce qu'on observe, c'est surtout une pression des éleveurs peulhs qui sont réfugiés au Cameroun pour avoir de nouveau accès aux pâturages centrafricains. Cela se traduit par des clashs localisés et sporadiques dans cet espace frontalier. Le flux de réfugiés (très majoritairement musulman) crée surtout le sentiment dans cette communauté de ne plus être voulu en RCA et de ne plus avoir d'avenir dans ce pays.

Dans quelle mesure la "communauté internationale" pourrait-elle intervenir ? Quelles seraient les actions à mettre en place pour permettre un retour au calme, et plus largement, un traitement des causes ?

Il n'y a que deux actions à mener en Centrafrique: neutraliser la poignée de seigneurs de guerre qui animent les AB et l'ex-Seleka et fournir du travail à une population qui a touché le fond de la pauvreté. Les internationaux et le gouvernement tournent autour du premier problème sans vouloir véritablement le résoudre et tant que cela continuera il n'y aura aucun progrès en Centrafrique et la seconde action sera très compliquée. Ces deux actions sont relativement simples mais, compte-tenu de l'état d'extrême division et faiblesse de ce qu'on appelle "communauté internationale" en Centrafrique et ailleurs, elles ont très peu de chance d'arriver. Ce qui nuit gravement à la "communauté internationale" en Centrafrique est l'écart permanent entre son discours de "lutte contre l'impunité" et son absence d'action offensive contre les seigneurs de guerre. Cette contradiction est incompréhensible pour les Centrafricains.

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