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Santé dentaire : les maladies parodontales augmentent le risque de cancer chez les femmes âgées
©Reuters

Bonnes dents, bonne santé

La relation entre maladie parodontale et cancer est prouvée. L'infection au niveau des gencives peut provoquer des maladies dont le cancer. Les femmes âgées sont exposées parce qu'avec la ménopause, le manque de sécretion d'hormmones ne les protègent plus aussi bien.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : Selon une étude publiée dans le Journal de l'American Association for Cancer Research, les maladies parodontales chez les femmes pourraient augmenter les risques de cancer. Comment expliquer ce résultat ? Qu'en est-il des hommes ?

Stéphane Gayet : Le dossier des relations entre les infections et les cancers commence à être consistant. C’est un nouveau cas qui vient s’y ajouter.

Plus d’un cancer sur six dans le monde est d’origine infectieuse. Au total, chaque année, 2,2 millions de nouveaux cas de cancer découleraient d’une infection par un agent pathogène. Huit virus, une bactérie et trois parasites ont en effet été classés agents cancérigènes du groupe 1 (agents cancérigènes certains) par le Centre international de recherche sur le cancer, une division de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Les huit virus sont le virus d’Epstein-Barr (lymphome), le virus de l’hépatite B (cancer du foie), le rétrovirus HTLV-1 (leucémie), le virus VIH du sida (plusieurs cancers), le papillomavirus (cancer du col de l’utérus), le virus de l’hépatite C (cancer du foie), l’herpès virus 8 (sarcome de Kaposi) et le polyomavirus (cancer cutané). La bactérie est Helicobacter pylori (cancer de l’estomac). Les trois parasites sont l’agent de la bilharziose ou schistosomiase (cancer de la vessie) et deux autres vers parasites (cancers des voies biliaires, dont celui de la vésicule).

Le parodonte - les tissus qui entourent, protègent et maintiennent la dent en place - est constitué de la gencive, de l’os de la mâchoire (os " alvéolaire "), des ligaments alvéolo-dentaires (" desmodonte " ou encore " périodonte ") – qui attachent la dent à l’os alvéolaire - et du cément – tissu jaunâtre résistant qui recouvre la racine de la dent. Le parodonte est un appareil essentiel à la bonne santé et la longévité de la dent. Quand on pense aux maladies dentaires, c’est immédiatement la carie qui nous vient à l’esprit, car elle est très fréquente chez l’enfant et parfois délabrante. Mais les maladies du parodonte ou parodontales sont tout aussi importantes ; elles surviennent cependant plus tard dans la vie.

Le parodonte est un appareil assez fragile, plus en tout cas que la couronne (partie visible) de la dent, dont la dentine (os dentaire : ivoire) est recouverte d’émail. Les maladies parodontales ou parodontopathies procèdent très souvent d’un processus infectieux de type bactérien. Le principal facteur causal est la plaque dentaire - d’origine bactérienne -, qui est un enduit blanc-jaunâtre. Lorsque la plaque dentaire se minéralise, cela conduit à la formation de tartre.

L’étude citée en référence conclut au fait que les femmes ménopausées ayant eu une parodontopathie importante et durable ont un risque élevé de cancer du sein, du poumon, de l’œsophage, de la vésicule biliaire et de la peau. En revanche, cela n’a pas semblé favoriser les cancers du pancréas, du côlon ou du rectum, de l’appareil génital, des voies urinaires ni les lymphomes ou les leucémies. En ce qui concerne le cancer de l’estomac, l’étude ne peut pas conclure. Le tabagisme est un important facteur de risque de maladie parodontale et de cancer en général. Mais les femmes ménopausées n’ayant jamais fumé tout en ayant eu une parodontopathie conservent un risque élevé de cancers.

Les infections du parodonte sont, nous l’avons dit, d’origine bactérienne. La dent et son parodonte ont une caractéristique particulière : cet appareil est soumis à d’importantes pressions, lors de chaque mastication et cela de façon fréquente. Les pressions favorisent le passage de bactéries dans le sang, d’autant plus qu’il existe un état inflammatoire du parodonte lié à l’infection. Les bactéries passent donc dans le sang et sont phagocytées (absorbées) par les cellules immunitaires. Mais un certain nombre de ces bactéries ne sont pas tuées et persistent à l’intérieur des cellules immunitaires. C’est cette persistance anormale et prolongée qui peut induire certains cancers, en raison de la production par les cellules immunitaires ainsi infectées de substances induites par les bactéries et favorisant l’initiation de certains cancers. Mais les bactéries en question peuvent également agir directement sur les tissus pour favoriser des cancers. Il ne faut pas perdre de vue que ces bactéries des parodontites sont des bactéries bien particulières, très différentes des bactéries en cause dans les infections habituelles de la peau ou des autres muqueuses.

Pourquoi les femmes ménopausées ? Parce que la femme, contrairement à l’homme, cesse brutalement son activité hormonale génitale. Les ovaires se mettent au repos presque du jour au lendemain, en raison d’un épuisement de leur stock d’ovocytes. La ménopause s’en suit, véritable bouleversement hormonal de la femme, entraînant beaucoup de modifications physiques. Le risque de cancer augmente pour plusieurs cancers à partir de cette période. Pour l’homme, c’est tout à fait différent. La production de testostérone ne s’arrête pas, mais diminue progressivement. La production de spermatozoïdes continue ; l’andropause n’existe pas véritablement.

En ce qui concerne les hommes, la parodontopathie est liée à un risque bien montré pour le cancer de la vésicule biliaire. Pour les autres cancers, le lien avec une parodontopathie est moins net.

Quel rapport existe-t-il avec l'hygiène bucco-dentaire ? Celle-ci s'est-t-elle améliorée ces dernières années ?

Les maladies parodontales sont nettement favorisées par une mauvaise hygiène bucco-dentaire. C’est l’occasion de rappeler que l’hygiène n’est pas la propreté et qu’elle n’a pas grand-chose à voir avec elle. Elle est une branche de la médecine dont l’objet est la prévention des maladies. Nous la détaillerons dans la question suivante.

Il n’est pas facile d’avoir une bonne hygiène bucco-dentaire. Les desserts, goûters, grignotages, confiseries, crèmes glacées, popcorn… sont beaucoup consommés aujourd’hui. Notre mode de vie est également en cause, rendant difficile le brossage après le repas de midi. Beaucoup de personnes conservent la mauvaise habitude ancestrale de se brosser les dents le matin au réveil, mais pas après le petit-déjeuner, ce qui est une aberration pourtant très répandue. Les Français ont la réputation de ne pas avoir en moyenne une bonne hygiène bucco-dentaire. La consommation de brosses à dents et de dentifrice en est un indicateur.

L’hygiène bucco-dentaire en France s’est améliorée ces dernières années, mais encore trop peu. Ce n’est pratiquement pas une question de moyens, mais essentiellement une question de pratiques quotidiennes et finalement d’habitudes et même de culture.

Selon l’Organisation mondiale de la santé (OMS) : 60 à 90% des enfants scolarisés dans le monde et près de 100 % des adultes ont des caries ; 15 à 20% des adultes d’âge moyen (35 à 44 ans) ont des parodontopathies sévères, pouvant entraîner la perte de dents ; près de 30% des personnes de 65 à 74 ans n’ont plus de dents naturelles ; les affections bucco-dentaires chez les enfants et les adultes sont plus répandues dans les groupes de population démunis et défavorisés.

Quels peuvent être les moyens de prévenir de telles pathologies ?

L’hygiène bucco-dentaire consiste à éviter les desserts, à se brosser efficacement les dents après chaque repas, à ne pas manger entre les repas et à se rendre chez son dentiste de façon systématique au moins une fois par an. Mais elle ne s’arrête pas là. Elle consiste également à ne pas fumer, boire peu ou pas d’alcool et éviter tous les aliments très sucrés, surtout collants, ou ceux qui peuvent rester coincés entre les dents. Les jus de fruits consommés en grande quantité sont également dangereux pour la santé bucco-dentaire.

Il faut aussi parler du dentifrice. Son choix est déterminant. Certaines pâtes dentifrices sont trop abrasives et donc délétères (néfastes) : c’est le cas de certains dentifrices à effet blanchissant. Les dentistes sont les professionnels les plus à même, naturellement, de donner des conseils sur le choix du dentifrice, en fonction de l’état bucco-dentaire, et sur l’entretien de la bouche.

La plaque dentaire se forme rapidement, c’est pourquoi le brossage doit être effectué après chaque repas. Les brosses à dents électriques offrent un confort et une efficacité de brossage sans commune mesure avec le brossage manuel, à la fois maladroit et d’une efficacité très variable, souvent fort insuffisante ; il est parfois traumatisant pour les gencives, quand il est mal effectué. Les hydropulseurs sont également utiles pour compléter le brossage.

Il est bien sûr possible de contribuer à prévenir les caries en maintenant en permanence dans la cavité buccale une faible concentration de fluorure (comprimés, dentifrices…).

Il faut encore préciser que l’état bucco-dentaire est le reflet de l’état de santé du corps. Se maintenir en bonne forme physique et mentale aide à préserver son état bucco-dentaire. Une alimentation équilibrée et variée, comportant suffisamment de fruits et légumes, ainsi qu’un exercice physique quotidien, contribuent indirectement à la bonne santé bucco-dentaire. Nos dents et leur parodonte sont précieux, soignons-les.

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