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Français de l’étranger : une continuité parfaite avec la « vieille politique »
©ALAIN JOCARD / AFP

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Quoi de mieux, pour marquer les esprits et inaugurer une nouvelle ère politique que de supprimer la réserve parlementaire ? Quitte à ce que cela s’effectue au mépris des conséquences sur les petites communes, les associations et les Français de l’étranger…

Joëlle Garriaud-Maylam

Joëlle Garriaud-Maylam

Sénatrice des Français établis hors de France, Joëlle Garriaud-Maylam est également secrétaire de la Commission des Affaires étrangères et de la Défense et vice-présidente de la Délégation aux Droits des Femmes et à l'égalité des chances entre femmes et hommes.

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Emmanuel Macron, tout pressé de faire passer sa loi de moralisation, n’a même pas pris le temps d’élaborer de dispositif pour pallier la disparition de la réserve parlementaire! Les députés LREM sont même revenus sur l’amendement voté au Sénat visant à garantir une dotation compensatoire en faveur de projets soutenant la présence et le rayonnement français à l'étranger, tels que des petites écoles, sociétés de bienfaisance et Alliances françaises.

Ce dossier, sur lequel je m'étais beaucoup impliquée - par le dépôt d'amendements mais aussi en réalisant des démarches en vue de la création d'une Fondation pour la Présence et le Rayonnement français à l'étranger est essentiel pour nos compatriotes expatriés. Une telle Fondation permettrait un véritable effet de levier et favoriserait la levée de fonds privés, devenus indispensables suite au rétrécissement constant du budget alloué aux Français de l'étranger. Mais plutôt qu’innover et s’engager dans cette direction, le gouvernement opte pour le renforcement de la centralisation et du contrôle.

La continuité avec l’ère Hollande est aussi budgétaire. Sur la durée du quinquennat précédent, le budget de l’Agence pour l’enseignement français à l’étranger (AEFE) aura diminué de 6,25 % ... tandis que sur la même période celui de l’éducation nationale croissait de 12,4 %.  Pire encore, un décret ministériel prévoit une baisse de près de 42 millions d'euros de la subvention de fonctionnement de l'AEFE alors que la trésorerie des services centraux s'élèverait, d'après les prévisions, à seulement 100 000 euros pour la fin de l'année 2017 ! Pour justifier cet assèchement drastique des moyens, le Ministère des finances annonce que le niveau global de trésorerie de l'AEFE s'élevait à près de 267 millions d'euros à la fin de l'année 2016. Il resterait, d'après Bercy, suffisamment  de réserves pour donner à l'Agence une marge de manœuvre.

Mais cet argument est fallacieux : les niveaux de trésorerie en apparence élevés sont pour leur immense majorité déjà engagés pour des frais de rénovation nécessaires à la sécurisation des établissements qui avaient déjà été approuvés par deux plans stratégiques de programmation immobilière pour 2010-2015 et 2016-2020 ! Or, les réserves que l'exécutif veut impitoyablement geler sont majoritairement tirées, à plus de deux tiers, de frais d'écolage que versent les familles, frais souvent augmentés pour financer les projets immobiliers nécessaires à un enseignement de qualité. C'est donc à juste titre que les familles peuvent considérer que cet argent leur appartient plus qu'à l'Etat, surtout lorsqu'elles constatent une inégalité frappante entre les moyens mis en œuvre pour l'enseignement dans l'hexagone et ceux alloués aux élèves scolarisés à l'étranger.

Rappelons à ce sujet qu’un élève français à l’étranger coûte 1500€/an à l’Etat, contre 8000€ pour un élève dans l’hexagone. De même les effectifs financés sur le programme "Coopération culturelle et promotion du français" auront baissé de 26,4%. L'Institut français a vu son budget coupé de 42%, celui des Alliances françaises de 30%... Quant à l'aide sociale en faveur de nos compatriotes démunis à l'étranger, elle est marquée par un désengagement clair du Ministère des Affaires étrangères, sans que le tissu associatif - et notamment les sociétés de bienfaisance - ne soit doté des moyens de le compenser.

Pendant sa campagne, Emmanuel Macron a suscité bien des espoirs, de l’ouverture de nouvelles écoles à la redynamisation de la francophonie. Pourtant, à la faveur de la pause estivale, est publié un décret annulant 60 millions d’euros des  crédits alloués à la « diplomatie culturelle et d’influence » (réseau des écoles françaises à l’étranger et opérateurs tels que l’Institut français, Campus France ou Atout France) et plus de 10 millions d’euros qui avaient été votés en faveur des Français de l’étranger et de l’administration consulaire. Il accentue donc la tendance du précédent quinquennat. A quoi sert-il de faire voter par le Parlement des crédits si une partie d’entre eux est immédiatement gelée puis irrémédiablement condamnée à être annulée en fin d’année ?

Cette pratique s’inscrit dans la droite ligne de celles du quinquennat de François Hollande, comme le détaille la Cour des Comptes. La Cour y souligne notamment la baisse de la dotation des bourses pour les Français de l’étranger (-18% entre 2014 et 2016)… consécutive à la suppression de la PEC et pourtant toujours niée par le gouvernement socialiste et en particulier Hélène Conway, qui avait piloté cette réforme lorsqu’elle était ministre. Le nombre de bourses accordées ne cesse de diminuer tandis que les frais de scolarité restant à la charge des parents, eux, ne cessent de s'accroître.

Des arbitrages très durs à l'encontre des Français de l'étranger ont été effectués ces dernières années. Même si la situation de la France oblige à des sacrifices de tous et s’il est normal que les expatriés en prennent leur part, veillons à ne pas sacrifier notre influence et notre attractivité internationale… il en va de l’intérêt collectif de notre pays.

A l'heure où la France de Macron se rêve déjà le nouveau leader mondial en "soft power", il serait  contreproductif de poursuivre la paupérisation des structures françaises à l'étranger qui permettent à l'hexagone de rayonner, en particulier grâce à sa langue et sa culture, dans le monde entier.

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