La France a-t-elle gagné de l’argent sur l’aide à la Grèce ?<!-- --> | Atlantico.fr
Atlantico, c'est qui, c'est quoi ?
Newsletter
Décryptages
Pépites
Dossiers
Rendez-vous
Atlantico-Light
Vidéos
Podcasts
Economie
La France a-t-elle gagné de l’argent sur l’aide à la Grèce ?
©Reuters

Grèce

Tout récemment s’est propagée une affirmation d’après laquelle l’Allemagne aurait déjà gagné plus d’un milliard d’euros sur l’aide à la Grèce. Ces profits viendraient d’une part du surplus d’intérêts dégagé par les prêts bilatéraux octroyés par l’Allemagne à la Grèce en 2010 et 2011, d’autre part des revenus des obligations grecques achetées par la Bundesbank en application du programme SMP .

Eric Dor

Eric Dor

Eric Dor est docteur en sciences économiques. Il est directeur des études économiques à l'IESEG School of Management qui a des campus à Paris et Lille. Ses travaux portent sur la macroéconomie monétaire et financière, ainsi que sur l'analyse conjoncturelle et l'économie internationale

Voir la bio »

Qu’en est-il pour la France ? Les finances publiques de la France ont-t-elles bénéficié de revenus exceptionnels produits directement ou indirectement par les programmes d’assistance à la Grèce ? Cette question très complexe est l’objet de cette analyse détaillée.

Il est utile de noter que les deuxième et troisième programmes d’aide à la Grèce échappent à la possibilité de produire des gains pour les pays créanciers de la zone euro. En effet ceux-ci se sont contentés d’apporter des garanties au FESF, et du capital au MES. La possibilité de gains se limite au premier programme d’aide à la Grèce, et à la partie grecque du programme SMP de la BCE.

Les profits ou pertes réalisés sur les prêts bilatéraux à la Grèce

Le mécanisme des prêts bilatéraux

Le premier programme de soutien à la Grèce, commencé en 2010, était une combinaison de prêts bilatéraux octroyés par les autres états de la zone euro et de crédits apportés par le FMI. Les prêts bilatéraux octroyés à la Grèce par les autres pays de la zone euro formaient la « Greek Loan Facility ». Ils se sont élevés à un total de 52,9 milliards d’euros, dont 11,389 milliards d’euros octroyés par la France. 

Prêts effectivement octroyés à la Grèce en application de la Greek Loan Facility

Les conditions de ces prêts bilatéraux sont harmonisées, quel que soit le pays qui les a octroyés. Initialement, en mai 2010, ces conditions étaient les suivantes :

-          période de grâce entre le versement du capital et le premier remboursement : 3 ans

-          durée du prêt 5 ans

-          taux d’intérêt : taux Euribor à 3 mois augmenté d’une prime de 3% pendant les 3 premières années, et de 4% ensuite

Ces conditions ont cependant été révisées plusieurs fois. En juin 2010 elles ont été ajustées comme suit

-           période de grâce entre le versement du capital et le premier remboursement : 5 ans

-          durée du prêt 7,5 ans

-          taux d’intérêt : taux Euribor à 3 mois augmenté d’une prime de 2% pendant les 3 premières années, et de 3% ensuite

Le 27 février 2012 elles ont encore été ajustées comme suit

-          période de grâce entre le versement du capital et le premier remboursement : 10 ans

-          durée du prêt 15 ans

-          taux d’intérêt : taux Euribor à 3 mois augmenté d’une prime de 1,5% pour toute la durée du prêt avec effet rétroactif au 15 juin 2011

Le 27 novembre 2012 elles ont été ajustées une nouvelle fois

-          période de grâce entre le versement du capital et le premier remboursement : 10 ans

-          durée du prêt 30 ans

-          taux d’intérêt : taux Euribor à 3 mois augmenté d’une prime de 0,5% pour toute la durée du prêt

Ce sont ces nouvelles conditions qui sont d’application depuis cette date. Les intérêts sont dus trimestriellement sans période de grâce.

Les états prêteurs ont bien sûr dû emprunter eux-mêmes l’argent qu’ils ont prêtés à la Grèce, et doivent assurer le refinancement de cette dette depuis lors. Ce qu’ils gagnent ou perdent est la différence entre le taux d’intérêt facturé à la Grèce, indiqué ci-dessus, et leur propre coût de refinancement.  C’est un gain si les intérêts payés par la Grèce aux pays prêteurs sont supérieurs aux intérêts payés par ceux-ci. C’est une perte si les intérêts payés par la Grèce aux pays prêteurs sont inférieurs aux intérêts payés par ceux-ci.

La France a octroyé une partie des prêts de chaque tranche.

Le compte général de l’Etat de 2013 explique que l’encours total des prêts de la France, 11,3886 milliards, a été très légèrement augmenté artificiellement ensuite, à 11,405 milliards.

« Concernant le plan de soutien à la Grèce, le montant total des versements de la France au titre des prêts bilatéraux est de 11 405 M€ au 31 décembre 2013 contre 11 389 M€ au 31 décembre 2012. Cette évolution résulte d’une régularisation de 16 M€ qui fait suite à la non participation de la Slovaquie et au retrait du Portugal du programme initial afin d’augmenter l’engagement de la France vis-à-vis de la Grèce à hauteur de sa part dans le capital de la BCE »

Le document PLF 2015 Extrait du bleu budgétaire de la mission prêt à des états étrangers apporte quelques précisions à ce propos

« Le programme de prêts bilatéraux à la Grèce adopté en mai 2010 prévoyait une  contribution totale des États membres de 80 Mds€, ramenée à 77,3 Mds€ suite à la non-participation de la Slovaquie et au retrait de l’Irlande et du Portugal. Ce montant était à répartir entre les États membres au prorata de la clé de contribution au capital de la BCE ajustée des non-participants. Cette clé n’a néanmoins pas été systématiquement respectée pour chaque tranche versée, du fait de contraintes budgétaires nationales, et devait être ajustée à la fin du programme. Celui-ci ayant été arrêté en décembre 2011, cet exercice de rééquilibrage n’a pas pu être effectué via le décaissement d’une tranche de prêt. La Commission européenne a donc décidé d’opérer une compensation via un moindre versement d’intérêts de la part de la Grèce, de sorte qu’en 2012, la ligne de recettes n°2401 du budget général a reçu 16,3 M€ d’intérêts en moins. En conséquence, une régularisation a été effectuée en 2013, se traduisant par un décaissement de 16,3 M€ sur le programme et par une recette non fiscale de même montant. »

Cette augmentation artificielle insignifiante de l’encours global des prêts de la France à la Grèce, dans le cadre du premier programme, est évidemment sans aucune incidence significative sur le calcul des flux ultérieurs d’intérêts qui en découlent.

Les intérêts versés par la Grèce à la France

Les intérêts sont payés par la Grèce aux pays prêteurs chaque trimestre.

La Commission Européenne s’est contentée de publier les paiements trimestriels successifs d’intérêts de la Grèce à l’ensemble des pays créanciers jusqu’au début de 2012. Ces informations sont publiées par European Commission, 2012, The Second Economic Adjustment Programme for Greece, occasional paper 94. Ensuite, il y a absence totale d’information officielle à ce propos ! Comme les conditions de ces prêts sont connues, il est toutefois relativement aisé d’estimer les paiements globaux d’intérêts à partir du deuxième trimestre de 2012.

En ce qui concerne les parties de ces paiements trimestriels d’intérêt qui ont été versées à la France, les informations officielles sont également lacunaires. On en trouve certaines sur le compte général de l’Etat de 2011. On en trouve encore sur le compte général de l’Etat de 2013. On apprend ainsi que la France a reçu de la Grèce des paiements d’intérêts de 84 millions en 2010, 374 millions en 2011, 129 millions en 2012 et 108 millions en 2013. Il y a ensuite absence complète d’information à ce propos pour les années qui suivent ! Toutefois, comme on connaît les conditions de ces prêts, il est aisé d’estimer les paiements d’intérêts à la France.

Il est ainsi possible d’estimer les paiements d’intérêts par les Grèce sur les prêts bilatéraux qui lui ont été appliqués en application du premier programme :

En raison de débordements, nous avons fait le choix de suspendre les commentaires des articles d'Atlantico.fr.

Mais n'hésitez pas à partager cet article avec vos proches par mail, messagerie, SMS ou sur les réseaux sociaux afin de continuer le débat !