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Et Marlène Schiappa initia la France au gender budgeting...
©MARTIN BUREAU / AFP

Moderne, forcément moderne

Marlène Schiappa a annoncé la mise en place d'un "Gender Budgeting", une mesure qui a pour but de mesurer la répartition de l'argent public entre les sexes de manière à résorber les inégalités existantes dans l'attribution des crédits publics.

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe

Éric Verhaeghe est le fondateur du cabinet Parménide et président de Triapalio. Il est l'auteur de Faut-il quitter la France ? (Jacob-Duvernet, avril 2012). Son site : www.eric-verhaeghe.fr Il vient de créer un nouveau site : www.lecourrierdesstrateges.fr
 

Diplômé de l'Ena (promotion Copernic) et titulaire d'une maîtrise de philosophie et d'un Dea d'histoire à l'université Paris-I, il est né à Liège en 1968.

 

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Atlantico : Marlène Schiappa a annoncé jeudi 20 juillet la mise en place d'un Gender Budgeting (budget sensible au genre), une mesure qui a pour but de mesurer la répartition de l'argent public entre les sexes de manière à résorber les inégalités existantes dans l'attribution des crédits publics. "L'idée est donc d'essayer de voir comment cet argent est réparti entre les femmes et les hommes", a-t-elle déclaré. Pensez-vous qu'une telle mesure soit bénéfique, utile, pour enrayer les inégalités entre les hommes et les femmes ? N'est-ce pas au contraire desservir la cause que de voir un genre devenir politisé ?

Eric Verhaeghe : Objectivement, je trouve que c'est une très bonne idée, car on ne va pas tarder à s'apercevoir que le discours sur les discriminations dont les femmes seraient les victimes risque d'en prendre un sacré coup. Prenons l'exemple des retraites. Il est de bon ton d'expliquer que les retraites des femmes sont inférieures à celles perçues par les hommes. Mais on oublie de dire que les femmes vivent en moyenne plus longtemps que les hommes. Au total, le revenu perçu à la retraite par une femme, à fonctions égales, est donc généralement supérieur au revenu perçu par un homme. On peut aussi prendre l'exemple des discriminations professionnelles. On entend souvent les femmes se plaindre d'un salaire inférieur à fonctions égales, ou d'une discrimination dans l'accès à certains postes. Mais peu de féministes se plaignent de l'absence de femmes manoeuvres sur les chantiers ou de femmes éboueurs. Or, si on a l'honnêteté intellectuelle de prendre toute la réalité dans sa complexité, on s'aperçoit que le monde est plus complexe qu'on ne le croit. Les discriminations hommes-femmes sont moins simples à caractériser que les féministes ne le disent. Prenez l'exemple de l'allocation parent isolé, intégrée depuis 2009 au RSA : c'est une allocation inventée pour maintenir les mères célibataires à la maison pour baisser les chiffres du chômage. Cette allocation profite essentiellement aux femmes, mais vise à les maintenir dans l'inactivité. Est-elle la bénéfique aux femmes ? Le Gender Budgeting dira que oui. Les analystes objectifs diront qu'il s'agit d'une politique de discrimination négative pour les femmes. 

Récemment une vidéo publicitaire chinoise de la marque Audi a suscité beaucoup de réactions sur internet. Dans la vidéo, Audi fait une comparaison entre les femmes et une voiture et conclue par "une décision importante doit être prise avec prudence". Face aux réactions virulentes, Audi a présenté ses excuses et a retiré le spot publicitaire. La bien-pensance ne nous ferait-elle pas perdre tout sens du second degré ?

Ce qui est plus stupéfiant, c'est le deux poids deux mesures dans cette bien-pensance. La moindre remarque, la moindre allusion ambiguë, est aujourd'hui dramatisée par la bien-pensance. Mais, autant la fonction dramatisante fonctionne dans un sens, autant elle dysfonctionne dans l'autre. Par exemple, personne ne s'offusque qu'il existe un site de rencontres appelé "adopte un mec". Un site s'appellerait "adopte une nana", il serait immédiatement taxé de misogynie. En revanche, s'appeler "adopte un mec" ne pose pas problème. Ce site propose régulièrement des campagnes publicitaires avec des slogans comme "adopte un roux", ou autres formules drôles, mais qui ne seraient pas admises si elles visaient des femmes. Imaginez une campagne "adopte une rouquine". Des torrents de boue s'abattraient sur elle. Je pense donc qu'il existe un second degré dans notre société, mais uniquement lorsqu'il vise les hommes hétérosexuels blancs. Tout ce qui peut ressembler à une minorité peut revendiquer son exonération du second degré. Essayez de faire une campagne appelée "adopte un gay"  ou autre, et vous constaterez que seul le mâle blanc peut être tourné en dérision. 

A force de monter au créneau sur le moindre sujet aussi futile soit-il (comme le manspreading par exemple), les associations réussissent-elles vraiment à mettre leur cause en avant comme elles  le souhaitent ?

Nous sommes clairement face à une guerre totale contre ce que j'appelle l'affirmation narcissique de l'Occident. Tout ce qui peut rappeler de près ou de loin le guerrier qui a fait l'Occident pendant 2.500 ans est devenu le symbole, l'icône, l'homme à abattre. Le manspreading en est une bonne illustration. Qu'un homme blanc hétérosexuel prenne trop de place dans le métro est forcément une source d'indignation absolue. En revanche, qu'un musulman refuse de céder sa place à une femme, même enceinte, est un sujet tabou qui expose à l'accusation de racisme par le simple fait de l'aborder. Que des hommes occupent l'espace public jusqu'à en exclure les femmes ne peut être évoqué si ces hommes font des choix liés à leur pratique de l'Islam. Sur tous ces sujets, le deux poids deux mesures triomphent. L'homme peut être critiqué s'il incarne l'affirmation occidentale. En revanche, s'il incarne la haine de l'Occident, il est perçu comme une victime du mal masculin: du colonialisme, du racisme, du capitalisme, et alors il est sanctifié. C'est un peu ce qui est inquiétant dans le discours féministe. Il est moins porteur d'une aspiration à l'égalité que d'une haine de soi qui soulève de sérieuses questions sur ses finalités profondes. Les féministes préfèrent globalement l'asservissement à l'Islam que la liberté en Occident. 

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