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Dépouillés sur autoroutes ou dans les trains : sommes-nous vraiment incapables d'empêcher le retour des bandits de grand chemin ?
©Flickr/maarjaara

Attaque en règle

Avec la série de braquages qui a visé des touristes sur l'autoroute A9 dans le sud de la France le week end dernier, les criminels emploient de nouvelles méthodes pour détrousser leurs victimes. Les bandits de grands chemins pourraient être de retour.

Gérald Pandelon

Avocat à la Cour d'appel de Paris et à la Cour Pénale Internationale de la Haye, Gérald Pandelon est docteur en droit pénal et docteur en sciences politiques, discipline qu'il a enseignée pendant 15 ans. Gérald Pandelon est Président de l'Association française des professionnels de la justice et du droit (AJPD). Diplômé de Sciences-Po, il est également chargé d'enseignement. Il est l'auteur de L'aveu en matière pénale ; publié aux éditions Valensin (2015), La face cachée de la justice (Editions Valensin, 2016), Que sais-je sur le métier d'avocat en France (PUF, 2017) et La France des caïds (Max Milo, 2020). 

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Atlantico : Les touristes qui circulaient sur l'autoroute A9 dans le sud de la France ont été victimes de braquages le week-end dernier par des criminels armés qui les forçaient à s'arrêter. Ils leur pillaient alors montres, portables, tablettes et sac à main. Est-ce que cette vague d'attaques peut signifier le retour de ce que l'on appelle les bandits de grand chemin ? 

Gérald Pandelon : Oui. En effet, ce type de délinquance est lié au fait que le banditisme doit sans cesse s'adapter pour survivre et donc se déployer. Car il est concurrencé, comme sur un marché. En même temps, les bandits de "grand chemins" sont ceux qui ne reculent devant rien (ils sont très violents et très courageux), mais en même temps, sont peu familiers avec la sophistication accrue de la criminalité moderne que constituent, par exemple, toutes les formes nouvelles de la cybercriminalité, ce que l'on pourrait qualifier "d'agressions propres" ou non-violentes, sinon symboliques, comme le piratage informatique. 

Vous admettrez que les braqueurs sur les autoroutes ne sont pas tous titulaires d'un Bac + 5 en informatique mais davantage des "gros bras" qui, en raison d'un principe de nécessité (voler pour survivre), ne peuvent user que d'intimidation et d'une violence à l'état brut pour être efficace. En effet,  il existe de plus en plus une sociologie de la délinquance qui discrimine entre eux les voyous, les sépare entre ceux qui disposent d'un capital culturel et ceux qui n'en disposent pas. Les cybercriminels sortent parfois de grandes écoles... Je connais leurs CV pour les voir affluer parfois au sein de mon cabinet. Et lorsque j'étudie leur biographie, elle est bien différente de celle des bandits de grands chemins ; les cybercriminels sont des petits bourgeois fainéants et peureux obsédés par l'argent facilement gagné et ce, de surcroît, sans violence physique sur les personnes. Ce sont des bandits aux mains propres mais ils n'ont plus de mains, pour paraphraser le philosophe Kant. 

Les forces de l'ordres ont-elles une bonne connaissance ce ce phénomène ? Qui sont ces gens, d'ou viennent-ils et comment sont-ils structurés ?

Oui, il s'agit d'une forme de criminalité fort bien connue des forces de l'ordre ; ce sont, bien souvent d'ailleurs des "équipes à tiroirs", dans lesquelles on pioche dans divers groupes assez peu structurés, des individus auxquels on va assigner un rôle bien précis. Les conducteurs des véhicules ne seront pas ceux qui directement agresseront ; lesquels ne seront pas systématiquement ceux qui conserveront dans le même véhicule le butin amassé, ne serait - ce que pour éviter de risquer d'être arrêtés ultérieurement et, par conséquent, ne pas être poursuivables pénalement en l'absence d'élément matériel constaté des infractions commises. Autrement dit, tout est méticuleusement organisé et calculé même si ce type de passage à l'acte est toutefois moins sophistiqué que le blanchiment de capitaux via des paradis fiscaux et autres montages financiers complexes. 

Pourriez-vous nous dire en plus quelle est l'ampleur du phénomène ? Le retrouve t on dans toute la France ou dans le sud seulement ? 

Non, le sud de la France n'a pas l'apanage de ce type de délinquance, loin s'en faut. C'est plutôt nous, Franciliens, qui sommes davantage touchés. Avez-vous entendu parler de l'autoroute A1 qui relit Paris aux deux aéroports de Roissy ou du Bourget ? Ce sont quotidiennement des vols à la portière qui sont à déplorer sans que les autorités qui connaissent bien le phénomène, n'y puissent quoi que ce soit. Et l'autoroute qui remonte de la province vers Paris est régulièrement le théâtre de ce type de délinquance qui est devenu tristement banal dans l'espace et dans le temps. Nous évoquons davantage le sud car les faits surviennent dans un contexte estival et que les personnes agressées n'étaient pas toutes de nationalité française. 

Mais ce type de délinquance va inexorablement se développer car les criminels des autoroutes sont très difficiles à interpeller, parfois très jeunes, ce qui leur évite du même coup les affres de condamnations trop lourdes. De plus, le passage à l'acte est peu risqué puisque les forces de l'ordre sont dépassées par l'ampleur du phénomène et, en toutes hypothèses, nos finances publiques ne nous permettront pas de recruter d'autres agents afin d'aider à juguler le phénomène. 

Autre constat : ce sont souven d'autres ressortissants des pays de l'union européenne (originaires de Roumanie, notamment) qui sont les auteurs de ces forfaits commis sur notre territoire. Ce qui soulèvent d'autres difficultés particulièrement ardues lorsqu'il s'agit de les faire juger par leur État d'origine. Je pense notamment aux arcanes du mandat d'arrêt européen. 

S'agit-il d'une nouvelle forme de criminalité ? Si ce n'est pas le cas, quelles sont les nouvelles formes de criminalités qui apparaissent ? 

Non, ce type de criminalité a toujours existé ; en revanche, c'est davantage la criminalité astucieuse qui se développe, une sorte de "banditisme propre". Car même la délinquance est entrain d'effectuer sa révolution. On pourrait d'ailleurs résumer cette tendance en une phrase : plus (davantage) d'argent mais  plus (dans le sens de plus du tout) de sang. 

Bref, une transfusion de sens qui se substituerait aux nécessaires transfusions de sang..., le passage d'une ère pré - moderne archaïque du passage à l'acte criminel à une post - modernité de l'acte délinquantiel, plus "soft", certes, mais plus problématique encore car il concerne désormais les États,  les grandes entreprises, etc. 

D'une certaine manière on est passé d'une microdélinquance, celle plus individuelle d'atteintes à des personnes, à une macrocriminalité sans visage (les "anonymous") d'autant plus grave que les escrocs à cols blancs (délinquance financière) et autres cybercriminels, sont bien plus doués que les meilleurs informaticiens recrutés par les pouvoirs publics, en France ou ailleurs. 

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