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Visibilité et stabilité fiscale et budgétaire : pourquoi les promesses du gouvernement Philippe sont déjà mort nées
©Reuters

Ras-le-bol fiscal, le retour

Pour le contribuable français, la pression fiscale ne baissera pas en 2017 et pas davantage en 2018.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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Atlantico : A l'occasion des questions au gouvernement, le député LR Damien Abad a interpelé le premier ministre  "Votre matraquage fiscal n'est pas admissible. Nous ne voulons pas de décisions repoussées. Monsieur le Premier ministre, allez-vous revenir sur la défiscalisation des heures supplémentaires ? Et sortir notre pays du marasme dans lequel le quinquennat précédent l'a plongé ?", ce à quoi Edouard Philippe a rétorqué : "le respect de l'engagement de la réduction du déficit à 3% du PIB sera respecté fin 2017 sans augmenter les impôts mais en diminuant les dépenses". Cet engagement est il crédible ? En quoi les annonces faites peuvent sembler paradoxales avec une telle promesse ?

Jean-Yves Archer : Il y a deux possibilités : soit le programme du candidat Macron faisait sens, soit il était chimérique. Dans la deuxième hypothèse, comme dirait La Palisse : "nous voilà bien !". Conservons donc le premier choix et posons que les engagements de campagne avaient une portée idoine et appropriée. Alors il faut les appliquer sans délai et générer un choc de confiance. Au lieu de cela, le gouvernement a décidé de repousser la plupart des mesures d'importance vers 2019 et de maintenir la hausse de la CSG. Le candidat Emmanuel Macron avait effectivement fait part, lors de la campagne électorale, de son attachement au respect juridique de la règle de 3% du déficit du PIB conformément aux engagements européens de la France.‬ Elu, le président Macron a réitéré cet attachement. Sans surprise, ce principe a fourni l'ossature du discours de politique générale du premier ministre. Oui, Edouard Philippe a tout fait pour que le périmètre de nos contraintes soit compatible avec ce que d'aucuns dénoncent comme un dogme. Concrètement, nous sommes face à près de 2.200 milliards d'euros de dette ( 98,6% du PIB ) et surtout à un déficit budgétaire voté de 72 mds qui s'établit désormais après vérifications de la Cour des comptes à 81 mds. Soit plus 9 milliards qui ont reçu une légitime médiatisation à valeur de réprimande citoyenne. En clair, nous sommes au-dessus de la barre fatidique des 3% de déficit ( rapporté au PIB ) avec un 3,2% affiché pour 2017 ( contre 2,7% promis par l'équipe sortante ) et un nouveau dérapage prévu pour 2018. Oui, la barre des 3% est une exigence démocratique car nous devons enfin tenir notre parole face à nos partenaires européens et particulièrement vis-à-vis de l'Allemagne. Edouard Philippe n'a reporté qu'un ensemble de mesures issues du programme Macron mais il a conservé, pour l'immédiat, donc pour le budget pour 2018, la hausse de plus de 20 milliards de la CSG. Dans la mesure où l'opportune flat-tax sur l'épargne ( calée à 30% des produits de celle-ci ) est différée, cela signifie que les retraités – y compris modestes ( 1200 E par personne et 1800 E pour un couple ) vont subir une véritable aggravation de leur pression fiscale. A part cette hausse de la CSG, le premier ministre a présenté un rythme de réformes où un escargot de Bourgogne ne serait pas dépaysé. Des pans entiers du programme du candidat d'En Marche ! sont reportés à 2019 voire après. Il en est ainsi de la baisse de l'impôt sur les sociétés ( pourtant gage de compétitivité ), de la réforme de l'ISF ( pourtant gage de fluidité des actifs financiers et des placements corrélés ), de la taxe d'habitation ( pourtant supposée amortir, pour certains, la hausse de la CSG ), etc. Tous ces reports sont complexes car, selon les dires du premier ministre, le budget pour 2018 contiendra bien ces mesures mais à date d'effet de 2019. A mon avis, selon les cas, cela peut poser un problème avec la règle sacro-sainte d'annualité budgétaire. Un budget ne dispose que pour l'année en cours faute d'être taxé de cavalerie. Au plan économique, tout ceci est poinçonné par l'orthodoxie budgétaire et s'éloigne de l'imagination pourtant requise en temps de crise.  Au plan fiscal, il y aura des hausses en 2018 et la phrase du premier ministre " Les contribuables ne seront pas la variable d'ajustement, en aucun cas " sera bientôt fragile comme une belle porcelaine.
Concernant le plan d'investissement de 50 milliards d'euros, promis par Emmanuel Macron durant la campagne électorale, et confirmé par Edouard Philippe, la question du financement est encore posée. Le gouvernement peut il être crédible avec une telle ambition, sans que celle ci ne soit d'ores et déjà ficelée quant à son financement ? 
Aux dires de Jean Pisani-Ferry, " il connait l'équation mais n'a pas la solution " ( sic ) : on pourrait concevoir une prise de parole moins anxiogène et plus concrète. En réalité, soit la France va avoir recours à l'endettement soit le nouveau pouvoir va aller siphonner les PIA : plans d'investissements d'avenir décidés sous Nicolas Sarkozy et relancés par Manuel Valls. Pour ma part, j'opte pour la première formule car je suis soucieux du respect de la parole donnée par l'Etat et que la dette, à taux bas, pour investir fait sens. La France est en état d'addiction face à la dépense publique et il faut la désintoxiquer avec parcimonie et doigté. En 1995, en novembre, chacun se souvient du discours du tournant de la rigueur de Jacques Chirac qui avait trop hâtivement écouté son premier ministre Alain Juppé.  Le Président Macron a-t-il commis la même approximation ? La rigueur n'est pas une solution technique et elle est un grand risque politique pour le nouveau président qu'elle éloigne de sa capacité à générer un " choc de confiance " dont nous avons tant besoin. Raymond Barre et Edmond Malinvaud furent mes professeurs. Autant dire que je suis attaché à la rectitude et à la rigueur des comptes publics. Mais cette louable position de principe doit être impérativement croisée avec l'état sociologique du pays. Quand 75% du corps électoral n'a pas apporté son soutien à l'actuel président lors du premier tour des élections présidentielles, il y a lieu de doser l'effort budgétaire avec un tastevin davantage qu'avec un sceau d'abreuvoir à chevaux. Ainsi, après réflexion posée, je considère que la France aurait eu intérêt à emprunter une tranche exceptionnelle de 15 milliards afin de solder le dérapage et les " sapinades " diverses et variées. Les taux sont encore bas et 15 mds représentent 0,68% des 2.200 mds que nous aurons à juguler tôt ou tard.

Je rappelle que la France emprunte chaque année 180 mds ( hors quote-part de remboursements ) et que le quinquennat Hollande a vu notre dette s'aggraver de 341 milliards d'euros. Emprunter pour éviter une dislocation de l'embellie conjoncturelle, telle est ma conviction à rebours des fondamentaux de ma formation. Si l'ampleur du serrage de vis que veut conduire Edouard Philippe s'exécute, il y aura des stratégies de contournement dans les divers replis de notre Etat obèse mais soucieux de son périmètre de " survie ".

Quelles sont les "surprises" auxquelles les contribuables risquent d'être confrontées ? Quels sont les contribuables qui pourraient être "touchés" par ces "surprises" ? 

La pression fiscale ne baissera pas en 2017 et pas davantage en 2018. Un collectif budgétaire réaliste en juillet 2017 avec des mesures de relance de l'épargne et un fléchage de celle-ci vers la sphère productive était la voie du réalisme. Hélas, trois fois hélas, les pouvoirs publics optent pour une orthodoxie budgétaire qui n'a que peu de vertu au regard des tassements d'activité qu'elle induit. Si notre croissance décroche à nouveau, en comparaison avec les taux obtenus par nos partenaires européens, notre pays aura à nouveau des surcharges fiscales corrélées au tassement des recettes fiscales. Comme un goût de déjà vu, n'est-ce-pas ?‬‬‬

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