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Comme une ombre sur le tableau : moins d’un Français sur deux se dit prêt à faire les efforts demandés par Emmanuel Macron pour redresser les comptes du pays
©Reuters

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Pas d'Etat de grâce pour Emmanuel Macron : tout effort va devoir nécessiter une pédagogie, une argumentation pour convaincre une France coupée en deux sur sa volonté à s'engager individuellement à des efforts

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Atlantico : quels sont les enseignements de ce sondage? 

Jerôme Fourquet : à l'heure où le gouvernement prend ses marques et qu'il vient d'annoncer ses grandes orientations à la fois par la voix du Président mais aussi celle du Premier ministre et que la Cour des Comptes a rappelé que le Gouvernement précédent avait laissé une ardoise, et que le Conseil d'orientation des Retraites que dans ses Caisses aussi il manquait de l'argent pour financer le système, on observe une société française qui est littéralement coupée en deux. La France est coupée en deux sur sa volonté à s'engager individuellement à des efforts pour redresser les comptes publics. Ce n'est pas sans nous rappeler un autre clivage, qui est celui sur l'optimisme et le pessimisme. Derrière un effet relativement enthousiasmant propre au début du quinquennat d'Emmanuel Macron et aux très large succès de ses candidats aux législatives, on voit que la partie n'est pas gagnée tant sur le point de vue moral que sur la propension à faire des efforts, alors même que ces efforts vont vraisemblablement être demandés aux Français, d'une manière ou d'une autre. Il n'y a pas d'euphorie ou d'acceptation massive d'une politique qui demanderait des efforts individuels.

Ensuite, on a certes une remontée de cette propension à faire des efforts par rapport aux dernières mesures que nous avions effectuées il y a trois ans au milieu du quinquennat Hollande. Mais si l'on compare les choses à un périmètre strictement comparable, c'est-à-dire au début du quinquennat Hollande en 2012, on observe que 2/3 des Français étaient favorables à des efforts individuels. A l'époque ce niveau s'était maintenu jusqu'en novembre, au moment où les premières annonces fiscales sont tombées. A ce moment suivant, les bonnes volontés avaient été douchées et plus qu'un Français sur deux s'était dit favorable à cet effort. C'est intéressant, parce que si on considère qu'Emmanuel Macron bénéficie d'une fenêtre d'opportunité économique avec la reprise de l'emploi et un alignement des planètes au niveau international, pour autant, en terme d'opinion ou de sacrifices et d'efforts consentis, le Président est dans une position bien moins favorable que celle de son prédécesseur. Macron a beaucoup de chance et Hollande n'en a pas eu autant sur le plan macro-économique, mais si on regarde l'attitude des électeurs et des contribuables, on s'aperçoit que la propension à faire des efforts est nettement moindre aujourd'hui, cela, c'est aussi un paramètre qu'il va falloir intégrer : tous les clignotants sont au vert sauf celui-là ! Cela peut s'expliquer par le fait qu'on ait assisté à une hausse massive des prélèvements obligatoires et que cela a certainement laissé des traces et affecté naturellement la propension à faire des efforts.

On retrouve des clivages sociologiques et politiques assez marqués, avec des électorats des deux principaux candidats radicaux qui sont massivement opposés à des efforts (71% pour la FI, 69% pour le FN) et à l'inverse ¾ de l'électorat En Marche qui se dit favorable. L'électorat de droite, lui, est coupé en deux. Sur la question fiscale, sur la question des efforts, il y a 24 points d'écart entre l'électorat en Marche et l'électorat de droite qui est coupé en deux. De manière assez attendu, ce sont les cadres et les classes moyennes les plus favorables à faire des efforts, au contraire des employés et ouvriers.  Après 5 ans de pression fiscale, savoir que 50% des Français sont d'accords pour faire plus d'effort peut paraître satisfaisant. Mais on peut voir également qu'il n'y a pas forcément d'Etat de grâce pour Emmanuel Macron. On voit que tout effort va devoir nécessiter une pédagogie, une argumentation pour convaincre, et être relativement accepté. 

Comment expliquer que les Français les plus favorables à faire des efforts sont majoritairement des CSP+, des indépendants et issus de la région parisiennes? Ne constate-on pas une répercussion, d'une certaine façon, du deuxième tour des élections présidentielles? 

Ce pays coupé en deux nous ramène non pas au paysage tel qu'il s'est défini au soir du deuxième tour des législatives, mais tel qu'il était au soir du premier tour des présidentielles. Il y a une large victoire des candidats En Marche, que certains ont analysée comme un soutien et un appui à la ligne du président. Néanmoins, il y a encore un grand flou autour de ce qu'il veut faire. Quand on va rentrer dans le vif du sujet, il n'y a pas d'acceptation majeure de faire des efforts supplémentaires. Les Français estiment qu'ils en ont déjà fait beaucoup, et c'est encore plus vrai dans les catégories populaires et la France périphérique. On voit qu'il y a peut-être un climat d'euphorie qui règne dans certains milieux, mais la réalité du pays, qui prévalait il y a 2/3 mois, n'a pas changé. Les voix de passage pour enclencher les réformes, et respecter les engagements parce qu'Emmanuel Macron a beaucoup insisté sur la dimension européenne et sa volonté d'aller de l'avant en matière de construction européenne. Il sait qu'il ne pourra passer par là qu'avec la bienveillance et le soutien de l'Allemagne. Or ce soutien ne sera donné que si et seulement si nos partenaires ont le sentiment que la France devient sérieuse, et s'attaque à son problème de déficit public.

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