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Au secours, les subprimes reviennent : Donald Trump s'y emploie et l'Europe acquiesce
©Reuters/Charles Platiau

Atlantico Business

La planète en marche, oui mais cette fois sur la tête. Les subprimes américains ressortent comme dans les années 2000, les banques américaines vont les "titriser" et l‘Europe se prépare à les voir débarquer. Surréaliste.

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre

Jean-Marc Sylvestre a été en charge de l'information économique sur TF1 et LCI jusqu'en 2010 puis sur i>TÉLÉ.

Aujourd'hui éditorialiste sur Atlantico.fr, il présente également une émission sur la chaîne BFM Business.

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Ce qui se prépare dans la sphère financière est surréaliste. L’Europe a pris hier la décision d’accepter la titrisation des créances américaines. En clair, ça veut dire que l’Europe s’autorise à acheter une partie des crédits immobiliers américains que Trump commence à autoriser. Les fameux subprimes.

C’est assez incroyable. Alors la Commission de Bruxelles, qui a pondu le règlement, a lié cette autorisation à un certain nombre de conditions certes, mais le projet est quand même assez tordu.

Il est logé dans un ensemble de textes définissant la deuxième étape de la création de l’Union européenne des marchés de capitaux. Le projet avait été abordé dès 2015. Il est désormais inclus dans le texte de relance de ce projet qui doit tenir compte des effets du Brexit.

En fait, l’Europe accélère le processus sur lequel il y avait quelques freins et pour cause, parce que la City de Londres va devoir se vider et qu’une partie des activités de marché sur les produits dérivés n’aurait pas pu s’exercer en Europe continentale, compte tenu de la règlementation assez sévère sur les risques. On devait laisser cela aux Anglais ou à d’autres. Mais pourquoi se priver de faire du business ?

Si les Anglais sortent de l’Europe, on ne va pas abandonner le créneau au milieu de la Manche pour autant. Pour le récupérer, il faut changer le règlement. Ce qui est pratiquement fait. On pourra vendre du subprime dans les hypermarchés bancaires de l’Europe comme autrefois ou presque.

Presque, parce que Bruxelles a quand même mis quelques limites en se réservant la liberté de les renforcer au cas où il y aurait des dérapages.

Pour faire simple, on devrait mettre en place une série de barrières.

D’abord et c’est la première garantie, le risque des « titrisations » ne pourra pas être mutualisé comme autrefois. Pas question de contaminer les Etats en leur laissant la charge des sinistres, c’est à dire au contribuable.  

En fait, concrètement, les dettes de subprimes, au passif des banques, seraient couvertes par des dettes souveraines. Les dettes souveraines étant par définition garanties par le souverain, c’est à dire le contribuable. (On revient néanmoins à la case départ). Mais les recours à la dette souveraine sont déjà limités par Bâle 3.

En théorie, le système nous protège d’une catastrophe, puisque le montant de la dette titrisée est plafonné à un pourcentage des dettes souveraines.

Du coup, on limitera le volume à 5 ou 15% du bilan. Le chiffre exact n’a pas été déterminé. Ça discute dur, parce que la ligne de risque est là. La bagarre est sévère entre ceux qui restent prudent à 5% et ceux qui veulent prendre plus de risques.

Le comble dans ce projet est que ces barrières européennes sont en fait de garde-fous. Les fous sont Américains.

L’inquiétude vient de l’attitude de Donald Trump qui a décidé de libéraliser le secteur bancaire. « Messieurs les banquiers, faites ce qu’il faut pour alimenter l’économie en crédit ». Du coup, on retombe sur les subprimes, ces crédits accordés à des gens fragiles sans grande garantie.

On refait ce que Bill Clinton avait initié au début des années 2000 pour se guérir de l’éclatement de la bulle internet. Il avait favorisé les crédits immobiliers et finalement créé une autre bulle qui a éclaté, elle, en 2008.

Cette possibilité de s’endetter à bon marché avait évidemment favorisé le développement d’une catégorie de prêts immobiliers particulièrement risqués : les prêts subprime. Les ménages américains les plus modestes se voyaient proposer des prêts à taux variable gagés par le bien qu’ils souhaitaient acquérir. Nombre d’entre eux avaient succombé à la tentation : l’encours des prêts subprime était passé de 400 milliards de dollars en 2004 à 1 400 milliards de dollars en 2007. C’est à ce moment-là que le système a craqué.

La machine à transformer les plus démunis en heureux propriétaires tournait donc à plein régime. Son fonctionnement avait été encouragé par les gouvernements successifs qui partageaient le noble objectif de permettre à tous les américains de devenir propriétaires. Les autorités voyaient aussi là un moyen de soutenir la construction immobilière et de dégager ainsi le surplus de croissance nécessaire pour parvenir au plein-emploi.

Donald Trump, qui doit absolument apporter quelques résultats à son électorat, pour adoucir ses conditions de vie, a ressorti le logiciel. Il va permettre à la frange de son électorat la plus fragile et la plus déclassée de changer de maison.

Les banques, elles, vont titriser ces créances, c’est à dire qu‘elles vont les vendre comme produits d’épargne. Et les exporter. On va donc refaire le film. Cette épargne pourrie va à nouveau circuler de banque en banque partout dans le monde, même en Europe.

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