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Dans la guerre de Donald Trump contre Janet Yellen, le vainqueur est… la récession américaine
©Reuters

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La succession de Janet Yellen à la tête de la Réserve fédérale américaine alimente les spéculations.

UE Bruxelles AFP

Jean-Paul Betbeze

Jean-Paul Betbeze est président de Betbeze Conseil SAS. Il a également  été Chef économiste et directeur des études économiques de Crédit Agricole SA jusqu'en 2012.

Il a notamment publié Crise une chance pour la France ; Crise : par ici la sortie ; 2012 : 100 jours pour défaire ou refaire la France, et en mars 2013 Si ça nous arrivait demain... (Plon). En 2016, il publie La Guerre des Mondialisations, aux éditions Economica et en 2017 "La France, ce malade imaginaire" chez le même éditeur.

Son site internet est le suivant : www.betbezeconseil.com

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Donald Trump d’un côté. Il ne tarit pas d’éloges sur Janet Yellen, Présidente de la Fed. C’est donc qu’il envisage de la remplacer le 3 février 2018, sachant qu’elle restera en poste (mais plus comme présidente) jusqu’au 31 janvier 2024. Il rêve alors que, dégoutée ou mal à l’aise, elle parte en retraite (elle est née le 13 août 1946) et rejoigne son Nobel d’économie de mari (George Akerlof). Pour la remplacer, on parle de Gary Cohn, conseiller économique du même Donald Trump. Ancien patron de Goldman Sachs et officiellement Démocrate, son entreprise est un grand donateur au parti Républicain : il « coche toutes les cases », comme on dit actuellement. 

Janet Yellen en face. Imperturbable, elle répète sans se lasser son mandat : maximum d’emploi à moyen terme, avec une inflation inférieure à 2%. Elle va ajouter qu’elle a réussi et doit continuer sur sa route, avec un taux de chômage à 4,3% et une inflation structurelle à 1,5%. Elle va faire comprendre qu’elle a même très bien réussi : plein-emploi, pas beaucoup d’inflation et des taux longs à 2,2%, qu’il ne faut surtout pas énerver ! Il faut donc la prolonger comme Présidente pour prolonger la reprise !

Mais Donald Trump n’est pas content : il veut plus de croissance. 3%, 3,5%, et rêve même de 4% ! Pour y arriver, il veut faire revenir des emplois aux Etats-Unis – depuis le Mexique, faire revenir aussi 2200 milliards de dollars parqués en Europe dans les trésoreries des filiales en baissant à cette occasion l’impôt sur les sociétés à 10% et faire monter encore l’activité et la bourse, en baissant l’impôt sur les sociétés à 25%, contre 35%. 

Mais Janet Yellen n’y croit pas. Pire, elle indique qu’elle va devoir freiner cette politique, ce que Donald Trump traduit : « s’y opposer ». Janet Yellen vient en effet de publier ses prévisions, où on lit que la croissance maximale américaine sera autour de 2% en 2018, avant de décliner vers 1,9% en 2019. Autrement dit, pour Janet Yellen, 3% est impossible, sachant que les 2% d’inflation seront atteints fin 2018, avec 2% de croissance, et qu’elle prévoit alors de monter ses taux courts à 3% en 2019 !

Déclaration de guerre : c’est ainsi que Donald Trump lit ces prévisions de croissance et de taux d’intérêt. D’autant plus que la Fed vient d’annoncer aussi qu’elle allait vendre des bons du trésor ! Au moment même où Donald doit augmenter le plafond de la dette publique : les Etats-Unis seront en cessation de paiement à la rentrée ! Au moment même où les baisses d’impôts vont augmenter le déficit, sans compter les 200 milliards (au moins) de programmes d’infrastructure !

Face à Donald Trump qui veut forcer la machine à croissance, non seulement Janet Yellen serre le financement du déficit, mais elle augmente les taux courts, ce qui va faire monter encore plus les taux longs.

Trump contre Yellen : à continuer ainsi, la récession américaine se rapproche. Techniquement, si l’inflation monte encore, les taux courts doivent monter plus vite, vers 4%, avec les taux longs, ce qui pèse sur la bourse et la croissance. Pire, si l’inflation monte encore, les taux courts peuvent aller vers 5%, alors que les taux euro n’auront pas bougé. Le dollar sera superstar, pesant encore plus sur la croissance.

Yellen va répondre qu’elle n’a pas le choix : elle doit réduire son portefeuille de bons du trésor (4500 milliards de dollars) et donc la « bulle obligataire » dont Donald Trump avait lui-même parlé, quand il était en campagne ! Et plus Donald Trump pousse sa politique fiscale, plus il fait monter les taux longs et plus il la force elle, parce qu’il fait monter l’inflation, à monter ses taux courts !

Trump va dire qu’il vaut faire repartir bien plus fort la machine économique américaine et que ce 2% de limite à sa croissance est un fake d’économistes. Bien sûr, il faut peut-être accepter un temps plus d’inflation salariale si on décoince le marché du travail, mais il ne faut pas oublier que, d’un autre côté, il va réduire les aides aux chômeurs. Plus de carotte et aussi plus de bâton.

Mais Janet va lui dire que les autres économistes qu’il envisage de faire nommer à la Fed  (Marvin Goodfriend et Randal Quarles) veulent que la Fed obéisse à une règle pour fixer ses taux courts. Et aujourd’hui, cette règle donnerait des taux courts à 3%, le maximum qu’elle prévoit dans deux ans. Un tel choc, ce serait la récession immédiate.

Donald Trump pourra alors s’énerver et dire qu’il veut des gouverneurs qui lui soient… loyaux ! Et Janet lui répondra qu’ils sont tous tenus par un mandat. S’ils sont trop rigides ces nouveaux venus, avec une règle mathématique pour fixer les taux courts, c’est la récession dans un an. Et s’ils sont trop souples, et perçus comme trop obéissants par les marchés, cette fois ce sont les taux longs qui montent. La bourse baisse et la récession vient plus vite encore.

Trump contre Yellen : le match est déclaré. Mais cette fois, ce n’est pas le Congrès qui auditionne les candidats, ce sont les marchés mondiaux, libres, hypersensibles, en temps réel. En même temps, le cycle américain donne des signes de fatigue, avec une des phases d’expansion les plus longues de l’après-guerre : 7 ans. Les bourses américaines ont commencé à baisser, surtout pour le high tech, et à s’énerver. Mieux vaudrait donc calmer le jeu au plus tôt, car il est mondial et plus compliqué que jamais.

Don’t fight the Fed ! est le B A – BA des investisseurs en actions. Autrement dit : suivez-là pour devenir plus riche. Trump, apparemment, veut devenir plus riche encore (pour la grandeur de l’Amérique bien sûr !), mais contre elle. Ce serait une première.

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