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Ancien ministre/député/collaborateur cherche job : quel avenir professionnel attend les battus de la saison politique meurtrière 2017 ?
©REUTERS/Jacky Naegelen

Statut de l’élu

Suite à cette élection législative, de nombreuses personnalités, des "professionnels" de la politique ont pu perdre leur siège à l'Assemblée, alors que d'autres avaient déjà renoncé à leur candidature. Pour certains, la réinsertion s'annonce difficile.

Abel François

Abel François

Abel FRANÇOIS est professeur à l’université de Lille 1 et spécialiste en économie des décisions publiques. Ses travaux portent en particulier sur le financement de la vie politique et il a publié « Le financement de la vie politique » chez Armand Colin et « Choix Publics. Analyse économique des décisions publiques » chez de Boeck. Il co-anime le blog slowpolitix (http://slowpolitix.blogspot.fr/), pour information, voir http://www.abelfrancois.com

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Atlantico : Quelles sont les chances, pour ces anciens élus, de se "réinsérer" dans une activité professionnelle ? De la compétence ou du réseau, sur quels atouts ces élus peuvent ils le plus compter ?

Abel François : Il est délicat de faire des généralités car il est difficile de définir (de compter et donc d’étudier) les professionnels de la politique. Juridiquement seuls parmi les élus, les parlementaires sont des professionnels. En effet, sauf rares cas, ils ne peuvent exercer une autre profession durant leur mandat. La qualité de la réinsertion dépend entièrement de la profession exercée avant le mandat. Les professions libérales fortement réglementées comme par exemple les notaires ou les pharmaciens retournent à leur activité initiale sans aucune difficulté. De la même manière, les fonctionnaires retrouvent leur corps d’origine éventuellement en ayant accumulé de l’ancienneté et des droits à la retraite. C’est beaucoup plus difficile pour les professions ou les statuts pour lesquels les actifs économiques ou la source de revenus diminuent ou disparaissent durant la période de professionnalisation politique. C’est le cas pour les salariés qui ne retrouvent pas nécessairement un poste. De plus, la différence de revenu entre l’indemnité politique perçu et les salaires sont également une source de difficultés et peuvent expliquer par exemple que les carrières politiques étaient plus longues pour les quelques ouvriers ou agriculteurs encore présents dans les assemblées dans les années 90. De plus, ces différences entre profession et statuts sont une des explications du constat que ce sont les professions qui permettent les sorties de la politique les plus faciles qui sont aussi les plus présentes parmi les parlementaires.

Si maintenant on pense plus généralement aux professionnels de la politique au sens des individus n’ayant exercé que des fonctions politiques sans avoir un statut particulier, il y a en gros trois possibilités. Premièrement, préparer en amont sa réinsertion et ne pas attendre une sanction électorale, par exemple en utilisant les possibilités offertes de nomination à la discrétion du pouvoir exécutif dans les corps de la haute fonction publique ou dans une structure paraétatique locale nationale ou internationale, ou encore développer des compétences très spécifiques qui pourraient être valorisées sur le marché du travail. Cela demande d’anticiper sa sortie de la vie politique ce qui peut paraître inenvisageable pour certains élus.

Deuxièmement, s’il s’agit d’une sortie définitive de la vie politique, généralement elle a lieu lorsque les cotisations retraite en tant qu’élus et éventuellement hors des mandats électifs le permettent. Ceci est rendu possible par des régimes de cotisation retraite spécifiques en particulier pour les parlementaires, qui malgré quelques réformes restent plus favorables. C’est ce qui explique par exemple que l’âge moyen d’entrée à l’assemblée nationale est éloigné en moyenne de deux mandats électoraux de l’âge moyens de la retraite, deux mandats étant la moyenne de présence à l’Assemblée Nationale. En d’autres termes, cette question de la sortie et du risque lié à la professionnalisation politique est intégrée par les députés dans leur choix de basculer dans une activité exclusivement politique.

Enfin, s’il s’agit d’attendre la prochaine alternance, la prochaine élection, les organisations partisanes (ou proches) peuvent offrir des points de chute intéressants mais qui restent rares. Plus généralement en France, les aléas démocratiques sont gérés grâce au cumul des mandats : la perte d’un mandat électif est amortie par la détention d’un autre qui permet de garder une activité politique et de préparer la prochaine échéance électorale.

En quoi cette forme de "dégagisme" qui semble sans précédent peut elle poser la question du statut des élus ? La difficulté de réinsertion n'est elle pas totalement en contradiction avec une volonté de renouvellement du personnel politique ?

L’idée du statut des élus est une question qui revient à intervalle régulierdans le débat politique, en particulier à la suite de débâcles électorales marquantes, comme si aujourd’hui il n’existait pas un certain nombre de sécurité pour les élus battus.

Dans les faits et même s’il n’existe a pas à proprement parler un statut des élus, l’accumulation de réglementations a tout de même offert beaucoup de sécurité aux élus même si pour des raisons d’affichage certainement, nous ne parlons pas de salaire politique mais d’indemnité politique.

Je ne sais pas ce que comporterait un statut de l’élu mais il faut bien avoir en tête que toute modification des règles du jeu politique a des répercussions profondes et à long terme sur son fonctionnement. Il faut donc voir que le statut actuel de l’élu offre des garantis mais ne permet pas aujourd’hui une représentation diversifiée parmi les hommes politiques qui proviennent principalement de la haute fonction publique et des professions libérales. Il n’est pas certain qu’un renforcement de ce statut conduise à un plus grand renouvellement du personnel politique. Il faut peut-être prendre la question à l’envers et s’interroger sur les privilèges réglementaires dont bénéficient les catégories les plus présentes aujourd’hui.

Dans tous les cas, et à l’instar de tout ce qui concourt à la définition des règles de fonctionnement de la vie politique, il ne faut surtout pas que cette définition soit comme d’habitude le résultat d’une décision prise par des élus. Pour la simple et bonne raison que quel que soit son contenu, elle ne pourra pas apparaitre comme crédible aux yeux de l’opinion. C’est pourquoi il est nécessaire d’inventer pour toutes ces règles des modalités de définition qui échappent au jeu politique afin de les rendre crédibles.

Quelles sont les secteurs d'activité susceptibles d'être intéressés par ce type de profils ?

Des entreprises ou des organisations peuvent être intéressées par deux choses, me semble-t-il. Premièrement, les compétences très spécialisées, juridique par exemple ou d’organisation de filières, dans un domaine où l’intervention de l’état est importante. Par exemple, un député fin connaisseur du droit social pourrait valoriser facilement ses compétences.

Deuxièmement, le réseau et les carnets d’adresse : en employant un ancien élu, une entreprise peut accéder plus facilement à des décideurs publics pour obtenir de l’information ou tout simplement influencer la décision publique. Cela renvoie en particulier à l’activité de conseil que peut vendre les anciens élus et à son encadrement juridique actuel et à venir avec la loi de moralisation en préparation.

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