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 Centre en péril : dans quel état l'UDI sortira-t-elle des législatives ?
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A quel saint se vouer

Le parti de centre droit UDI de Jean-Christophe Lagarde pourra prendre de l'importance après les législatives. Que ce soit du côté des Républicains ou de la majorité présidentielle, l'UDI saura peser dans la balance.

Jean Petaux

Jean Petaux

Jean Petaux, docteur habilité à diriger des recherches en science politique, a enseigné et a été pendant 31 ans membre de l’équipe de direction de Sciences Po Bordeaux, jusqu’au 1er janvier 2022, établissement dont il est lui-même diplômé (1978).

Auteur d’une quinzaine d’ouvrages, son dernier livre, en librairie le 9 septembre 2022, est intitulé : « L’Appel du 18 juin 1940. Usages politiques d’un mythe ». Il est publié aux éditions Le Bord de l’Eau dans la collection « Territoires du politique » qu’il dirige.

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Atlantico : Où en est le centre aujourd’hui ? Le président de l'UDI Jean-Christophe Lagarde continue de préciser que son parti est "en alliance avec LR". Au regard des intentions de vote pour les législatives (ou LR semble à ce jour loin derrière le parti du nouveau président), et de la situation du centre, comment analysez-vous cette alliance ? 

Jean Petaux : C’est une alliance qui est objectivement tributaire de l’état du parti LR à demeurer uni ou pas après les législatives de juin 2017. Comme il est vraisemblable qu’après cette dernière séquence électorale une partie des cadres et des militants « Les Républicains » quitteront le parti héritier de l’UMP pour soutenir la majorité présidentielle en apportant leurs voix au moins au sein de la nouvelle Assemblée au gouvernement Macron, le parti centriste, l’UDI, qui est une des composantes du centre, issu du plus vieux courant politique français, intimement lié à l’histoire de la République parlementaire à partir de 1875, le radicalisme, transformera la nature de son alliance avec LR pour rejoindre la fraction « centre-droit » de ce parti. La principale raison de l’alliance entre l’UDI et le parti LR aujourd’hui réside dans le fait que le parti de la « droite de gouvernement » a « protégé »  certaines circonscriptions au profit de candidats UDI, qui sans cela, auraient toutes les peines du monde à se faire élire. Cette « dépendance au LR » rend compliqué toute forme de renversement d’alliance pour l’UDI qui se trouve, qu’elle le veuille ou non, soumise au devenir du parti « Les Républicains » lui-même pour définir sa propre ligne de coalition. On peut concevoir qu’à l’occasion des législatives, à la suite de la recomposition du paysage politique qui s’ensuivra, l’UDI va se dégager de l’emprise de LR avec une réserve néanmoins : un éventuel renversement d’alliances au plan national ne se traduira pas immédiatement par des déplacements équivalents au plan local et les majorités communes LR-UDI (voire MODEM dans de nombreux cas) dans les villes moyennes et grandes vont perdurer jusqu’aux prochaines municipales, en 2020, qui figureront comme de véritables « Mid term elections », les fameuses « élections à mi-mandat » qu’on connait bien aux Etats-Unis.

Suite à la nomination d'Édouard Philippe en tant que Premier ministre, un vingtaine d'élus LR mais aussi UDI (centre) exhortent leurs formations politiques à "répondre à la main tendue "par le président. S'ajoute à cela que l'UDI "n'exclut pas de travailler avec Emmanuel Macron" selon son président. Quels peuvent être les solutions pour ce centre qui semble écartelé entre La République En Marche et les Républicains ? 

Jean Petaux : L’UDI, tout comme son fondateur encore très populaire dans ce parti, Jean-Louis Borloo, ont de nombreux points de convergence politique avec le président de la République élu le 7 mai dernier. On peut considérer encore une fois que les « transferts », terme que l’on emploie plus souvent en matière de « mercato footballistique » à la fin de telle ou telle saison sportive, interviendront postérieurement aux législatives quand il s’agira de donner une majorité parlementaire au gouvernement Philippe II si le parti du président, REM, n’obtient pas de majorité absolue dans la nouvelle législature. L’UDI, en tout état de cause, la partie qui suit la « ligne Lagarde » sera la plus apte à rallier la majorité gouvernementale a contrario de la « ligne Morin ». Ce qui, en l’espèce, est ici plus qu’une nuance tactique doit beaucoup au fait que Jean-Christophe Lagarde et Hervé Morin sont aussi incompatibles entre eux que le furent Romulus et Remus et Caïn et Abel (sans aucunement prendre le risque de savoir qui des deux est Remus ou Abel…). Cette situation n’est pas nouvelle non plus pour une formation située au centre de l’échiquier politique. Puisque le temps politique actuel évoque souvent celui de la IVème République par la reconstitution d’une « Troisième force » politique, rappelons qu’une petite formation politique, comparable à l’UDI d’aujourd’hui, l’UDSR (L’Union démocratique et socialiste de la Résistance), formation codirigée par François Mitterrand et René Pleven était presque l’idéal-type du « parti charnière » faisant et défaisant les 22 gouvernements qu’aura connu la IVème République. En 1958, grand moment de recomposition des alliances politiques, Mitterrand qui incarnait plutôt l’aile « gauche » de l’UDSR fut un des rares hommes politiques (si on ne compte pas le PCF évidemment) de la Quatrième à s’opposer avec Pierre Mendes France au retour du général de Gaulle alors que René Pleven, député des Côtes-du-Nord, grand résistant, choisit de soutenir le nouveau régime. Est-ce le destin de l’UDI ? Peut-être, mais c’est aussi celui de LR sans doute…

Jean-Christophe Lagarde entend réaffirmer l'indépendance de l'UDI mais comment est-ce possible en formant des alliances ?

Jean Petaux :  L’indépendance n’est absolument pas contradictoire avec la pratique des alliances. Elle en est même consubstantielle. C’est parce que vous êtes indépendant que vous choisissez vos alliances. Si vous n’êtes pas libre vous ne passez pas d’alliance, vous êtes tout simplement absorbé, fusionné et destiné à être fondu donc à disparaitre formellement. Tout est affaire ensuite de puissance. Vous allez être alors soit un « allié supplétif » dont le parti dominant avec qui vous passez une alliance peut aisément s’affranchir sans risque d’y perdre, soit un « allié partenaire » et votre association sera d’autant plus forte, d’autant plus fructueuse pour vous, que vous serez d’une part respecté mais surtout susceptible de causer des dommages lourds à votre allié si vous vous séparez de lui ou s’il ne vous considère pas à la hauteur de vos demandes. Autrement dit si l’UDI veut manquer à l’un de ses alliés putatifs (aujourd’hui LR demain peut-être REM ou une fraction de LR qui construirait une force de centre-droit autonome) c’est parce qu’elle sera forte et qu’elle sera d’une certaine manière courtisée et sollicitée. C’est, toute chose égale par ailleurs, ce que cherche à réaliser le « cousin » Bayrou avec le MODEM à l’égard du futur parti du président. C’est parce qu’il répète à l’envi (et ce n’est d’ailleurs pas faux même si c’est exagéré de sa part) que la courbe des intentions de votes de Macron a fait un bon lorsque Bayrou a son retrait de la course présidentielle et son soutien que ce dernier cherche à se montrer indispensable au nouveau président et c’est ainsi que dans tous les départements de France une véritable bataille politique s’est déroulée pour les candidatures législatives là où le MODEM était en situation de présenter des candidats cherchant à se réserver le plus possible de circonscriptions, au détriment de fait, de « République En Marche ».

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