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Macron ou Fillon : les deux bourgeoisies parisiennes révélées par la présidentielle
©Thomas SAMSON / AFP

Lutèce

Paris constitue un cas archétypal et parfois caricatural pour appréhender la géographie du vote Macron.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Paris constitue un cas archétypal et parfois caricatural pour appréhender la géographie du vote Macron. Au lendemain du premier tour, on a beaucoup insisté, à juste titre, sur la dichotomie entre le visage de ces deux France qui étaient sorties des urnes et qui se regardaient en chiens de faïence : une France urbaine ayant soutenu Emmanuel Macron et une France périphérique, des petites villes, des zones péri-urbaines et des campagnes ayant placé Marine Le Pen en tête. Le cas de Paris illustre ce clivage à merveille dans la mesure où la capitale a accordé près de 35% au leader d’En Marche!, soit plus de 10 points au-dessus de sa moyenne nationale et son meilleur score de toutes les grandes villes. Ce soutien massif des Parisiens le place largement en tête quand, dans le même temps, sa rivale du second tour ne parvenait pas à franchir la barre symbolique des 5% et enregistrait ainsi dans la plus grande ville de France l’un de ses plus mauvais résultats nationaux. La difficulté rencontrée par la candidate frontiste dans les métropoles se trouve ainsi exacerbée avec une audience marginale et en recul à Paris (alors qu’elle progresse de plus de 3 points au plan national) qui la relègue en 5ème position derrière Emmanuel Macron, François Fillon, Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon, qui avec 10% enregistre un score deux fois supérieur à celui de Marine Le Pen, ce qui au plan départemental est unique en France.

Y compris dans Paris intra-muros, une opposition centre-périphérie  

La carte du vote Macron par bureaux de vote  renforce et illustre encore l’idée d’un candidat particulièrement soutenu par le cœur des métropoles. Ce vote atteint ainsi son intensité la plus importante dans la partie centrale de la capitale avec les scores les plus élevés dans le 3ème arrondissement, dans une partie de 2ème du 9ème et du 11ème. Puis tout en restant à un niveau important, il perd en puissance quand on s’éloigne de cet épicentre. En direction du nord, on descend d’un palier quand on franchit les faubourgs qui marquent la frontière avec le 20ème, le 19ème et une partie du 18ème arrondissement. Le score d’Emmanuel Macron décline de nouveau progressivement dans ces arrondissements pour atteindre son point bas dans les bureaux de vote situés le long du périphérique et qui correspondent aux quartiers de logements HBM (Habitats à Bon Marché de l’entre-deux-guerres) où réside une population modeste. Dans le sud de Paris, c’est également dans le liseré de bureaux bordant le périphérique que l’ancien banquier enregistre ses moins bons résultats.  

On notera au passage que la carte du vote Macron est le négatif quasi-parfait du vote Le Pen, la candidate frontiste atteignant ses moins mauvais scores sur le pourtour de la capitale et son plus faible niveau dans son cœur. L’opposition centre/périphérie entre ces deux votes se vérifie donc de manière emblématique à l’échelle des bureaux de vote parisiens.

Hormis ces bureaux de vote correspondant aux quartiers très populaires en bordure du périphérique, Marine Le Pen a pu compter sur quelques points d’appui disparates constitués par les bureaux de vote englobant dans leur périmètre des casernes de la Garde républicaine. Dans le 5ème arrondissement, elle atteint son plus haut score de l’arrondissement dans le bureau n°13 à proximité de la caserne Monge. Même phénomène pour le bureau n°10 (caserne Babylone) dans le 7ème arrondissement. Le phénomène est encore plus marqué pour le bureau n°46 dans le 13ème arrondissement, où votent les gendarmes de la Garde républicaine et leurs familles logés à la caserne Kellermann. La présence d’une caserne dans ce bureau couvrant un bâti de logements sociaux le long du périphérique amplifie significativement le vote frontiste.

A cette ligne de clivage centre/périphérie répond une autre division traditionnelle de la capitale entre les arrondissements de l’ouest acquis à la droite, et ceux de l’est fidèles à la gauche. Une fois encore, le cas parisien permet de bien saisir la nature de ce vote nouveau qu’est le vote Macron. Le leader d’En Marche! s’est en effet positionné comme un candidat central. Or, dans le cas de la géographie électorale parisienne, cette position centrale sur l’échiquier politique a correspondu à une aire géographique elle aussi centrale au sens spatial du terme. On constate en effet que la zone de force maximale du vote Macron est comprise de l’est du 17ème et de Montmartre au nord au bas du 14ème arrondissement au sud en passant par le 9ème, le 10ème, le 11ème et les six premiers arrondissements. Mais si, de par sa capacité à mordre sur les différents électorats, Emmanuel Macron obtient des scores importants partout dans Paris, c’est dans cette large coulée centrale que ces résultats ont été les plus significatifs. Or ce couloir central correspond à la zone de friction entre le bloc conservateur de l’ouest, qui a massivement soutenu François Fillon, et les arrondissements de l’est parisien dont les habitants ont tout aussi massivement choisi de voter pour Jean-Luc Mélenchon et Benoît Hamon.  

Il est d’ailleurs intéressant de noter dans une logique de gradient à la fois géographique et politique que Benoît Hamon atteint ses meilleurs résultats dans des bureaux de vote qui jouxtent les bastions « macroniens » et que, quand on progresse encore davantage vers la périphérie dans le nord et l’est parisien, c’est Jean-Luc Mélenchon qui prend l’ascendant comme si la radicalité gagnait en intensité au fur et à mesure que l’on s’éloignait du cœur de la capitale.   

2- Les deux bourgeoisies 

Si Emmanuel Macron a réalisé une véritable percée à Paris, sa candidature a, on l’a vu, rencontré le plus d’écho dans la partie centrale de la capitale. Quand on analyse la carte dans le détail, se fait jour une césure dans les quartiers huppés du centre et de l’ouest parisien donnant à voir deux bourgeoisies. La première est traditionnelle, conservatrice et plutôt âgée, la seconde est plus jeune, plus progressiste et libérale au sens français et anglo-saxon du terme. Même si ces deux profils type et leurs multiples nuances peuvent être présents dans les différents quartiers de l’ouest et du centre de Paris, leur répartition est assez marquée et le rapport de force Fillon / Macron au 1er tour en rend assez bien compte. Le premier règne de manière hégémonique sur le 16ème arrondissement, le sud du 17ème, le 7ème et le 8ème (particulièrement au sud des Champs-Elysées, et au nord de l’arrondissement autour du Parc Monceau). Les scores demeurent élevés dans le 6ème arrondissement et dans le nord du 15ème. Nous sommes là en présence d’une géographie assez immuable des bastions de la droite conservatrice à Paris. Il est ainsi saisissant de constater que la carte de l’intensité du vote Fillon se superpose assez bien à l’avancée de la ligne de front durant la semaine sanglante lors de la Commune de Paris. Les lignes versaillaises se situaient au début de l’offensive à peu près aux limites de ce bloc de quartiers ayant massivement voté pour François Fillon, le vote pour ce dernier déclinant au fur et à mesure que l’on se dirige vers l’est pour atteindre son niveau le plus faible aux confins des 11ème, 19ème et 20ème arrondissements, quartiers correspondant au dernier réduit des communards . On notera également que la Place du Trocadéro, lieu choisi pour organiser le grand rassemblement de soutien à François Fillon, se situe au cœur du fief de la droite de l’ouest parisien. 

Bien entendu, la géographie de ce vote n’est pas uniquement une survivance de l’histoire, elle est également conditionnée par des données très concrètes et contemporaines comme le prix de l’immobilier. Dans le 17ème, comme dans le 18ème ou le 9ème, les zones de force du vote Fillon coïncident avec les quartiers où le prix du mètre carré est le plus élevé (par exemple autour de Montmartre). 

Le prix du logement influe directement sur la composition sociologique de la population d’un quartier et l’on trouvera davantage de CSP+ et de retraités aisés, catégories les plus acquises à François Fillon, dans les quartiers les plus chers. De la même façon, les logements sociaux (qui hébergent des catégories modestes ou moyennes, moins orientées à droite) ont été majoritairement implantés dans les quartiers où le prix de l’immobilier était le moins élevé. 

Cette matrice demeure très puissante et opère toujours mais elle n’est plus aussi déterminante. En effet, de très nombreux quartiers du centre-est parisien ont connu depuis une vingtaine d’années un phénomène de gentrification qui s’est traduit par la hausse du prix de l’immobilier et l’arrivée de nombreux CSP+ qui ont peu à peu supplanté toute une partie de la population modeste qui y résidait originellement. La hausse des prix de l’immobilier a été telle que certains de ces quartiers du centre-est de la capitale (comme Le Marais ou une partie du 11ème arrondissement) affichent aujourd’hui un prix au mètre carré égal voire parfois supérieur à celui pratiqué dans certains quartiers du 16ème. Les prix sont assez proches et pour autant les votes diffèrent très fortement et même divergent  davantage scrutin après scrutin. Ce paradoxe apparent s’explique par l’existence de nos deux bourgeoisies : la traditionnelle implantée dans l’ouest et la nouvelle, celle des fameux « bobos » qui ont colonisé le centre-est parisien. Dans une ville mondialisée comme Paris, où le prix du logement est devenu élevé dans la quasi-totalité des quartiers, ce paramètre n’est plus aussi discriminant que par le passé et aujourd’hui ceux qui ont les moyens de vivre à Paris choisissent leur quartier en bonne partie en fonction de l’ambiance et sur un mode affinitaire. 

On est « tradi » ou « bobos », on recherche une ambiance « propice aux familles » ou « branchée et nocturne », sans parler des logiques communautaires (quartiers gay, juif, asiatique, etc.). Ces logiques de regroupement, qui confinent parfois à du grégarisme social, expliquent en bonne partie le creusement des écarts électoraux entre ces deux parties de la capitale, chaque camp étant identifié par une vision de la ville et un mode de vie aimantant de nouveaux électeurs. Ce processus a abouti à la constitution de blocs idéologiquement et culturellement de plus en plus homogènes. Alors que le poids des CSP+ tend à se lisser entre l’ouest et le centre-est, la fracture est aujourd’hui culturelle et non plus économique, opposant une bourgeoisie traditionnelle et cette nouvelle bourgeoisie. Pour ces deux publics favorisés, l’opposition entre François Fillon et Emmanuel Macron ne portait pas principalement sur la question économique (les deux programmes étant de tonalité libérale affichée) mais sur des enjeux sociétaux : politique familiale, rapport à l’immigration et à l’identité nationale, etc. 

Le 16ème, le 7ème et le 8ème sont demeurés fidèles à la vision conservatrice incarnée par François Fillon. Emmanuel Macron, le candidat libéral-progressiste, a quant à lui fait le plein dans le 3ème, le 2ème, le 9ème, le 5ème et dans toute une partie du 17ème , du 18ème, du 11ème et du 14ème). Cette poussée n’a pas échappé à Nathalie Kosciusko-Morizet qui devait initialement se présenter dans la 11ème circonscription, recouvrant une bonne partie du 14ème arrondissement, pour partir à la conquête de cet arrondissement-clé, dont le rebasculement à droite est une des conditions sine qua non de la victoire à Paris. Mais bien que son profil de « bobo de droite » lui offre quelques atouts, Nathalie Kosciusko-Morizet a prudemment décidé de se délocaliser légèrement plus à l’ouest, dans la 2ème circonscription de Paris, détenue jusqu’alors par François Fillon qui la lui a cédée. Bien qu’étant contigüe, cette circonscription composée de la majeure partie du 7ème et du 6ème arrondissements, vote beaucoup plus à droite que la 11ème circonscription. Ce repositionnement de la leader de la droite parisienne s’apparente donc à un repli stratégique (les communiqués militaires émis lors de retraites parlent de « repli ordonné sur des positions établies à l’avance … ») qui acte le changement socioculturel intervenu dans ces quartiers et le fait que cette nouvelle bourgeoisie soutient massivement la gauche de Bertrand Delanoë ou d’Anne Hidalgo lors des municipales ainsi que désormais En Marche! à la présidentielle et sans doute aux législatives. Depuis Nathalie Kosciusko-Morizet semble avoir poussé cette logique encore plus loin en se déclarant prête à travailler avec la nouvelle majorité présidentielle. 

C’est sans doute un calcul similaire qui a poussé Jean-Baptiste de Froment, élu municipal du 9ème arrondissement, à postuler à la succession de Pierre Lellouche dans la 1ère circonscription de Paris. Cette circonscription recouvre le 1er et le 2ème arrondissements, une partie du 9ème, où Emmanuel Macron a enregistré un très bon résultat, mais également tout le 8ème (fief inexpugnable de la droite). Ce qui en fait une circonscription en or pour les figures de la droite parisienne souhaitant se mettre à l’abri de la vague Macron. 

Si ces scores élevés d’En Marche! dans ces arrondissements (14ème et 9ème) qui sont situés aux marges de la sphère d’influence de la droite parisienne ne sont pas une surprise, sa performance dans le 15ème arrondissement, qui appartient au bloc de droite historique est plus inattendue. L’ancien Premier ministre vire ainsi en tête dans les bureaux de vote situés au nord d’un axe défini par la rue du Docteur Finlay et l’avenue de Grenelle et dans ceux du quartier Sèvre-Lecourbe. Il devance plus légèrement Emmanuel Macron dans le quartier Beaugrenelle, mais partout ailleurs, hormis quelques bureaux épars, c’est son rival qui l’emporte, principalement dans le sud de l’arrondissement. Cette géographie renvoie pour partie au prix du foncier : les quartiers du nord de l’arrondissement jouxtant le 7ème sont les plus chers (autour de 10 000 euros /mètre carré) alors que la partie sud affiche un prix moyen autour de 8000 euros/mètre carré voire 7000 à proximité du périphérique et abrite des logements sociaux dans certains quartiers. 

Mais cette percée d’Emmanuel Macron dans toute une partie du 15ème arrondissement est également la traduction électorale d’une certaine « boboïsation » de cet arrondissement et du remplacement dans certains de ces quartiers de la bourgeoisie traditionnelle par la nouvelle bourgeoisie. A cette mutation socioculturelle a répondu un basculement électoral qui a vu une part importante de la population de l’arrondissement se reconnaître davantage en Emmanuel Macron qu’en François Fillon. Hugues Renson, 39 ans, passé par les cabinets chiraquiens, avant de rompre avec la droite et d’appeler à voter pour François Hollande en 2012, sera le candidat d’En Marche! dans cet arrondissement. Dans l’autre circonscription qui couvre une partie du 15ème arrondissement (la 12ème circonscription), c’est Olivia Grégoire qui portera les couleurs d’En Marche ! face à Philippe Goujon, député sortant, maire Les Républicains de l’arrondissement et dirigeant de la fédération parisienne de ce parti. Avant de rejoindre En Marche !, Olivia Grégoire est, elle aussi, passée par les cabinets ministériels de droite sous Jacques Chirac et au début du quinquennat de Nicolas Sarkozy. Ces trajectoires personnelles symbolisent bien le glissement idéologique d’une partie du 15ème arrondissement, secteur parisien qui affichait le plus important comité de soutien à Emmanuel Macron.   

3- Jean-Luc Mélenchon évince le PS dans l’Est parisien 

Si des bouleversements électoraux ont eu lieu dans certains arrondissements de l’Ouest et du centre de Paris avec l’émergence du vote Macron, le paysage politique de l’Est de la capitale a également été profondément chamboulé. Le désormais Président y a obtenu des scores élevés : 38,8% dans le 11ème, 33,8% dans le 18ème, 30,6% dans le 20ème et 29,6% dans le 19ème. Mais ces résultats importants se sont accompagnés d’une percée de Jean-Luc Mélenchon qui a vampirisé toute une partie de l’électorat traditionnel dans ces arrondissements de gauche. Le leader de la France insoumise atteint ainsi 23,8% dans le 11ème, 28,4% dans le 18ème, 30,7% dans le 19ème et 31,8% dans le 20ème. Pour reprendre la métaphore mélenchonienne du casse-noix, le candidat socialiste s’est retrouvé coincé et écrasé face à ces deux concurrents qui ne lui ont laissé que 13 à 14% des voix dans des arrondissements où il y a cinq ans, François Hollande obtenait entre 40 et 43% des suffrages au premier tour…    

Cet OPA concertée sur l’électorat socialiste a fait l’objet d’une répartition des rôles implicites. A Emmanuel Macron, l’importante composante modérée de l’électorat PS ; à Jean-Luc Mélenchon, la frange plus à gauche. Dans l’Est parisien, cette offensive simultanée a abouti à un Yalta électoral. Jean-Luc Mélenchon a accaparé les quartiers situés à proximité du périphérique en allant parfois jusqu’aux grands boulevards quand le leader d’En Marche! a préempté tous les autres quartiers avec une prédilection pour ceux qui étaient moins excentrés.  

Si l’Est parisien est souvent décrit comme un « Boboland », la composition de la population varie fortement d’un quartier à un autre avec certes une présence de cadres, de professions de la culture et de la communication, d’étudiants mais aussi de familles beaucoup plus modestes, dont une part significative issue de l’immigration.  

Ce patchwork sociologique a sa traduction électorale. Dans l’Est parisien, les bureaux de vote où Jean-Luc Mélenchon devance Emmanuel Macron correspondent pour l’essentiel à des quartiers d’habitat social ou affichant un prix au mètre carré moins élevé. Un des cas les plus symptomatiques est le 18ème arrondissement. Le candidat de la France insoumise surclasse nettement Emmanuel Macron dans les bureaux situés le long du périphérique (où sont implantés de très nombreux immeubles de logements sociaux) mais aussi à l’est d’un axe constitué par les boulevards Barbès et Ornano, qui marquent une frontière symbolique et économique. A l’ouest de cette ligne, le prix de l’immobilier est nettement plus élevé (de 8500 à 9500 euros/m²) que dans l’autre partie de l’arrondissement (moins de 7400 euros/m²) et c’est Emmanuel Macron qui prend l’ascendant notamment dans le quartier très prisé de Montmartre. A l’est de cet axe, on trouve les quartiers de Barbès et de la Goutte d’Or, à forte population issue de l’immigration. C’est dans ce quartier que se situe d’ailleurs le bureau de vote ayant le plus voté pour Jean-Luc Mélenchon dans la capitale : 49.6% dans le bureau n°56 . 

Bloc de droite de l’Ouest et bloc de gauche de l’Est se reportent massivement sur Emmanuel Macron 

Au premier tour, Emmanuel Macron avait déjà largement surperformé à Paris en obtenant 34,8% des voix soit près de 11 points de plus que sa moyenne nationale. Cette plus-value parisienne va connaître une inflation sans précédent au second tour puisque le futur président va être littéralement plébiscité en rassemblant 89,7% des suffrages, soit 24 points de plus que sur l’ensemble de la France. Un tel score signifie plusieurs choses. Il traduit tout d’abord un rejet quasi-total du FN à l’intérieur du périphérique (un peu moins sur ses bordures comme on l’a vu). Cela tient à la composition sociologique de la population parisienne dans laquelle les plus diplômés et les catégories supérieures, groupes les plus réfractaires au discours de Marine Le Pen, sont très nettement surreprésentés. Mais ce phénomène est considérablement amplifié par le climat d’opinion régnant à Paris. Le « consensus » ou les valeurs dominantes qui sont largement partagés par la population locale sont profondément hermétiques au frontisme et la prégnance de cette vision du monde est telle que même que les catégories qui habituellement sont plutôt enclines à voter FN ne le font pas ou le font moins sous l’effet de cette pression sociale. Pour un Parisien, notamment s’il habite dans les arrondissements centraux (93,4% en faveur d’Emmanuel Macron dans le 3ème arrondissement), il n’est pas envisageable de voter pour l’extrême-droite, cette option n’étant même pas concevable. Un tel niveau d’unanimisme est d’autant plus impressionnant qu’il concerne des masses électorales importantes. Ainsi par exemple dans le 11ème arrondissement, le vainqueur a recueilli 92,7% des voix ce qui représente pas moins de 62 500 électeurs contre seulement à peine 5000 pour Marine Le Pen, dont les électeurs sont quasiment statistiquement des anomalies dans ce territoire urbain. Cet unanimisme parisien (et métropolitain, Emmanuel Macron obtenant des scores également très élevés dans les grandes villes : 86,5% à Nantes, 84% à Lyon ou bien encore 83% à Toulouse) est d’autant plus impressionnant également qu’il s’inscrit dans un contexte national qui a vu Marine Le Pen obtenir près de 34% au second tour. Le découplage entre Paris et des pans entiers du territoire renseigne bien sur le fossé existant entre ces populations. 

On rappellera que le même phénomène a été observé lors de l’élection présidentielle américaine avec des scores tout aussi massifs pour Hillary Clinton dans les principales métropoles quand Donald Trump faisait un carton dans l’Amérique périphérique. 

Le vote en faveur d’Hillary Clinton dans les grandes agglomérations américaines 

Le score massif atteint par Emmanuel Macron dans la capitale et sa progression spectaculaire d’un tour à l’autre ne renseignent pas uniquement sur le climat d’opinion très particulier régnant à Paris par rapport au reste du pays. Ces indicateurs témoignent également de reports massifs en provenance de la gauche et de la droite. La carte suivante est des plus parlantes. Dans toute la partie centrale de Paris, de Montmartre au sud du 14ème arrondissement, la progression a été la plus limitée, sachant que ce terme est très relatif, puisqu’Emmanuel Macron a quand même gagné en moyenne de 44 à 52 points dans ces quartiers ! Ceci est assez logique puisque c’est précisément dans cette zone qu’il avait enregistré ses meilleurs résultats au premier tour, la marge de progression étant donc plus limitée. En revanche, les blocs de droite de l’Ouest et de gauche du Nord-Est ressortent très nettement en rouge foncé sur la carte. Dans la plupart de ces bureaux qui avaient massivement voté soit pour François Fillon soit pour Jean-Luc Mélenchon , le candidat d’En Marche! progresse de 60 à 70 points… La bascule a été nette et sans bavure et ces deux électorats, qui s’opposent habituellement frontalement, ont communié dans le front républicain.  

L’abstention et les votes blancs ou nuls ont certes nettement augmenté dans ces quartiers entre les deux tours mais cela n’a pas été de nature à affecter la puissance des reports, qui ont été spectaculaires. De la même façon, on constate à la lecture de la carte suivante que Marine Le Pen progresse dans les bureaux de vote de l’Ouest parisien, ce qui signifie qu’une partie de l’électorat de droite conservateur a opté pour elle. Mais ses gains sont sans commune mesure avec ceux de son rival. Elle progresse ainsi en moyenne de 7 à 15 points dans le 16ème arrondissement quand Emmanuel Macron y engrange 60 à 70 points de plus !

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