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Ces sujets curieusement oubliés par Ia droite alors qu'ils pourraient lui permettre d'afficher sa différence avec La République en Marche
©JACQUES DEMARTHON / AFP

Inspiration

Intégration, délinquance, communautarisme, terrorisme : autant de thèmes que seule la droite peut s'emparer. Le discours de François Baroin devant Les Républicains dimanche à Paris a peu porté ces questions. La droite doit, pour se reconstruire, trouver une cohérence dans son existence en tant que parti d'opposition.

Pierre Rigoulot

Pierre Rigoulot

Pierre Rigoulot est historien et directeur de l'Institut d'histoire sociale

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Atlantico : François Baroin lors du meeting des Républicains hier à Paris a tenu à faire passer un message de rassemblement. Il a également insisté sur les différences entre Les Républicains et La République En Marche, alors que plusieurs têtes du parti ont rejoint le gouvernement d'Edouard Philippe. Mais n'y a-t-il pas des sujets dont la droite oublie de parler et qui pourrait marquer au mieux cette différence ? ((intégration, insécurité du quotidien, immigration...). 

Pierre Rigoulot : Sans doute y a t il des observateurs grincheux pour parler de poudre aux yeux appelée à faire son effet le temps d’une campagne électorale, des politiciens méprisants pour parler d’inexpérience, des candidats battus aux présidentielles pour expliquer que La République en Marche est l’illustration de ce qu’ils avaient toujours dit sur "l’UMPS".

Je trouve personnellement très réussie la manœuvre d’Emmanuel Macron : la droite de la gauche, plus la gauche de la droite, plus le centre plus les écolos. Qui aurait cru cela possible il y a quelques mois ? Sans doute, le nouveau président a-t-il bénéficié de l’effet ravageur du système des primaires qui fait s’opposer des gens dont les différences n’empêchaient pas jusqu’ici de travailler ensemble dans le même cadre.

Tant mieux, après tout. Les choses sont plus claires ainsi : les libéraux type Juppé n’avaient pas grand chose à voir avec les étatistes type Sarkozy. De même, les social-libéraux, qu’on appelle aussi les pragmatistes, n’avaient au sein du PS, pas grand-chose à voir avec ceux qui n’ont pas renoncé à l’utopie marxisante.

Face à cette nouvelle donne, plusieurs réponses étaient possibles de la part de la droite :

- Minimiser les différences et rassurer l’électorat : les héritiers du gaullisme et du libéralisme ne sont pas si différents. La preuve ? La présence d’un Alain Juppé souriant participant au dernier meeting de la droite.

- Insister sur le caractère provisoire de la posture actuelle : quelques débauchages individuels à droite comme à gauche permettent de faire de La République en Marche un Parti attrape tout en vue des élections législatives des 11 et 18 juin.

Le problème est qu’En Marche n’a pas seulement réuni des femmes et des hommes de la droite, du centre et de la gauche : il a démonétisé les étiquettes politiques.

Restait donc à la droite de contrer ce bouleversement en revendiquant fièrement son appartenance politique. La droite, cela existe encore, et nous sommes fiers d’en être, etc. L’idée était bonne. A-t-elle cependant été développée suffisamment par François Baroin lors de son discours de campagne du Parc floral, le 20 mai dernier ? C’est moins sûr.

Sa défense de l’égalité de droit, complémentaire de sa critique de l’égalité effective, allait dans ce sens. C’est un des meilleurs passages de son discours. Mais que n’a-t-il poursuivi en défendant la liberté individuelle, valeur clé de la droite ? Pourquoi s’être drapé dans des formules toutes faites que ses adversaires auraient très bien pu lancer eux-mêmes ? Défendre "le flambeau du progrès et de l’avenir", comme il l’a proposé, et présenter ses militants comme "sensibles, attentifs, ouverts, généreux", est-ce là des marques de reconnaissance de la droite et des raisons de fierté qui lui soit propre ? "Défendre le travail" permet-il à la droite de se positionner clairement face à un gouvernement qui veut rapidement modifier le code du travail et dont le candidat n’a cessé de prôner cette valeur au cours de sa campagne ?

Sans doute peut-on comprendre la valeur des critiques qui sont faites à l’exonération de la taxe d’habitation, la pertinence du projet de baisse de 10% de l’impôt sur le revenu et la défiscalisation des heures supplémentaires. Mais à qui fera-t-on croire qu’il s’agit de mesures discriminantes qui permettront à la droite d’affirmer son identité face à un mouvement présidentiel dont elle juge vague et imprécise l’identité politique ? Proposer 16 000 places supplémentaires de prison alors que le gouvernement se propose d’en créer 15 000 peut-il vraiment aider la droite à donner d’elle-même aux électeurs une image différente et attrayante ? On frôle le ridicule.

François Baroin a semblé hésiter : tantôt En Marche est présenté comme "un pavillon de complaisance qui recouvre toutes sortes de marchandises", tantôt comme lié à un seul parti et donc voué à "pencher à gauche".

On n’est enfin pas peu surpris de constater que les différences, possibles ou réelles, entre la droite et le gouvernement actuel, ne sont pas mises en avant. Comment se fait-il que la question de l’immigration, celle de l’intégration des immigrés et celle de la sécurité au quotidien des Français ne fassent pas plus l’objet de réflexions et de propositions de la droite ? Il ne s’agit pas de "coller" au programme de Mme Le Pen, d’autant que les Français ont montré à son égard, des réticences évidentes. Ni de faire à Emmanuel Macron des procès d’intention. En politique, il ne s’agit pas seulement de dire les choses, d’avancer un programme, mais de tenir compte de ce qui peut être accepté sans trop de difficultés à un moment donner.

On pouvait s’attendre pourtant à ce que, sur certains thèmes qui préoccupent les Français, la droite marque sa différence sur l’immigration, les dangers du communautarisme, la lutte contre l’islamisme radical et l’insécurité quotidienne. Pourquoi ne parle-t-elle pas davantage de maîtrise des flux migratoires ? De quotas ? De refus des sans papiers. D’acceptation de migrants mais avec l’exigence, non pas d’assimilation, mais d’intégration, et préalablement d’un engagement au respect de nos lois et de notre mode de vie sous menace de renvoi ?

Sur la question de l’intégration, quel silence aussi ! Emmanuel Macron a déclaré un jour qu’il n’y avait pas une culture française mais des cultures en France. Peut-être ne faisait-il qu’un constat et n’énonçait pas son programme. Ne serait-ce pas de toutes façons le rôle de la droite de rappeler – cela n’a rien à voir avec le chauvinisme – l’existence de caractères culturels nationaux faute desquels on sera bien incapable de proposer un cadre à l’intégration de toute une jeunesse insatisfaite issue de l’immigration ?

Comment éviter aussi que des islamistes radicaux recrutent dans ce vivier ? La droite ne pas dit grand chose non plus sur ce plan. Emmanuel Macron et sa ministre de l’armée viennent de montrer au Mali leur attachement à la lutte internationale contre le terrorisme. Mais peut-on, sans stigmatiser l’islam bien sûr, souhaiter de sa part que soit mieux cernée et même nommée l’origine de ce terrorisme, de fanatisme et de cet extrémisme ? De quoi la droite a-t-elle peur en ne demandant pas que cela soit fait ?

Même sur le thème de la délinquance, la droite pouvait marquer sereinement sa différence. La délinquance existe, même si on la baptise comme pour la minimiser "incivilité". Faut-il lui opposer une tolérance zéro ? Pourquoi pas ? Mais il faut dire alors jusqu’où est-on prêt d’aller à l’égard des dealers, des fraudeurs ou des voleurs dans les transports en commun des villes comme des auteurs de larcins en zone rurale.

Autant de thèmes que la droite pourrait développer, préciser. On ne manque pas de centres de recherches et de think tanks en France pour aider nos politiques sur ces sujets. Que ne les met-elle au travail ?

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