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Les deux droites Wauquiez/Juppé peuvent-elles se permettre de divorcer si elles veulent accéder au pouvoir ?
©Thierry Zoccolan / AFP

Familles recomposées

Invité dans l'émission politique sur France 2 jeudi 18 mai, Jean-François Coppé avait déclaré que selon lui, il n’y a plus rien en commun entre les deux infinis Alain Juppé et Laurent Wauquiez. Pour autant, la droite pourrait perdre gros si elle décidait de divorcer.

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Sociologiquement et géographiquement, comment se compose le vote d'Juppé et le vote Wauquiez ? Il y-a-il encore des intérêts communs entre ces deux droties ? 

Jérôme Fourquet : Ce n'est pas évident car le vote Wauquiez ne s'est jamais matérialisé pour le moment. Il n'a pas encore été mis en scène. On peut s'appuyer en partie sur le vote Sarkozy et Fillon. 

La carte du vote Juppé est géographiquement assez porche de celle du vote Macron. C’est-à-dire que ce sont les les territoires les moins fragilisés et qui s'en sortent le mieux. Les grandes métropoles et les départements ou régions plutôt situées sur la façade atlantique du pays. On est sur un courant qui se structure pour ses considérations économiques et aussi sur les racines plus anciennes du courant de la droite modérée, centriste, (ouest de la France alsace, grande métropole). Tout cela convergeant sur ce que l'on pourrait appeler la France du oui (cf 1992 et 2005). C'est plutôt cette droite qui est aujourd'hui la droite Juppé. Donc une partie a voulu tenter l'aventure derrière Emmanuel Macron et une autre composante a décidé de rester dans la maison de Républicains. Pour combien de temps, on ne le sait pas. 

En face on a une droite plus conservatrice, plus sensible aux aspects identitaires, qui va se recruter d'une manière un peu plus importante car on en retrouve un peu partout sur le territoire, dans ce que l'on va appeler la France du non, plutôt les petites villes et les villes moyennes et plutôt la France du sud-est et du nord est. 

Sociologiquement, ni la droite centriste pro européenne et libérale, ni la droite majoritaire et conservatrice n’ont vraiment les moyens d’espérer se faire élire seules au niveau national. Est-il juste d'affirmer que ces deux droites sont minoritaires si elles ne parviennent pas à s’unir, et peuvent former un bloc majoritaire si elles y parviennent ?

C'est compliqué, en tout cas la première affirmation est sans ambigüité. On a vu qu'en 2012 la droite avait perdu et qu'en 2017 également alors qu'elle partait plutôt rassemblée et unie à la bataille. 

C'est toute la manœuvre habile de l'équipe Macron. Essayer de fracturer cette droite en en captant une partie et en plaçant ceux qui sont restés fidèles dans un choix cornélien. Finalement, soit on est dans l'opposition sans concessions, soit on fait preuve de pragmatisme et on soutient certaines des réforme que le gouvernement va porter (pour certaines nos électeurs els attendent). Cette réactivation du clivage interne à la droite engendré par le paysage politique totalement recomposé qui est en train de se dessiner, est quelque chose qui est de nature à interdire à la droite l'accès au pouvoir pendant une longue période. Du moins si la droite ne trouve pas les moyens de se rassembler. 

La solution pourrait être de divorcer et de se remarier. Mais alors qui prendrait la main ? Des juppéistes fondus chez les macroniens ou un Laurent Wauquiez "remarié" avec une droite hors les murs ou avec Nicolas Dupont AIGNANT et une partie du FN serait-il envisageable ?

Pour le premier mariage entre Juppé et Macron, les bancs de noces sont déjà publiés. Edouard Philippe est à Matignon, M Le Maire est à Bercy et plusieurs élus locaux (plusieurs dizaines) ont appelé à accepter la main tendue par Emmanuel Macron. Donc toute la question est de savoir si cette hémorragie et ces départs assez nombreux se poursuivent et quelle est l'ampleur des dégâts causés dans les rangs de la majorité. En tout cas beaucoup de gens  sont disponibles et enclins à se marier et cela fait partie de la stratégie d'Emmanuel Macron qui sera content de les intégrer à sa majorité.

De l'autre côté c'est moins évident. On a en tête l'interview de Marion Maréchal le Pen pour Valeurs Actuelles lorsqu'elle disait que le FN serait amené tôt ou tard à travailler avec Laurent Wauquiez. Tout cela existe bel et bien. 

Pour autant je ne suis pas convaincu que l'union de toutes ces droites soit pour demain. Pour plusieurs raisons : 

Laurent Wauquiez et d'autres cherchent à exercer le pouvoir en étant la partie centrale et majoritaire de la coalition qui arrivera à l'emporter. Or si aujourd'hui la droite était fracturée en deux ou en trois, la composante la plus droitière qui pourrait aller vers le front aujourd'hui pèserait peut être 10 ou 15%. Ce qui veut dire que le Front National serait la formation dominante est majoritaire. Donc ce n'est pas évident de ce point de vu là que la droite accepte. 

Car jusque-là, les alliances qu'avait tentées la droite consistaient en des alliances qui se servaient du FN pour être élu. Là on est dans une configuration qui pourrait être inversé. C'est à dire on se rallie au FN qui va être la force dominante et structurante de cette coalition. Ce n'est pas du tout pareil et cela fait réfléchir à deux fois les leaders de droite qui veulent exercer les hautes responsabilités. 

Une autre raison qui explique le fait que cette alliance ne soit pas pour demain c'est l'actuel échec qu'a constitué le rapprochement entre NDA et le FN. On voit que le mouvement de Nicolas Dupont-Aignan a été fortement déstabilisé par tout cela (beaucoup de cadres sont partis). Cette alliance, à peine était-elle signée qu'elle a été contournée puisque les deux formations politiques présenteront des candidats l'un contre l'autre dans quasiment toutes les circonscriptions. 

Donc tout cela mis bout à bout à mon avis fait réfléchir toute une partie de la droite qui serait tentée par une alliance. Elle risquerait d'y perdre son âme sans forcément sortir gagnante d'une élection. 

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