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L'aviation américaine tire sur des fuyards djihadistes à proximité de Raqqa et met une fois de plus le bazar
©DELIL SOULEIMAN / AFP

En plein dans le dos !

Alors qu'une bataille avait été remportée par les FDS, l'aviation américaine est venue "terminer" le travail et a abattu les djihadistes qui fuyaient. Pas très digne, mais c'est la guerre. Le problème, c'est surtout que cela risque de jeter de l'huile sur le feu djihadiste.

Alain Rodier

Alain Rodier

Alain Rodier, ancien officier supérieur au sein des services de renseignement français, est directeur adjoint du Centre français de recherche sur le renseignement (CF2R). Il est particulièrement chargé de suivre le terrorisme d’origine islamique et la criminalité organisée.

Son dernier livre : Face à face Téhéran - Riyad. Vers la guerre ?, Histoire et collections, 2018.

 

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Les Forces démocratiques syriennes (FDS) composées majoritairement de troupes kurdes du YPG (Unités de protection du peuple) ont remporté une grande victoire au début mai en s’emparant successivement de l’aéroport, du barrage et enfin de la ville de Tabqa située à une quarantaine de kilomètres à l’ouest de Raqqa, la « capitale » du proto Etat Islamique. Cette prise était vitale avant de lancer l’assaut sur Raqqa car Daech pouvait à tout moment saboter le barrage et provoquer une véritable catastrophe humanitaire.

Les FDS ne sont parvenues à enlever le morceau grâce à l’aide logistique et à l’appui aérien massif assurés par les Américains. Afin d’épargner quelques vies et prendre le barrage intact, les FDS ont négocié avec les derniers défenseurs salafiste-djihadistes de Tabqa leur évacuation dans la mesure ils abandonnaient les armes lourdes (mais gardaient leurs armes individuelles) et qu’ils retiraient toutes les charges explosives placées sur le barrage. Ce type d’accord est relativement fréquent en Syrie. Cela permet d’abréger la durée des combats et parfois de soulager les populations civiles qui se retrouvent prises entre deux feux. C’est ainsi qu’environ 70 activistes rebelles ont été autorisés à évacuer sans dommages leurs positions abandonnant le terrain aux FDS.

Le problème est que l’aviation américaine qui a repéré les fuyards - il aurait été difficile de faire autrement - s’est empressée de les bombarder afin de neutraliser un maximum d’activistes. S’il est bien clair qu’aucune loi de la guerre n’a été violée - et les salafiste-djihadistes non seulement n’en respectent strictement aucune mais, pire encore, ils s’en affranchissent volontairement pour terroriser leurs ennemis -, l’action est pour le moins maladroite car elle hypothèque toute « négociation » qui pourrait avoir lieu sur le terrain dans l’avenir. A savoir que Daech risque de refuser tout accord local en n’accordant aucune confiance à leurs interlocuteurs.

Selon des porte-parole de l’armée américaine « nous n’étions pas au courant de cet accord […] lorsque nous repérons des combattants sur le champ de bataille et avons l’occasion de les frapper sans occasionner de pertes civiles, nous le faisons […] Les États-Unis respectent les usages de la guerre et la convention de Genève, et ne tireront pas par exemple sur des combattants agitant des drapeaux blancs pour se rendre ». 

Il n’en reste pas moins qu’un sentiment de malaise vis-à-vis de l’attitude des Américains (si prompts à donner des leçons de morale) persiste. Il est vraisemblable que ce bombardement ait été décidé localement sans en référer à une autorité supérieure à Washington car cela nuit à l’efficacité opérationnelle sur le terrain. Il convient en effet de réagir vite à toute opportunité qui se présente. Mais est-il réaliste de croire que les Américains ne suivaient pas les mouvements de la colonne de Daech depuis son départ de Tabqa et qu’ils ont profité de la belle occasion qui leur était offerte de mettre hors d’état de nuire des activistes représentant une menace potentielle future ?

En conclusion, pour les nombreux fanatiques des interventions armées extérieures qualifiées au début du siècle dernier de « politique de la canonnière », cela rappelle que la guerre est une horreur sans nom. Et pour le public qui applaudit les très esthétiques départs de coups d'artillerie ou les bombardements filmés comme des jeux vidéos, il est utile de lui dire que l'on ne lui montre jamais les résultats de ces frappes car les images sont insoutenables. La guerre, on ne la fait que quand il n'y a pas d'autre solution. Il est vrai que pour Daech et Al-Qaida, nous n'avons pas le choix.

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