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Comment nommer un gouvernement et autres menus actes de pouvoir à l'heure de la télé-réalité politique
©Reuters

Taxi 12, starring Edouard Philippe

La surmédiatisation politique, à travers la multiplication des chaînes d'information en direct et des réseaux sociaux notamment, a profondément changé la pratique politique, notamment dans son rapport au secret.

Frédéric  Monier

Frédéric Monier

Frédéric Monier est historien et professeur à l'université d'Avignon.

Spécialiste de l'histoire politique contemporaine française et européenne et de l'histoire du secret, il est l'auteur de nombreux ouvrages dont Le complot dans la République. Stratégies du secret de Boulanger à la Cagoule (La Découverte, 1998) ou Corruption et politique : rien de nouveau ? (A. Colin, 2011).

Il participe par ailleurs à un site web consacré à l'histoire de la corruption politique en France et en Allemagne à l'époque contemporaine.

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Atlantico : Comment peut-on qualifier le lien qui unit la politique à la notion de "secret" ? 

Frédéric Monier Les Lumières en France ont contribué à distinguer une sphère publique de discussion et une sphère privée à laquelle chaque citoyen a droit. Nous avons ainsi tendance à raisonner de façon binaire, avec un pouvoir dont la légitimité ne serait pas liée au secret, mais bien à la discussion publique, et la sphère privée. Dans cette conception, la part réservée au pouvoir n'est pas la plus légitime. Ce partage a évolué depuis les années 1980/1990, moment à partir duquel on peut noter une défiance à l'égard du secret : on est ainsi passé d'une culture qui estimait le secret nécessaire – quoi que peu légitime – dans la pratique du pouvoir à une culture placée sous le signe de la transparence et où le partage entre public et privé, débat légitime et discussions secrètes, a été profondément reconfiguré. 

Quel est l'impact de la surmédiatisation (caméras, chaînes d'information, réseaux sociaux, etc.) sur la nature même de la politique et sa pratique ? 

Plusieurs éléments viennent expliquer la situation actuelle, où le secret paraît mis à mal en politique. Il y a effectivement quelque chose du côté des technologies de l'information et de la communication. Les choses changent à partir du moment où il est désormais possible d'utiliser son téléphone portable durant la réunion d'un bureau politique, ce qui peut permettre de diffuser ce que l'on veut, y compris des rumeurs. Ces nouvelles technologies apportent ainsi de nouveaux moyens de révéler l'information.

D'autres phénomènes contribuent à expliquer à la suspicion à l'égard du secret politique, parmi lesquels des phénomènes culturels. Tout indique que l'on a affaire, en Europe occidentale et surtout en France, à des effets différés de Mai 68. À partir du moment où ces événements ont remis en cause un certain nombre d'autorités traditionnelles, de déférence à l'égard de ceux qui les incarnent, il y a alors possibilité de remise en cause, suspicion à l'égard des hommes politiques, et plus largement de toute forme d'autorité instituée.

Enfin, il y a un mouvement intellectuel, dans la manière de gouverner, qui tient au renouveau du libéralisme s'affirmant à partir des années 1980/1990. Ce nouveau libéralisme passe par une critique des régulations sociales et économiques qui existaient auparavant, posant comme principe que la meilleure régulation consiste désormais à révéler, à dire, avec cette idée selon laquelle tout ce qui est connu du grand public permet d'éviter toute forme de dérive.

Ce nouveau rapport au secret modifie profondément la pratique de la politique. Le secret demeure, mais un secret désormais "publicisé". Ainsi dimanche, lors de la passation de pouvoir entre François Hollande et Emmanuel Macron, il y a eu un moment où, de manière rituelle et nécessaire, le président sortant a transmis les codes de déclenchement de l'arme nucléaire au nouveau président. Tout le monde sait que cela a lieu à ce moment précis, qui est présent, où la scène s'est déroulée, et même quasiment ce qu'ils ont pu se dire, mais l'information en elle-même reste secrète. On est là dans la surmédiatisation d'un secret ritualisé, ce qui aurait été inimaginable auparavant.

La mise en œuvre de la transparence dans l'agenda des politiques passe par le déploiement d'un personnel particulier, des contacts différents avec les journalistes, puis une réflexion et une pratique compliquée de tout ce qu'on médiatise avec un effet stratégique à moyen ou long terme. Ceci a pris une place considérable dans la conception du pouvoir. Les conseillers en communication ont pour fonction de trouver des compromis réalisables entre la culture de la transparence et la nécessité du secret en politique liée à la nature même de cette dernière. 

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