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Une campagne qui prône le rejet plus que le projet
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EDITORIAL

Au lieu de s’envoler, la campagne s’enlise dans les insultes, le dénigrement, les petites phrases, les vrais faux sujets. La crise n'est pas seulement économique, elle est aussi politique. Aux propositions concrètes, on préfère les boucs émissaires.

Alain Renaudin

Alain Renaudin

Alain Renaudin dirige le cabinet "NewCorp Conseil" qu'il a créé, sur la base d'une double expérience en tant que dirigeant d’institut de sondage, l’Ifop, et d’agence de communication au sein de DDB Groupe.

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Nos candidats ont rendez-vous avec le peuple, c’est cette fameuse rencontre du suffrage universel entre un homme ou une femme et un pays, mais ont-ils rendez-vous avec l’histoire ?

Nous vivons une époque de mutation, qui doit se ré-inventer, et ceci collectivement. Et pourtant, au moment de cette nécessité absolue de dynamique collective et de projet commun, la tendance est au communautarisme, à l'opposition stérile des uns contre les autres. La crise est globale, mais surtout, si le sens du mot crise est celui d'une période provisoire, cette crise n'en est pas une, elle dure depuis trop longtemps.

Ceux qui ont quarante ans aujourd'hui ont toujours connu la crise. Alors bien sur il y a des pics, comme en 2008, mais ce mot crise est un compagnon de route pour une bonne partie de la génération active actuelle, qui aspire à en sortir, à s'ouvrir se nouveaux horizons, pas à ressasser le passé. Si on considère une situation de crise comme la période au cours de laquelle on quitte un paradigme avant d'avoir trouvé le suivant, alors nous sommes bien dans cette période de mutation. Et ce dont souffre cette période de mutation, c'est l'inertie. La quête du Graal au lieu de se tourner vers l'avenir est une quête de préservation du passé.

Cette quête en avant devrait être celle des idées nouvelles, de la libération des initiatives, des encouragements. Pourtant, l'indignation n'a pas encouragé l'action, mais la dénonciation. 

Les musulmans et leur viande halal, l'euro, l'Europe, les fraudeurs, la mondialisation, les assistés. Et bien sûr en place de choix sur la plus haute marche du pilori public, la finance et les banquiers, qui sont devenus des professions honteuses, la syphilis de la classe active, comme nous l'indique d'ailleurs la publicité du Crédit Mutuel : « Tu nous le dirais si t’étais banquier ».

Accuser l’autre de tous les maux, c’est avouer être en panne de solution. Alors la crise est aussi politique, mais une crise schizophrénique où s'expriment à la fois une remise en cause des élites, du "pouvoir" (parfois auto-remis en cause par lui-même, par une classe politique qui pratique dans la vitrine de ses joutes puériles son propre autodafé collectif), mais simultanément une forte attente, une recherche de solutions, sans doute de solutions miracles, c'est à dire une attente désabusée. Alors à défaut de solutions, on identifie les problèmes et les boucs-émissaires, nous savons grâce à qui nous avons des problèmes, nous ne savons pas grâce à qui nous aurons des solutions. 

Ce qui donne lieu à une campagne populiste, électoraliste, de dénigrements médiatiques quand simultanément tout le monde en appelle à la dignité, à se placer au dessus de la mêlée, à se montrer à la hauteur de la situation. Nous sommes pourtant appelés tous les jours à nous détester mutuellement. Cette campagne n'est pas une campagne de projet mais une campagne de rejet, initiée dans l'anti-sarkozysme, elle fait régner le contre sur le pour.

Il faut maintenant taxer les très riches à 75%, avant qu’ils ne s’échappent, « ces salauds de riches, anti-patriotes ». On savait qu'il ne fallait pas tirer sur les ambulances, il ne faut pas non plus tirer sur les locomotives. Le souhait d'entreprendre, la soif de réussite, le succès, l'esprit d'initiative, qui, parfois, mais marginalement, se traduisent en fortune, sont des locomotives. Un train sans locomotive, qu'elle soit politique, économique, culturelle, sportive ... est un train qui ne va nulle part.

Il faut bien sur que ces réussites respectent des règles d'éthique et de déontologie, justement pour être entraînantes, exemplaires, positivement enviées, mais décourager la réussite, c'est aussi décourager les tentatives de réussite, et celles-ci sont plus nombreuses que les premières. Qui sera le prochain bouc-émissaire sur l'échafaud de la campagne ? Le « suivant », disait Jacques Brel. La croissance c’est comme la confiture, moins on en a plus on cherche à l'étaler. Partager c'est bien, créer c'est encore mieux, et surtout plus pérenne.

Le manque de projet, de solutions nouvelles, d'envie, c'est le risque d'abstention, le risque d'une élection sans électeurs, d'un Président sans élan, d'une locomotive sans wagons, donc d'un train sans voyageurs.

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