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FN, cette vérité dérangeante qu’on n’ose pas voir
©Reuters

Ouvrons les yeux

Pour la deuxième fois en quinze ans, le FN est au deuxième tour de la présidentielle. Une situation qui s'explique par le fait que nous sommes tous coupés du peuple, de la réalité et de la vie.

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely

Bertrand Vergely est philosophe et théologien.

Il est l'auteur de plusieurs livres dont La Mort interdite (J.-C. Lattès, 2001) ou Une vie pour se mettre au monde (Carnet Nord, 2010), La tentation de l'Homme-Dieu (Le Passeur Editeur, 2015).

 

 

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Il y a de bonnes raisons de s’opposer au Front national. Toutefois, comment ne pas être gêné par l’opposition dont il fait l’objet ?

Dans la forme d’abord. Les adversaires du FN disent que ce parti manipule haine, peur et division. Soit. Mais eux-mêmes, quand ils parlent, s’entendent-ils ? Leur rejet viscéral du FN n’est-il pas plein de haine et de peur en divisant la France entre pro et anti-FN ? La gauche appelle à faire barrage au FN. Mais, dans la montée de celui-ci, n’a-t-elle pas une lourde responsabilité ? Quand, pour conquérir le pouvoir, elle fait tout pour cliver un pays comme la France à travers une guerre idéologique incessante, est-il étonnant, qu’en retour, un courant d’opposition se crée ? Et en proposant maintenant une croisade contre cette opposition, ne remet-elle pas de l’huile sur le feu ? À cet égard, l’opposition du FN à l’Europe n’est-elle pas révélatrice ? Quand, comme cela s’est passé en 2005, alors que le peuple consulté par référendum, refuse la Constitution européenne, le gouvernement français  décide de passer outre en utilisant des détours rusés pour l’imposer quand même, celui-ci ne fait-il pas tout pour faire détester l’Europe ?

Quant au fond, le programme du FN est taxé de délirant, n’a-t-on pas la mémoire un peu courte ? Le retour à la retraite à soixante ans, la lutte contre la finance internationale que défend le FN, qui a proposé ces projets ? François Hollande, président de la République socialiste, en 2012. La hausse des minima sociaux ainsi que du Smic, la suppression de la loi El Khomri, avancés comme mesures par le FN, qui les revendique ? Jean Luc Mélenchon, leader de la France insoumise, classée à l’ultragauche. Le patriotisme économique voulu par le FN, qui le souhaite ? Arnaud Montebourg, ministre des Finances socialiste. Expliquer, comme le répète le FN, que la France ne peut pas accueillir toute la misère du monde, qui l’a dit il y a quelques années déjà ? Michel Rocard, Premier ministre socialiste. La fermeture des mosquées salafistes, l’évacuation des camps de Roms, la déchéance de nationalité pour les terroristes réclamées par le FN, qui en a pris l’initiative concrètement ? Manuel Valls, ministre de l’Intérieur socialiste. 

Le FN déclare être antisystème et anti-élite. Avec la fulgurante ascension d’Emmanuel Macron, ne fait-on pas tout pour qu’il le devienne ? En général, quand un homme politique se présente à la présidence de la République, il a derrière lui un passé d’élu témoignant d’une légitimité populaire, ainsi qu’un parti qui le soutient. Or, avec Emmanuel Macron, à quoi assistons-nous ? Brillant sujet, personne ne dira le contraire, après avoir travaillé dans la banque et été secrétaire général de l’Élysée, voilà que soudain il devient ministre des Finances de François Hollande, avant de décider d’être président de la République et de voir affluer vers lui, comme par magie argent, soutiens et ralliements multiples. En outre, autre miracle, l’affaire Fillon qui vient éliminer le seul adversaire qui aurait pu l’inquiéter au second tour. En 2002, Jacques Chirac a été élu avec 80% des voix grâce à la présence surprise de Jean-Marie Le Pen au second tour. Si Emmanuel Macron est élu, tout n’aura-t-il pas été orchestré de main de maître pour que ce même scénario se répète ? Face à ce chef d’œuvre de manipulation politique, comment ne pas avoir l’impression que la politique relève d’un système passé maître en matière de manipulation ? Et comment ne pas être acculé à un vote protestataire, quand on refuse d’y souscrire ?

Enfin, le FN est accusé de repli identitaire. Une fois encore, une fois de plus, n’a-t-on pas tout fait pour qu’il en arrive là ? Depuis Mai 68, quel a été le discours dominant en matière politique, morale, philosophique, artistique et culturelle ? Le discours passant son temps à faire honte aux notions d’identité, de sens et de principes sous prétexte d’exalter l’ouverture, l’autre, la différence et les marges. Aucune vie ne pouvant se passer d’identité, de principe et de sens, quand on humilie celles-ci, est-il étonnant qu’elles se vengent ? Le FN est accusé de démagogie. Mais le programme de Benoît Hamon  proposant allocation universelle, dépénalisation du cannabis, PMA pour tous les couples de femmes et euthanasie, qu’est-il donc sinon une caresse dans le sens du poil adressée aux ados et aux bobos ? On s’étonne que des ouvriers et des paysans, qui votaient traditionnellement à gauche, votent maintenant à l’extrême droite. Quel ouvrier, quel paysan va se reconnaître dans un programme qui, pour tout avenir, propose l’assistanat généralisé, l’explosion de la famille, la drogue et le suicide ?

Il faudra un jour que notre société ouvre les yeux sur elle-même. Pourquoi, pour la deuxième fois en quinze ans, un parti d’extrême droite arrive-t-il au second tour d’une élection présidentielle en France ? Parce que ce parti nous renvoie à une vérité cruelle que nous n’osons pas regarder en face. La gauche, la droite, la classe politique, la société, nous tous en général, depuis un certain nombre d’années, nous sommes coupés du peuple, de la réalité et de la vie. Ceux qui ont voté pour Marine Le Pen et qui vont voter pour elle ne sont pas des fascistes. Ce sont des ouvriers, des paysans, des gens simples et, parmi eux, des travailleurs pauvres et des laissés pour compte de la postmodernité. Face à la mondialisation et à sa violence, face au terrorisme, face à la solitude morale et spirituelle de notre monde il y avait un langage qui donne force et confiance à tenir. Non seulement ce langage n’a pas été tenu, mais il continue de ne pas l’être. Parce qu’on n’a rien compris et que l’on continue à ne rien comprendre. Le FN qui fait peur aujourd’hui, c’est nous qui l’avons fabriqué. En faisant bêtement  honte aux notions d’identité et de sécurité au lieu de les penser.  En préférant diaboliser le FN plutôt que de nous interroger sur notre propre responsabilité dans son existence. 

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