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Comment la gauche social-libérale est devenue l'idiote utile des excès de la mondialisation
©Pixabay

Reborn

Alors que les questions actuelles qui occupent la gauche sont principalement axées autour de la stratégie politique et des accords électoraux, au cours des mois à venir, celle ci ne pourra faire l'impasse sur son avenir idéologique.

Sylvain Boulouque

Sylvain Boulouque

Sylvain Boulouque est historien, spécialiste du communisme, de l'anarchisme, du syndicalisme et de l'extrême gauche. Il est l'auteur de Mensonges en gilet jaune : Quand les réseaux sociaux et les bobards d'État font l'histoire (Serge Safran éditeur) ou bien encore de La gauche radicale : liens, lieux et luttes (2012-2017), à la Fondapol (Fondation pour l'innovation politique). 

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Comment expliquer le processus de balkanistation actuelle de la gauche, sur la base de divisions plus ou moins légitimes sur le plan des idées, peut-on parler d'une forme d'immaturité politique à ce sujet ? Alors que la gauche est en voie d'explosion, comment celle ci pourrait elle se réinventer sur le terrain idéologique ?  Quelles sont les questions que la gauche doit se poser pour parvenir à reconnecter aux problématiques actuelles ?

Sylvain Boulouque : L'explosion de la gauche n'est que la résultante de cultures politiques des gauches dans la mesure où nous avons deux voire trois gauches qui existent. La première est la gauche "gouvernementale", qui s'adapte aux transformations du monde actuel quitte à abandonner une partie de son corpus idéologique. La deuxième gauche, que l'on pourrait qualifier de "social-démocrate", est prête à gouverner mais pas à perdre une partie de son âme. C'est celle des frondeurs, incarnée par Benoît Hamon, qui ne veulent pas renier les principes qui les ont fait élire. Enfin, la troisième gauche est la gauche plus radicale. Elle peut être rejoint par la gauche social-démocrate, mais cherche à transformer le système de fond en comble. Ce qu'il s'est passé, c'est qu'une partie de la gauche sociale-démocrate a voté pour la gauche radicale pour exprimer son mécontentement de la gauche gouvernementale. Le paradoxe, c'est que le candidat social-démocrate qui se présentait était en rupture avec la gauche gouvernementale. 

Alors qu'une frange de la gauche s'était récemment convertie à une forme de libéralisme, ce courant "social libéral" semble se comporter aujourd’hui avec la ferveur du converti, alors que le l'économie mondiale, elle aussi, pu évoluer au cours de ces dernières années. N'y a t il pas un temps de retard idéologique sur cette question ? Quels sont les moyens, pour cette gauche, de se réinsérer dans un monde actuel, qui semble mettre à mal les théories développées au cours des ces dernières années ?

Sylvain Boulouque : En France, certainement. Dans la mesure où les principaux responsables socialistes n'ont pas pensé suffisamment tôt la mondialisation. Maintenant qu'ils le font, le problème est qu'ils n'ont pas pensé à la réforme du système que cette dernière entraîne, avec la contestation qui l'accompagne. Du coup, il y a effectivement un retard idéologique. Deuxièmement, il manque à la gauche ce qui pourtant était sa raison d'être pendant très longtemps : l'internationalisme. Il y a eu très peu de discussion sur l'international sur les dirigeants de la gauche social-démocrate (voire social-libérale) ces dernières années, alors que c'est ce moment-là qu'on aurait dû penser ensemble, à travers le monde, aux modes de régulation de l'économie. Il y a donc un manque idéologique – par paresse intellectuelle ou défaut de réflexion – qui fait que la gauche a un retard sur l'analyse du monde. Le problème est qu'elle ne propose pas de solutions alternatives. Jusqu'ici, les modèles idéologiques qui ont fait vivre la gauche étaient de dimension utopique. Mais ceux-ci aillant disparus, la gauche ne propose plus que de la gestion quotidienne en se contentant de mettre du "mercurochrome sur les bobos trop importants de la mondialisation". 

Aux Etats Unis, Bernie Sanders prône une "démocratie socialiste", alors que le linguiste Noam Chomsky qualifiait le candidat démocrate comme étant plutôt un "New dealer" en référence aux politiques de F.D.Roosevelt. Quel pourrait être l'avenir idéologique de cette gauche de la gauche française ?

Sylvain Boulouque : cela renvoie au débat entre plusieurs figures de la gauche américaine, Noam Chomsky incarnant une forme traditionnelle et Bernie Sanders se revendiquant plus d'un modèle Rooseveltien de relance de l'économie par de grands travaux. On est dans un processus classique de social-démocratie, voire "à l'ancienne". Ce débat, on le retrouve en France entre deux partis de la gauche, avec d'un côté une branche plus traditionnelle dans son discours, analogue à Chomsky en disant qu'il faut tout transformer de fond en comble, et accusant les grands sociaux-démocrates d'être uniquement des "gestionnaires de capital". Du coup, on se retrouve toujours avec le même cas de figure qu'au début : on a deux, voire trois gauches. Une contestatrice, une social-démocrate et une gauche gestionnaire qui va non plus tenter de transformer la société, mais au contraire s'y adapter. On est dans processus inverse : la gauche ne réforme plus la mondialisation ; c'est la mondialisation qui réforme la gauche. 

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