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Macron / Le Pen : le 2d tour sera aussi un choix économique (et pas forcément en blanc ou noir)
©AFP

Et maintenant ?

Gare aux idées reçues ! Ce premier tour des élections présidentielles est plein d'enseignements importants pour l'avenir, au plan économique notamment.

Jean-Yves Archer

Jean-Yves Archer

Jean-Yves ARCHER est économiste, membre de la SEP (Société d’Économie Politique), profession libérale depuis 34 ans et ancien de l’ENA

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L'envolée nationaliste

Tout d'abord, il confirme l'exaspération des Françaises et des Français en plaçant Madame Le Pen au second tour et en gommant les traditionnels partis de droite et de gauche. Le message est très clair. Inutile de croire à l'accident démocratique là où il y a une progression continue et dynamique.

Il y a déjà longtemps ( lors de l'émission " l'Heure de Vérité " sur France 2 en 1984 ) un certain Laurent Fabius avait déclaré : " Le Front National pose les bonnes questions mais apporte de mauvaises réponses ".

Depuis plus de 30 ans, droite et gauche confondues ont joué avec les manettes du Pouvoir ( et avec ses avantages tangibles ) davantage qu'ils n'ont dressé un audit sérieux de la situation afin de tenter de remédier aux maux dont nous souffrons.

Que de médecins bavards loin de la rigueur féconde d'un Raymond Barre ! Que d'approximations en matière de politique économique !

Le quinquennat qui s'achève est une triste illustration de l'incompétence de l'Exécutif. Il suffit de prendre un bilan chiffré sur plusieurs items : chômage, dette, pression fiscale, etc. Nous vivons donc clairement dans un pays anxiogène : insécurités économique et publique se conjuguent et font de nous un peuple qui craint pour l'avenir de ses enfants. Des millions de votants viennent de confirmer, dans l'isoloir, ces peurs économiques et sociales.

La grande vague des déçus de ce premier tour

Au plan électoral et arithmétique le premier tour vient confirmer que l'addition des abstentionnistes ( 23,6 % ) et des votes lourdement protestataires ( Arthaud, Poutou, Mélenchon soit plus de 25 % ) représentent un poids très significatif. 

Pour être direct, près de quatre Français sur cinq ne sera pas en phase avec le futur(e) élu(e) du 7 mai à venir. Sans compter les partisans du candidat-opposant du deuxième tour qui viendront accentuer la vigueur de ce taux de déception.

Une fois de plus, le Chef de l'Etat aura pour socle électoral initial un peu moins de 25% de nos concitoyens.

Où est la coalition pour gouverner avec brio ?

Au plan économique, cela a un sens car notre pays est confronté à des défis (chômage de masse, niveau de l'école, compétitivité, dette publique ) qui suppose ce que les sociologues appellent le " consensus sociétal minimum ". (http://www.linguee.fr/anglais-francais/traduction/societal+consensus.html  ).

On ne réforme pas une économie en profondeur si la taille de son glaive présidentiel est si modeste que les conservatismes peuvent s'y opposer aisément.

Il y a des années que la France est gouvernée par une courte fraction d'elle-même ce qui n'est pas gage d'acceptation simple des réformes structurelles dont notre pays et sa jeunesse ( 24% de taux de chômage ! ) ont cruellement besoin.

Ce fait que l'Histoire nous impose implique des futures législatives d'importance au cours desquelles les programmes économiques vont être au cœur du débat, consécutivement à cette campagne présidentielle bien décevante et peu éclairante.

Exceptionnellement, le choix du 7 mai ne sera pas le seul à être lourd de sens : il faudra compter avec les élections de juin pour être en mesure de déterminer le cap économique.

Projets économiques face à face : Europe ou non ?

L'affiche du second tour, voulue par nos concitoyens, réunit donc une candidate persévérante dont les idées ne cessent de progresser depuis 10 ans. Aux élections régionales, le FN était le premier parti de France en suffrages exprimés. Ce dimanche soir confirme cette position majeure détenue par Marine Le Pen. Demeure désormais gravement posée à la Nation la question du fameux plafond de verre.

Au plan juridique, en cas de victoire du bleu marine le 7 Mai, il sera fondamental de voir comment l'arme du référendum sera utilisée ultérieurement. Je songe en premier lieu à celui promis sur la question de l'appartenance à la zone Euro et je redoute que les effets d'estrade ne l'emportent sur une décision plus mûre. 

Je fais aussi ici mention d'un référendum proposant un sérieux toilettage de la Constitution de la Vème République pour y introduire notamment la préférence nationale.

Dire que l'immigration atteint un " seuil de tolérance " (http://www.mitterrand.org/Le-seuil-de-tolerance-une-notion.html    ) est une phrase que François Mitterrand avait prononcée en son temps tout en restant laxiste sur ce sujet. 

Qui ne se souvient de la régularisation de 131.000 sans-papiers dans les premières années du premier septennat ? (http://abonnes.lemonde.fr/societe/article/2002/12/06/les-dates-cles-de-l-immigration-en-france_301216_3224.html) 

La gauche de Pierre Joxe ou de Benoît Hamon continue de ne pas comprendre que le chômeur français ne peut plus accepter certaines largesses issues des conditions concrètes de l'application du droit d'asile ou du sort réservé aux réfugiés.

Dans l'inconscient collectif, il traîne cette vieille équation – à valeur de rengaine entêtante - entre le nombre de chômeurs et le nombre d'immigrés qui seraient " en trop ".

Un certain patronat a d'ailleurs longtemps eu recours à une main d'œuvre non déclarée, variable d'ajustement discrète des effectifs dans bien des secteurs : les contrôles URSSAF en attestent. (https://www.urssaf.fr/portail/home/administration-et-collectivite-t/declarer-et-payer/la-lutte-contre-le-travail-dissi.html    )

Dans le programme de Marine Le Pen, hors considération morale ou humanitaire, il est clair que la remise en cause de l'équation actuelle de l'immigration permettrait de modifier à la baisse le coût du budget des prestations sociales qui dépasse, tout confondu, les 800 milliards d'euros.

Souvenons-nous que le Brexit du peuple britannique a eu pour forte variable inspiratrice la question de l'immigration. Le nier serait mensonge.

Si l'élection de Marine Le Pen ne manquerait pas d'arc-bouter l'ensemble de la société française et de bousculer les " principes généraux du droit " (http://www.revuegeneraledudroit.eu/blog/2013/08/18/droit-administratif-francais-deuxieme-partie-chapitre-1-section-iv/   ), elle tendrait aussi les taux d'intérêt auxquels notre pays peut se permettre d'emprunter.

Clairement, la situation serait plus complexe que bien des gens ne le pensent. En effet, il serait difficile de proposer de la dette française à de nouveaux créanciers alors même que ceux-ci ne seraient pas certains de l'intangibilité de l'unité monétaire de référence.

Notre pays doit emprunter 185 milliards d'euros par an notamment pour financer les 73 milliards de notre déficit budgétaire soit plus de 15 milliards par mois. Quels créanciers seraient assez inconséquents pour souscrire une tranche de 5 milliards libellée en Euro alors que, six mois après, ils pourraient être détenteurs d'une créance en franc selon le principe de la lex monetae (http://www.cepii.fr/BLOG/bi/post.asp?IDcommunique=507)

Nul besoin d'avoir fait l'ENA pour comprendre qu'un billet en Euro vaudra toujours plus qu'un billet en Franc tant que l'Allemagne aura comme monnaie de référence ledit Euro. (http://archives.lesechos.fr/archives/cercle/2013/10/16/cercle_82229.htm#gauche_article)

Le programme économique de Marine Le Pen resterait dans les conventions usuelles si la nouvelle Présidente n'appliquait pas la préférence nationale et ne décidait, après un référendum d'approbation, de tourner le dos à l'Euro et donc à l'Europe.

Avons-nous – question cruciale - les moyens d'un Frexit ? Objectivement, je ne le pense pas. Essentiellement parce que notre économie est sur les rotules après les potions hollandaises et que notre niveau de dettes publiques nous met à portée de tir de décisions prises depuis l'étranger. Si les partisans du FN savent crier " on est chez nous ! ", des créanciers étrangers sont, eux, en capacité de hurler " la dette est à nous ! ".

A propos du deuxième candidat…

Finalement, alors que certains pensaient que pouvait exister un vote " caché " pour François Fillon, c'est bien Emmanuel Macron qui l'emporte. Et qui sort premier du scrutin.

Les sondages ayant placé ce tandem MLP/EM en tête d'affiche depuis des semaines, il reste sans véritable surprise à aborder le programme économique du plus jeune qualifié pour le second tour d'une présidentielle.

Tout d'abord, pourra-t-il, au prix d'une session extraordinaire, réunir le Parlement et engager des ordonnances suite au vote de lois d'habilitation ?

Deuxièmement, s'engagera-t-il avec sagesse sur la voie du futur vote d'une Loi de finances rectificative tant les comptes 2017 sont désormais frappés d'insincérité.  (Comptes publics : attention, le budget 2018 part à la dérive !  http://lecercle.lesechos.fr/node/168769/).

Troisièmement, quelles mesures " chic et choc " prendra-t-il pour s'assurer un état de grâce porteur face au défi des législatives ?  Hausse du Smic ? Et autres mesures garantissant une popularité à bon compte.

Une chose est acquise, Emmanuel Macron, s'il est élu le 7 mai, est le candidat du " Business " et le chouchou de plusieurs médias.

Sa gestion du dossier SFR ( il dit vite oui là où Montebourg avait dit non ) et du dossier Alstom alliée à son recours à des mandats confiés à des banques d'affaires ( dont Rothschild…) en disent long sur sa future présidence qui sera nettement moins libéral que beaucoup ne le croient et qui risque – tôt ou tard - de flirter avec de tristes souvenirs hérités du gaullisme immobilier et l'affaire Arenda. (http://www.tdg.ch/geneve/actu-genevoise/Troisieme-condamnation-pour-l-archange-Gabriel/story/31474249)

Là encore, la politique économique sera tributaire de la composition de la majorité présidentielle issue des législatives. Plus elle sera rose, plus nous aurons le loisir de revivre des épisodes brouillons du quinquennat Hollande. Le temps prévisible des " couacs " interdit – croyez-moi – de se fier au beau papier glacé de l'actuel programme Macron.

" On ne sort de ses ambiguïtés qu'à son détriment ".  Cardinal de Retz.

Ce soir, pour François Bayrou " un espoir s'est levé ". Certes….  Mais laissant le maire de Pau à sa drôle de candeur, il reste le temps de la lucidité. Pour d'autres intérêts nettement plus vénaux, le macronisme qui s'annonce est une manne d'opportunités qui appellera à la vigilance citoyenne….. et institutionnelle. Trop de faits avérés des 3 dernières années donnent pleine légitimité à ce propos lourd de sens.  

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