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Cette science de la peur, celle qui permet de mieux apprendre à la surmonter
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Bouh !!!

La peur peut paralyser et devenir un handicap dans la vie. Il existe différents moyens d'apprendre à la vaincre. D'une part, on peut s'appuyer sur les progrès de la psychologie. Des initiatives se développent comme la réalité virtuelle.

Jean-Michel   Fourcade

Jean-Michel Fourcade

Jean-Michel Fourcade est docteur en psychologie clinique. Il est président de l'Association Fédérative Française des Organismes de Psychothérapie (AFFOP) et directeur de la Nouvelle Faculté Libre - NFL - Formation en psychothérapie intégrative.

il est l'auteur de plusieurs livres, dont "Les bio-scénarios, clés énergétiques du corps et de l'esprit" (2007).

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Atlantico : La peur existe sous des formes très variée chez les êtres humains. Silken Laumann, une sportive canadienne a réussi a apprendre à ne plus avoir peur d'avoir peur. Pourquoi est-il important de savoir contrôler sa peur ? A quel moment faut-il prendre conscience qu'il faut le faire ? 

Jean-Michel FourcadeLa peur est une émotion utile : elle nous informe que quelque chose est dangereux pour nous et que nous devons nous protéger. Elle est provoquée par ce que nous percevons : quelque chose que nous voyons ou que nous entendons ou sentons ou touchons ou goûtons et que nous associons à une situation déjà vécue et qui s’est révélée dangereuse, ou qui est nouveau pour nous, inattendu, dont nous n’avons pas encore l’expérience et par là même nous inquiète.

Nous savons que la perception n’est pas neutre, objective. La perception est conditionnée par des " patterns ", des cadres, des organisateurs que nous avons construits dès notre très petite enfance, auxquels sont attachés des émotions : peur, colère, tristesse, honte, joie… Ces systèmes perception/émotions P/E sont la plupart du temps inconscients mais néanmoins efficaces. D’où la diversité des réactions des personnes face à une même situation. Les émotions sont d’autant plus fortes – mêmes refoulées – que le système P/E s’est construit tôt dans l’histoire du Sujet : terreur, rage, désespoir, exultation. La personne dans sa socialisation apprend à contrôler ses émotions pour les maintenir à un niveau qui lui permette de rester en relation avec elle-même et avec les autres. Entre un seuil en dessous duquel une ou toutes les émotions sont totalement inhibées (conscience et/ou expression) et un seuil au dessus duquel l’émotion empêche les autres capacités mentales de fonctionner  - dans le cas de la peur, la sidération qui paralyse le corps et le mental. La peur peut être d’une situation connue (traumatisme) qui a abouti à une blessure et à une souffrance physique et à un échec par rapport à un but espéré (réussir l’exploit sportif, obtenir l’attention et l’approbation de l’autre – individu ou groupe ou grand groupe dans un stade). L’échec est une blessure psychique de l’estime et de l’image de soi. Si cette peur reste intense, elle s’accompagne de la peur d’avoir peur.

Mais la peur peut aussi venir d’une situation – une relation durable ou un événement traumatique – qui a été oubliée et la peur est déplacée, fixée et " provoquée " par quelque chose qui renvoie inconsciemment à ce qui a été oublié. C’est ce que l’on trouve dans le cas des phobies.

Quand on souffre d'une peur, quelles sont les meilleurs moyens de vaincre sa peur ? La technique jusqu'à présent était de se confronter à des situations de peur. Quels sont les progrès de la psychologie pour apprendre à vaincre ses peurs plus efficacement ?

La psychologie comportementale et cognitive travaille sur le système P/E tel qu’il apparaît dans l’immédiateté apparente de l’arc réflexe, stimulus-réponse : le chien à coté = terreur : la barre à franchir = la chute avant d’y parvenir. Le protocole pour faire disparaître la peur consiste à remplacer le vécu négatif (peur) par un vécu positif (approcher le chien et lui donner quelque chose de bon à manger pour que le chien montre sa joie, caresser le chien, jouer avec le chien, aboyer aussi fort que lui pour montrer sa joie etc.). L’athlète recommencera à franchir la barre en haussant progressivement celle-ci pour faire l’expérience qu’il peut la franchir ou que la douleur physique qu’il attendait ne se produit pas et qu’il franchit la barre.

Cet apprentissage se fait à deux niveaux :

- Les représentations concernant la situation immédiate conscientes et inconscientes peuvent être modifiées et la perception de la réalité change.

- Les émotions du système P/E sont elles aussi modifiées : la peur remplacée par le plaisir

La psychologie qui conçoit l’homme comme un Tout dans lequel le corps, les émotions et le mental sont en interrelation, travaille le premier de ces niveaux, celui des représentations par la méthode de la Visualisation imaginaire : le Sujet est accompagné par le psychothérapeute dans l’exploration des images et des émotions qui concernent la situation qui provoque  la peur. Cette approche est facilitée par la mise en état de relaxation. Elle nécessite aussi un cadre protecteur et une présence humaine perçue comme compétente et rassurante. Le Sujet modifie progressivement les images négatives en images positives. Le processus répété finit par éliminer les scénarios imaginaires négatifs.

Au niveau émotionnel, le système P/E devenu Représentations /Émotions est aussi à transformer par une action spécifique sur l’énergie émotionnelle. La peur est une émotion qui perturbe le système neurovégétatif, l’équilibre sympathique/parasympathique – ce dont le ventre est sensible - et empêche la mobilisation de l’énergie motrice volontaire pour réagir, se défendre. La colère est l’émotion qui joue le rôle inverse. Le psychothérapeute encourage par des actes physiques ce " renversement en son contraire " reconnu par la psychanalyse " intégrative " qui combine travail sur les représentations et sur les émotions.

Une initiative a été lancée par la sportive canadienne avec des casques de réalité virtuelle pour se confronter à ses peurs. Comment la technologie peut-elle servir pour aider à vaincre les peurs ? 

Les casques de réalité virtuelle permettent de remplacer les mises réelles en situation de peur par des perceptions de situations virtuelles équivalentes pour l’ouïe et la vision. Ces situations virtuelles peuvent être adaptées, modulées en fonction des réactions du Sujet. C’est incontestablement un élément positif, déjà utilisé dans des apprentissages : apprendre à conduire une voiture, un avion etc. Les casques de réalité virtuelle ne concernent pas le toucher, le goût et l’odorat. Peut-être pourraient-ils y parvenir ? La question des peurs archaïques transformées en phobies reste posée : la rééducation des thérapies comportementales et cognitives modifie-t-elle l’organisation psychique du sujet et l’inscription des ses traumatismes relationnels et événementiels d’enfant. Les stimulations sensorielles des systèmes P/E et R/E pourraient-elles être adaptées dans des salles de réalité virtuelle aux représentations et aux émotions contenues dans l’inconscient et que révèlent nos rêves et…cauchemars ? La présence humaine rassurante et protectrice reste nécessaire pour restaurer une image et une estime positives de soi indissociables du lien humain fondamental positif.

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