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 Le choc Valls, le jour d'après : la gauche face à l'étrange feuille blanche de sa réinvention forcée
©France 2

Renouveau

L'idée d'une alliance à gauche a déjà été évoquée plus tôt dans la campagne. Après l'annonce de Manuel Valls de voter pour Emmanuel Macron, Benoît Hamon a appelé à un rassemblement politique qui irait jusqu'à Jean-Luc Mélenchon, en incluant le Parti communiste. Une nouvelle page s'ouvre pour la gauche, tant sur le plan politique qu'idéologique. Reste à savoir comment et si l’électorat répondra présent.

Jacques Julliard

Jacques Julliard

Jacques Julliard est journaliste, essayiste, historien de formation et ancien responsable syndical. Il est éditorialiste à Marianne, et l'auteur de "La Gauche et le peuple" aux éditions Flammarion.

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Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet

Jérôme Fourquet est directeur du Département opinion publique à l’Ifop.

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Bruno Jeanbart

Bruno Jeanbart

Bruno Jeanbart est le Directeur Général adjoint de l'institut de sondage Opinionway. Il est l'auteur de "La Présidence anormale – Aux racines de l’élection d’Emmanuel Macron", mars 2018, éditions Cent Mille Milliards / Descartes & Cie.

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Atlantico : Qui représente la gauche aujourd'hui et qui sont les électeurs qui se revendiquent de gauche ?

Jérôme Fourquet : La gauche est attachée aux questions économiques et sociales, aux sujets qui concernent le chômage, le pouvoir d'achat, les services publiques et les inégalités.

Mais tout dépend de la définition de la gauche que l'on se fait. Est-ce que c'est celui qui est le plus important ? Ou alors c'est celui qui a l'ADN et les valeurs plus authentiquement de gauche ? Cette notion de gauche est subjective. Beaucoup de Français on dit que c'est plutôt Jean-Luc  Mélenchon qui représente la gauche parce que c'est la vraie gauche. Mais beaucoup d'autres Français interrogés ont répondu que c'était le Parti Socialiste parce que c'est le parti dominant à gauche. C'est celui-ci qui a fourni des Présidents de la République, ses majorités au Parlement et c'est lui qui a encore conservé une certaine visibilité et une présence sur le terrain malgré que ses forces militantes aient fortement diminué. Dans beaucoup de villes, ceux qui sont identifiés comme étant de gauche appartiennent encore majoritairement au PS. La gauche institutionnelle, officielle, c'est le Parti Socialiste. D'autres diront que c'est plus à gauche qu'il faut regarder. Tout cela est très subjectif. Tout cela était encore valide il y a quelques mois. Maintenant, avec le phénomène d'"En Marche. C'est beaucoup plus compliqué d'apporter une réponse claire. 

Au regard de ce qui a pu se passer dans le paysage politique des autres pays européens, qu'il s'agisse du Royaume-Uni, de l'Espagne ou de la Grèce, quel pourrait être le poids politique cette nouvelle gauche ? Plus généralement, à quel défi sera-t-elle confrontée ?

Jacques Julliard : Il est possible en effet qu'après les élections il y ait un parti d'extrême gauche semblable à D-link en Allemagne qui se constitue. Mais son poids serait de l'ordre de 20% de l'électorat français, et donc avec des chances de gouverner extrêmement faibles. Ce que préparent Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon, c'est une longue période de vie en dehors du pouvoir. Ils ont abandonnés l'idée de gouverner pour un délai qui, il me semble, sera assez long. 

On risque même d'avoir deux candidats socialistes aux législatives dans beaucoup de circonscriptions. Le malheureux Jean-Christophe Cambadelis aura bien du mal à imposer un candidat unique. 

Benoît Hamon appelle à un rassemblement de la gauche, de lui-même jusqu’à Jean-LucMélenchon en passant par le PCF. Mais s’il y a des similitudes dans leurs programmes, les deux électorats sont-ils les mêmes ?

Bruno Jeanbart : On n'est pas tout à fait sur le même type d'électorat.Très clairement, si Benoît Hamon fait partie de la gauche du PS, son électorat est principalement composé de sympathisants socialistes. Quant à celui de Jean-Luc Mélenchon, il est très largement composé de partisans de la gauche radicale. Donc il y a quand même un positionnement politique qui est un peu différent. Quand on regarde dans le fond, le positionnement d'une échelle qui va de la droite à la gauche de cet électorat, on se rend compte que l'électorat de Jean-Luc Mélenchon se place plus à gauche que celui de Hamon. C'est la première différence.

On a aussi quelques différences sociologiques.

La première, c'est que l'électorat de Jean Luc Mélenchon est globalement un électorat assez diplômé. Jusqu'à présent, il avait plutôt du mal à toucher les catégories populaires, et c'est un électorat dans lequel on constate que l'on a une part importante d'électeur qui sont plutôt, comme on avait dans une partie de l'extrême gauche, des diplômés du supérieur. Un peu plus que chez l'électorat de Benoît Hamon. Il y a clairement un côté électorat intellectuel chez Jean-Luc Mélenchon qui se confirme d'élection en élection.

De son côté, Benoît Hamon a un électorat qui sera très déficient sur les catégories populaires, mais qui reste un électorat de classe moyenne. C'est un candidat qui, même s'il fait des faibles scores, continue d'avoir un électorat plus fort que celui de Jean-Luc Mélenchon chez les cadres, dans les professions de la classe moyenne supérieure. Ce n'est pas un phénomène nouveau. Malgré la concurrence d'Emmanuel Macron, qui est fort dans cet électorat, Benoît Hamon reste encore, auprès des cadres, très fort. 

En revanche, il y a quand même des choses qui sont proches chez eux. La première chose qui se recoupe beaucoup, c'est le fait qu'ils ont un électorat qui performe bien auprès des salariés du public, et qui réussissent bien chez les agriculteurs. 

Quels effets auraient une telle alliance sur la candidature globale ? L'addition des candidats permet-elle vraiment une addition des électeurs ?

Bruno Jeanbart : On est a 15% pour Jean-Luc Mélenchon et 10% pour Benoît Hamon. Mais il est très peu probable que cela conduise à une candidature unique à 25%. Il y aurait beaucoup de perte.

D'abord parce que l'arithmétique, en politique, n'est pas quelque chose de naturel. On a plus de chance d'avoir un électorat large quand on a une offre large.

De plus, en raison de la candidature du candidat d'"En Marche!, si le ralliement se faisait derrière Jean-Luc Mélenchon, il y aurait incontestablement une partie de l'électorat de Benoît Hamon qui ne suivrait pas, et partirait pour Emmanuel Macron. Ces électeurs auraient du mal à se rallier derrière un candidat de la gauche radicale, étant des électeurs de centre-gauche. 

Si c'est Benoît Hamon qui représentait cette alliance, alors ce serait le phénomène inverse. Il y aurait probablement, pour des raisons de proximité, l'électorat de Jean Luc Mélenchon qui aurait le sentiment que Benoît Hamon incarne une forme acceptable de la gauche.

Mais une autre partie de l'électorat, qui est en rejet du socialiste, essaierait de ne pas voter ou d'aller vers l'extrême gauche. Il y a une fracture qui s'est installée depuis 2012, avec le match entre François Hollande et Jean-Luc Mélenchon, en commençant par une non-participation de la gauche radicale. C'est difficile de rassembler les deux électorats, même avec Benoît Hamon. 

En quoi peut-on considérer que le départ de l'ancien Premier ministre et les réactions en chaîne qu'il provoque ouvrent une nouvelle page pour la gauche, tant sur le plan idéologique que politique ? 

Jacques Julliard : La rupture entre les frondeurs et la majorité des hollandais est bien antérieure. Lorsqu'il y a quelques mois, les frondeurs ont préparé une motion de censure contre leur propre gouvernement, on peut dire que la rupture était déjà opérée ! Ces cinq années du quinquennat de François Hollande ont été la préparation progressive de cette rupture. 

Alors que va-t-il en sortir ? Probablement une scission. Benoît Hamon devait bien se douter qu'en faisant ce qu'ils a fait depuis qu'il a été désigné, c’est-à-dire en ne recherchant d'alliances que sur sa gauche auprès de Mélenchon et des écologistes, il allait se produire ce qu'il vient de se produire. 

Manuel Valls quant à lui revient à son vieux projet qui est de créer une sorte de parti progressiste démocrate à l'américaine. Il ne croit plus qu'un parti socialiste ait un avenir en France. On se jette à la tête de mots comme trahison etc… Mais la vérité c'est que les deux camps ne voient pas l'avenir de la même manière. Les uns dans une sorte de regroupement d'extrême gauche - auquel très franchement je ne crois pas- et les autres veulent faire un parti de centre-gauche. 

Quelles concessions Benoît Hamon et Jean-Luc Mélenchon devraient-ils faire pour rendre possible une telle alliance ? 

Jacques Julliard : Les deux programmes sont assez proches c'est vrai, tous deux dans la relance d'économie dans la demande. Et le seul point sur lequel ils sont opposés c'est finalement sur l'Europe. Mais ne jouons pas sur les mots. En aucun cas Jean-Luc Mélenchon ne souhaite se retirer devant le représentant du Parti Socialiste. A plus forte raison qu'il est maintenant devant lui dans les sondages. La question programmatique est donc devenue secondaire. Hamon fait semblant de croire qu'on pourrait encore faire une alliance, c'est purement tactique. Quand on est à 10% dans les sondages, on est mal placé pour être un pivot dans le rassemblement. 

Jean-Luc Mélenchon a dit clairement, et depuis le début, qu'en aucun cas il ne se désisterait. Et si Benoît Hamon se désistait pour Mélenchon se serait un suicide du Parti Socialiste. Il n'y a aucune chance que ça arrive, à moins qu'il ne tombe très bas dans les sondages. Ce serait abandonner le PS à Manuel Valls. 

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