Épidémie de stéatohépatite non-alcoolique : si, les moyens de lutter contre la maladie du foie gras humain existent<!-- --> | Atlantico.fr
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NASH

La maladie du foie gras humain est méconnue. Pourtant, chaque année, elle fait de plus de en plus de victimes.

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze

Guy-André Pelouze est chirurgien à Perpignan.

Passionné par les avancées extraordinaires de sa spécialité depuis un demi siècle, il est resté très attentif aux conditions d'exercice et à l'évolution du système qui conditionnent la qualité des soins.

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Atlantico : Qu'est-ce que le NASH et pourquoi entend-on beaucoup parler de cette maladie aujourd'hui ?

Guy-André Pelouze : Il existe depuis au moins 30 ans dans tous les pays industrialisés une augmentation très importante d'une pathologie jusque-là peu fréquente et méconnue la stéatose hépatique non alcoolique autrement dit le foie gras humain. Alors que des activistes font parfois la une des journaux pour nous dissuader de manger du foie gras de palmipède, au motif d'une maltraitance animale, les êtres humains atteints de foie gras non alcoolique ne sont pas l’objet de la même sollicitude. Chez les palmipèdes le foie gras est physiologique car il a pour point de départ une disposition génétique permettant à ces palmipèdes de stocker l’énergie pour migrer, chez l’humain il s’agit du résultat de notre mode de vie et les conséquences sont tragiques. Dans les deux cas une consommation intense et continue de sucres dans un contexte d’excès de calories produit un résultat attendu: le stockage de gras dans les cellules du foie qui se mettent à ressembler à des adipocytes (cellules du tissu gras). Les romains gavaient les oies aux figues sèches et appelaient le foie gras iecur ficatum c’est à dire foie gras aux figues! Nous les gavons au maïs et les humains consomment en excès des produits industriels liquides et solides qui contiennent beaucoup de sucres (amidons, saccharose, lactose et sucres simples).

20 % à 26% de la population en Europe est atteinte de stéatose hépatique non alcoolique appelée NAFLD (pour Non-Alcoholic Fatty Liver Disease). Il s'agit de l'atteinte hépatique la plus fréquente en occident. C’est aussi la première cause des perturbations du bilan hépatique biologique dans ces mêmes pays. Cette transformation graisseuse du foie peut rester asymptomatique très longtemps et même ne jamais évoluer vers l’étape que nous allons décrire maintenant le NASH.

De la stéatose hépatique au NASH

Le NASH de Non-Alcoholic Steato-Hepatitis ou stéato-hépatite non alcoolique est une atteinte grave du foie qui associe une stéatose (le foie gras précédemment décrit) et une sclérose par inflammation qui se termine par la cirrhose. Cette maladie hépatique survient dans un contexte d’obésité notamment androïde (c’est à dire le gros ventre), de diabète type 2 et d’hypertriglycéridémie. Les complications de cette maladie silencieuse sont extrêmement graves: maladies cardiovasculaires, insuffisance hépatique et cancer du foie.

Tableau N°1

Comparaison nutritionnelle des figues sèches, de la farine de maïs et du soda: chaque fois la concentration en sucres est très élevée 

Le problème du NASH est-il donc uniquement une question de sur-consommation de sucre ? Quelle est l'ampleur du danger sanitaire que soulève cette question du NASH ?

Pour résumer le NASH c’est l'excès calorique, l’abondance des sucres et un état inflammatoire.

Il faut placer la consommation de tous les sucres dans le contexte d’excès calorique qui résulte d’une abondance alimentaire que l’humanité n’a jamais connue. De même qu’elle ne connaît plus de famine ni de période de restriction calorique.

Dans cet excès d’apport calorique il y a une augmentation absolue et relative de la part des sucres. Il y a plusieurs sucres. Le saccharose, sucre de table fabriqué à partir de la canne ou de la betterave est un disaccharide c’est à dire la liaison de deux sucres le glucose et le fructose. Le lactose est aussi un disaccharide mais les deux sucres simples sont le glucose et le galactose. L’amidon est une longue chaîne de glucose (300-1000 glucoses). Comment ces sucres sont métabolisés? Contrairement au glucose, qui est métabolisé largement dans le corps, le fructose est chez l'homme métabolisé presque complètement dans le foie. Il est dirigé vers la reconstitution du glycogène du foie et la synthèse des triglycérides. Moins d'un pour cent du fructose ingéré est directement converti en triglycérides plasmatiques.

Le foie est l’organe du métabolisme, c’est le foie qui arbitre les flux de nutriments issus de la digestion. Pour ce faire il peut convertir des sucres en gras et inversement. Tout dépend de l’apport alimentaire et des besoins de l’organisme. Or les besoins se sont effondrés car nous vivons assis et les apports ont augmentés. Nous avons donc beaucoup de calories à stocker.

Le foie ne peut pas détecter les glucides (sucres) dans le sang comme le fait le pancréas, donc il s'appuie sur l'augmentation correspondante de l'insuline pour déclencher le stockage de l'excès de sucre en graisse. Un régime alimentaire qui permet l’absorption de plus de calories que consommées conduit à la surcharge du foie et les sucres peuvent être transformés en triglycérides (graisse) qui commence à s'accumuler dans l'organe lui-même surtout quand le sucre est le fructose ou le galactose.

Enfin troisième facteur l’inflammation.
Il y a une inflammation chronique dans le NASH. Cette inflammation est liée à la surcharge en calories qui entraîne le remplissage maximal des cellules adipeuses du tissu gars par des triglycérides. Elle peut avoir d’autres origines concomitantes comme un apport trop important d’acides gras oméga 6 présents dans les huiles végétales de tournesol, maïs, carthame ou soja. Cette inflammation va provoquer la destruction et la fibrose du foie.

Stéatose hépatique et fructose

Le fructose qui est principalement retrouvé dans les boissons sucrées, le miel et les fruits présente une particularité. Son métabolisme est hépatique. C’est pourquoi dans les conditions d’un remplissage maximum des réserves de graisse sous la peau et dans le ventre, tout apport supplémentaire de sucre en particulier s’il s’agit du fructose va s’accumuler sous la forme de triglycérides dans les cellules du foie. En effet pour des raisons métaboliques complexes le glucose hépatique va reconstituer le glycogène mais la fructose va préférentiellement activer la voie de la lipogenèse de novo, c’est à dire la synthèse par le foie de triglycérides. C’est aussi ce qui se passe avec l’alcool qui est métabolisé par le foie à 80%. De surcroît le fructose, l’alcool sont pro-inflammatoires et contribuent donc à l’inflammation chronique intra-hépatique qui caractérise le NASH.

N'y-a-t-il pas au fond souvent un problème plus politique que médical dans cette affaire du NASH ?

Des intérêts économiques considérables sont en jeu dans cette épidémie.

D’ailleurs le premier signe est le silence médiatique autour. Personne parmi les groupes de lobbies n’a intérêt à en parler et l’état à travers son rôle régalien de métrologie de la santé publique est plutôt en retard notamment en ce qui concerne la prévalence de la stéatose hépatique non alcoolique et du NASH en France continentale et Outre-Mer. C’est très simple, l’abondance alimentaire est en cause. Dans le budget des familles même les plus pauvres obtenir 2500 calories par jour et même au delà pour un adulte est peu onéreux. Ensuite il y a la digestion et l’absorption de ces calories. Il est bien établi que les aliments très raffinés, très transformés sont beaucoup plus facilement absorbés. La cuisson permet d’absorber plus de nutriments. Ce fut pour les humains du paléolithique un moyen certain de survie en raison de la rareté alimentaire. C’est aujourd’hui le contraire. Et c’est même pire si l’on considère la pauvreté en micronutriments des produits alimentaires par rapport aux aliments entiers.

De surcroît l’addition très fréquente de corps chimiquement purs très absorbables comme: le sucre, l’amidon, des corps gras comme les mono et diglycérides, du sel, des poudres de protéines peut augmenter l'absorption.

Donc oui il y a un problème politique surtout dans les pays où l’agriculture est subventionnée car les subventions diminuent le prix de certains aliments et modifient la consommation.

Ensuite il y a la question de la différence entre aliments et produits. Nous sommes entrés dans une période historique qui se caractérise par la disparition progressive non seulement de la chasse de la pêche de la cueillette mais aussi de la préparation domestique des aliments. L’urbain acculturé mange en continue des produits de l’industrie agroalimentaire. En dehors de la quantité ingérée, les habitudes, la chronologie de cette consommation impacte le métabolisme. Ce secteur agroalimentaire est en plein développement et il peut être politiquement risqué de recommander aux francais de préparer leurs carottes et leur bavette au lieu d’acheter un sandwich ou un plat préparé tout en un. Pour autant les recommandations de préparation des repas sont aujourd’hui au centre des préoccupations dans les agences publiques et les organisations académiques dans de nombreux pays. Un exemple cette dernière très bonne mise au point de la Harvard Medical School. Il faut abandonner l’idée de compter les calories, de coller une pyramide alimentaire sur son frigo, il faut simplement se poser la question: ai-je mis des aliments ou des produits dans mon caddy ?

Enfin il y a les puissants lobbies du sucre et des céréales qui sont des secteurs subventionnés qui inondent le marché de leurs produits soit en direct soit en additifs comme l’actuelle propension à ajouter du sucre (glucose,fructose lactose, maltose, dextrose, amylose, maltodextrines, sirop de maïs, sucre inverti, HFCS, sirop d’agave et j’en passe) à tous les produits solides ou liquides, salés ou sucrés. I les quantités peuvent paraître faibles il faut savoir que pour certaines personnes qui consomment beaucoup de produits elles ne le sont pas et d’autre part cette modification du goût a un effet sur le cerveau en favorisant l'augmentation de la prise alimentaire.

Le NASH est une pièce du puzzle des maladies de civilisation

Ces maladies sont l’obésité, le syndrome métabolique le diabète type 2, l’hypertension, les maladies cardiovasculaires et certains cancers. Or nous marquons le pas dans ce groupe de pathologies. Certaines sont améliorées par des traitements médicamenteux mais la prévention primaire est en échec puisque le nombre d’obèses et de diabétiques continue à augmenter.

Figure N°1 : Evolution de la prévalence du diabète traité pharmacologiquement de 2006 à 2013, France 

Les recommandations nutritionnelles ne produisent pas les résultats escomptés.

Bien évidemment on nous dit que c'est probablement parce qu'elles ne sont pas suffisamment appliquées. Les enquêtes alimentaires sur la consommation actuelle démontrent le contraire. Qu'à cela ne tienne, pour sortir de cette situation on nous annonce un étiquetage alimentaire en couleur. Il n'y a bien sûr aucune preuve que cet étiquetage alimentaire donne de meilleurs résultats que ceux qui sont exposés.  Les consommateurs paieront donc pour de petites étiquettes en couleur censées guider leur choix. Mais les Français ne sont pas des enfants, ils ont une histoire et une culture notamment culinaire, qui les placent singulièrement parmi les autres pays industriels. Ils choisissent encore des aliments de qualité préférentiellement frais, ils préparent encore nombreux leur repas. C'est d'ailleurs ce qui les a protégés des maladies cardio-vasculaires au mépris des recommandations conventionnelles qui voulaient les écarter des graisses saturées, des viandes et des oeufs. Les Français mangent beaucoup de graisses saturées, issus des viandes, des fromages, des oeufs et ils s’en portent très bien, la prévalence des maladies cardio-vasculaires en France et notamment des maladies coronariennes est une des plus basses dans le monde. En réalité ce sont les recommandations nutritionnelles qui changent de ce point de vue.

Le basculement de paradigme est en train de se produire

« Il n'y a pas de données réelles qui aient démontré que les régimes faibles en gras et riches en glucides étaient bénéfiques - c'était vraiment des hypothèses. »

« Si vous limitez le gras alimentaire, cela signifie que vous allez manger plus de glucides. Dans notre société, et avec notre approvisionnement alimentaire, cela signifie plus d'amidon raffiné et de sucre - et c'est exactement ce qui s'est passé au cours des deux dernières décennies » disait Walter Willett

Il est peut-être temps d’en finir avec les régimes appelés “équilibrés”.

Un peu de tout sans excès est une formule qui n’a aucun sens mais qui est répétée comme un leitmotiv. Dans notre environnement ce conseil conduit lentement mais sûrement à l’obésité pour peu que l’on ait une génétique compatible. Mais il faut aussi en finir avec l’allégé qui est le plus souvent un produit avec moins de gras et plus de sucre. Les Français doivent réduire leur apport calorique et leurs apports en sucres. Dans cet apport calorique il faut réhabiliter le gras car en consommant plus de gras on peut se passer de tous les sucres rapides, de tous les amidons raffinés. C’est ce qu’illustre parfaitement la Figure N°2.

Figure N°2 Les régimes bas en sucres sont supérieurs aux régimes à Index Glycémique bas ou aux régimes riches en céréales pour la perte de poids, le contrôle glycémique et le profil lipidique. Ce résultat souligne l’importance de la quantité totale de sucres ingérée plutôt que de se déférer uniquement à l’index glycémique.

Une des clefs pour réduire son apport calorique c’est manger des aliments entiers.

Il ne s'agit pas de se priver. En éliminant les produits, les aliments raffinés ou très transformés on diminue l'apport calorique on augmente l'apport des micronutriments. Il est alors possible d’entamer sans restriction du goût, du plaisir de manger, une baisse calorique. La stéatose hépatique et le NASH ne seront pas guéris par une pilule avant longtemps. La voie de la prévention est plus sûre. Il est essentiel d’informer le public sur les causes réelles des maladies métaboliques. C’est plus un sujet de la société civile tout entière qu’une question de recommandations de l’état ou de réglementation de l’industrie agro-alimentaire. L’école, l’entreprise, le milieu associatif, la presse, les assureurs maladie ont un rôle plus important à jouer dans une approche globale de l’alimentation, de l’exercice physique et de la santé en général. L’engouement actuel pour le “local” le “bio” ou le “durable” sont des modes somme toute marginales. L'essentiel c’est de retrouver les aliments entiers mais ce n’est pas du goût de tout le monde... 

L’index de la stéatose hépatique: évaluez votre risque

Index de Masse Corporelle < 25

Tour de taille < 80cm chez la femme < 94cm chez l’homme

Rapport taille/hanches < 0,8 chez la femme et < 0,95 chez l’homme

Triglycérides à jeun dans le sang (le taux normal varie en fonction de l’âge, du sexe)

GammaGT dans le sang (le taux normal varie en fonction de l’âge, du sexe)

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