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Présidentielle 2012 : mais où sont donc passés les libéraux français ?
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Année zéro

En l'absence de candidat à la présidentielle, un collectif de libéraux a décidé de présenter un candidat fictif mort il y a 150 ans pour incarner leurs valeurs : le penseur libéral Frédéric Bastiat. Mais quid de l'avenir politique du mouvement ?

Daniel Tourre

Daniel Tourre

Daniel Tourre est notamment l'auteur de Pulp Libéralisme, la tradition libérale pour les débutants (Tulys, 2012) et porte-parole du "Collectif Antigone". 

 

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Les libéraux sont en colère. Pour la deuxième fois consécutive, il n’y a aucun candidat pour porter leurs couleurs à l'élection présidentielle.

De Marine Le Pen à Jean-Luc Mélenchon, en passant par Nicolas Sarkozy, François Bayrou, Eva Joly ou François Hollande, tous utilisent le libéralisme comme un repoussoir. Le libéralisme est le punching ball bien confortable de tout ce petit monde.

Nicolas Sarkozy n’a jamais été libéral mais certains libéraux avaient voté pour lui en 2007 en espérant au moins quelques réformes de l’Etat. Il a finalement mis un point d’honneur à être plus étatiste que les socialistes eux-mêmes. Ses électeurs attendaient un coureur de fond qui allait mener la France d’un point A à un point B. Il n’a finalement été qu’un danseur de Salsa s’agitant beaucoup en faisant du surplace. Du surplace, sauf pour les taxes et pour la dette. Le président aux 23 taxes supplémentaires, au grand emprunt en pleine crise du surendettement et au discours dirigiste permanent ne laissera pas de regrets aux libéraux.

L’étatisme règne en maître dans les discours et les actes de la totalité du spectre politique français. Pour notre pays, le résultat est là :

  • Jamais, en temps de paix, l’État n’a eu une telle place dans notre société.
  • Nous détenons le record mondial du nombre d’élus par habitant (plus de 600 000, soit 1 pour 108 habitants).
  • Les dépenses publiques sont passées de 12,6% du PIB en 1912 à 39% sous de Gaulle et à plus de 56% aujourd’hui. Il n’est pas certain que la confiance en l’avenir ait suivi la même trajectoire.

A un État déjà envahissant et coûteux, en une génération, nous avons hérité d’un infra-Etat, des collectivités locales gourmandes et un supra-Etat, une Union Européenne bureaucratique et jacobine. Sans d’ailleurs que l’Etat national ne diminue significativement.

Nous vivons une crise dramatique de l’interventionnisme monétaire, du keynésianisme, du capitalisme de copinage et du surendettement d’État. Et au milieu de ce désastre, les candidats à la présidentielle rivalisent tous d’imagination pour nous proposer encore davantage d’interventions, encore davantage de taxes, encore davantage de protectionnisme, encore davantage de pouvoir pour l’État et encore davantage de planche à billets.

Personne ne présentera la seule alternative crédible à cet Etat nounou qui s’affaisse doucement sous son propre poids : le libéralisme.

Une politique libérale consisterait à revenir à ce qui a fait la force de notre pays : la liberté individuelle, la propriété individuelle et la responsabilité individuelle sous le règne du Droit égal pour tous. Et un État régalien simplement chargé de faire respecter ce Droit.

Une politique libérale consisterait à rendre aux Français le fruit de leur travail et de leur épargne pour qu’ils choisissent eux-mêmes comment se soigner, où s’assurer contre le chômage, comment préparer leur retraite (salaire complet), où instruire leurs enfants (chèque éducation), comme se loger, (respect du droit de propriété pour louer/expulser ou construire).

Elle consisterait à leur laisser décider eux-mêmes quelle presse, quels artistes, quels syndicats ou quelles associations subventionner, en les payant directement.

Elle leur permettrait de choisir eux-mêmes quelle agriculture et quelle industrie soutenir par leurs achats ou par leurs investissements.

Elle leur permettrait de s’associer librement pour mutualiser les risques ou pour donner.

Elle leur permettrait de disposer d’une monnaie saine à l’abri de l’inflation, inflation qui profite aux Etats surendettés et aux grandes banques dopées à la planche à billets de la banque centrale.

Bref, elle permettrait aux Français de penser, d’agir, d’échanger et de disposer du fruit de leurs efforts sans demander l’autorisation et sans obéir à une armada de bureaucrates, de politiques ou de syndicalistes qui ont peu à peu pris l’habitude de décider à la place des Français ce qu’ils pourraient décider eux-mêmes.

Cette politique serait une politique sociale par excellence. Les bénéficiaires de l’immense jeu de chaise musicale (subventions,  inflation, bureaucraties, monopoles obligatoires) ne sont pas les plus pauvres, mais ceux qui ont su s’organiser pour instrumentaliser l’Etat à leur profit. Si l’on rendait aux salariés modestes l’intégralité du fruit de leur travail sans ces spoliations, les services qu’ils pourraient se payer seraient de bien meilleure qualité.

Mais tout cela ne sera pas proposé en 2012 par les candidats. Ils maintiendront coûte que coûte, par davantage de spoliations, un modèle social qui ressemble de moins à moins à un bouclier et de plus en plus à un gros boulet rouillé.

La bonne nouvelle, c’est que l’échec majeur que constitue l’absence de candidat libéral est davantage dû aux libéraux eux-mêmes (à leurs divisions, leurs erreurs stratégiques ou la façon de communiquer leurs idées) qu’aux particularités de notre pays ou au libéralisme lui-même. Il existe déjà une fraction importante de l’opinion prête à soutenir des réformes libérales pour peu que l’on daigne s’adresser à elle. Les nouvelles générations n’ont d’ailleurs pas d’attachement idéologique particulier à un système et ils perçoivent bien qu’ils sont les dindons de la farce. La lassitude des Français devant le discours convenu sur l’action de l’Etat est perceptible jusque dans les niveaux d’abstention. Ils attendent autre chose.

L’autre bonne nouvelle, c’est que l’Etat Nounou clientéliste a atteint ses limites. La classe politique ne pourra plus payer à crédit ses promesses. Désormais tous les arrosages clientélistes vont se payer cash en impôts ou en inflation. Le business model de la classe politique depuis 40 ans  – acheter des voix aujourd’hui avec l’argent de nos petits enfants – ne va plus fonctionner.

La dernière bonne nouvelle, c’est que cette traversée du désert a été une période de maturation idéologique importante dans les milieux militants libéraux qui se tournent massivement vers un libéralisme classique et l’Ecole autrichienne. Ce phénomène se retrouve aussi actuellement aux Etats-Unis avec un candidat comme Ron Paul. Le discours libéral classique est susceptible de séduire une partie nettement plus importante de l’opinion, y compris à gauche. 

Politiquement, la prochaine décennie ne ressemblera pas aux quarante dernières années. Nous allons souffrir dans nos vies personnelles et professionnelles à cause de la crise, mais d’un point de vue militant, ces prochaines années seront fructueuses, elles seront celles d’une reconquête devant un adversaire affaibli.

En attendant que le mouvement libéral se réorganise, un collectif libéral – dont je fais partie – présente une candidature fictive afin de faire exister des propositions libérales au cours de cette campagne. Le collectif Antigone a donc choisi d’inviter dans la campagne le libéralisme par une fenêtre décalée. Il présente un mort aux élections présidentielles : Frédéric Bastiat.

Frédéric Bastiat est l’un des plus grands auteurs du libéralisme classique, dont les écrits sont chaque semaine cités dans la presse quelque part sur la planète, mais hélas rarement en France. Il est pourtant au libéralisme ce que De Gaulle est au gaullisme ou Jaurès au socialisme, une figure incontournable. Cette campagne Frédéric Bastiat 2012, portée par des affiches, des vidéos, un livre de campagne et des tractages sur les marchés, aura donc pour objet de réveiller un débat aux présidentielles exclusivement tourné vers plus d'Etat. 2012 est l’année zéro pour le mouvement libéral. Mais le prochain quinquennat sera rythmé par un discours libéral de plus en plus puissant.

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