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Le plan global à 460 millions de dollars pour créer des vaccins et anticiper les épidémies les plus mortelles
©Reuters

Recherche mécènes

Le CEPI, la coalition pour les innovations à l'état de préparation s'est dotée d'un budget de 460 millions de dollars pour créer des vaccins qui anticiperont les virus comme Ebola. Le but recherché est d'éviter des épidémies mortelles comme cela a été le cas pour Ebola qui a sévi en Afrique de l'Ouest entre 2014 et 2015. Cette annonce va booster la recherche.

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet

Stéphane Gayet est médecin des hôpitaux au CHU (Hôpitaux universitaires) de Strasbourg, chargé d'enseignement à l'Université de Strasbourg et conférencier.

 

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Atlantico : La Cepi, une coalition internationale appelée " Coalition for Epidemic Preparedness Innovations" a été constituée et reçoit des financements de la part de la Fondation Bill et Melinda Gates, le Wellcome britannique et les gouvernements Allemand, Japonais et Norvégiens. Un budget de 460 millions de dollars a été réuni. Leur objectif principal est de pouvoir financer la recherche pour de trouver de nouveaux vaccins pour lutter contre des maladies comme Ebola qui ont fait de nombreuses victimes avant d'être endiguée à partir de 2014. Quel peut-être l'effet de cette annonce sur la recherche des nouveaux vaccins ? Est-ce que l'objectif d'avoir un vaccin correspondant à une maladie avant qu'elle ne se déclare quelque part sur terre est réaliste ?

Stephane GayetCette annonce est indiscutablement porteuse d'espoir. Il convient toutefois de préciser que cette masse financière concerne en réalité des promesses de dons, d'une part, et qu'elle ne constitue qu'à peine la moitié de la somme qui a été estimée comme nécessaire pour financer l'intégralité de ce programme de recherche, d’autre part. Les virus ciblés par la coalition CEPI sont des virus responsables de zoonoses, c'est-à-dire de maladies infectieuses dont l'agent pathogène – ici, un virus – a pour réservoir primordial un animal et passe ensuite à l'homme du fait d'une proximité liée en général à une modification du mode de vie. De surcroît, ces maladies virales frappent avant tout des pays tropicaux à faible niveau de vie, dont le système de santé est bien souvent rudimentaire et non performant. En d'autres termes, la mise au point de vaccins contre ces maladies virales tropicales n'intéresse pas particulièrement les laboratoires pharmaceutiques qui ne sont pas des entreprises philanthropiques. D'où la nécessité d'avoir constitué cette coalition CEPI financée par des dons, ce qui devrait permettre de pallier en partie l'absence d'implication des équipes de recherche de l'industrie pharmaceutique dans ce type de maladie virale peu rentable financièrement.

Il est pratiquement impossible d'anticiper l'apparition de nouvelles maladies virales chez l'homme. Même en sachant que leur réservoir primordial est en général l'animal et plus particulièrement un mammifère, il est utopique de croire que l'on pourrait, grâce à une étroite collaboration entre vétérinaires et médecins, prévoir le passage d'un virus de l'animal à l'homme. D'une part, dans bien des cas, l'animal n'est pas très atteint par l’infection virale, quand il n’est pas asymptomatique (aucun signe de maladie), d'autre part, comment explorer sur le plan microbiologique tous les mammifères susceptibles de rencontrer l’homme et soufrant d'infection ? Les virus du sida semblent provenir de gorilles et de chimpanzés, le virus Ebola de l'épidémie de 2014 semble provenir de chauves-souris (frugivores ou peut-être insectivores), le virus Corona du syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS) du Moyen-Orient (MERS-CoV) semble provenir de chameaux, etc. Les prochains virus proviendront peut-être de souris, de rats, de chats, de fennecs, de genettes, de phacochères… La liste est longue.

Il est plus que probable que d'autres maladies infectieuses virales graves et de fort potentiel épidémique frapperont l'homme à partir d'un réservoir animal. Mais le savoir ne permet pas d'anticiper ce phénomène, du moins dans l'état actuel de connaissances et de nos moyens. Ce qu'il faut, en revanche, c'est une vigilance épidémiologique intense, déjà en place dans beaucoup de pays, mais énormément de progrès restent à faire, précisément dans les pays tropicaux où ces épidémies prennent naissance. On le voit, nous devons nous attendre à la survenue de foyers épidémiques dus à de nouveaux virus, sans que l'on puisse sérieusement les prévenir. La réactivité efficace procède de la prévention secondaire, alors que la vaccination appartient essentiellement au domaine de la prévention primaire. Nous aurons d'autres épidémies sans vaccin au préalable, c'est certain. Mais avec des moyens très conséquents, on pourrait espérer mettre au point un vaccin rapidement après le début d’une épidémie liée à un nouveau virus. Cela modifie tout de même la donne et constitue une raison de croire en l’efficacité future de cet apport financier.

Quelles sont les difficultés concrètes auxquelles sont confrontés les chercheurs au moment d'élaborer un nouveau vaccin ? Cela sera-t-il aussi facile que ce qu'annonce cette coalition de chercheurs ? Pourra-t-on avoir un vaccin disponible pour lutter contre chaque maladie et chaque virus ?

Théoriquement, les virus sont les agents infectieux contre lesquels il est le plus facile d’élaborer un vaccin, car ce sont de simples particules biologiques sans métabolisme. De fait, alors que les antibiotiques sont (étaient ?) la meilleure arme contre les bactéries, les vaccins sont et seront sans doute longtemps la meilleure arme contre les virus, n’en déplaise aux détracteurs des vaccins (dont certains appartiennent à des mouvements fanatiques qui s’inspirent de considérations essentiellement philosophiques en rejetant en bloc toutes les données scientifiques).

Il est toujours utile de rappeler les grands succès de la médecine en matière de vaccins antiviraux : 1798 (vaccination contre la variole : Edward Jenner), 1885 (vaccination contre la rage : Louis Pasteur), 1937 (premier vaccin contre la grippe : Jonas Salk), 1937 (vaccin contre la fièvre jaune : Max Theiler), 1954 (vaccin inactivé, injectable, contre la poliomyélite : Jonas Salk), 1957 (vaccin atténué, oral, contre la poliomyélite : Albert Sabin), 1963 (vaccin contre la rougeole : John F. Enders), 1966 (vaccin contre les oreillons : Michiaki Takahashi), 1969 (vaccin contre la rubéole : Stanley A. Plotkin), 1973 (vaccin contre la varicelle : Michiaki Takahashi), 1976 (premier vaccin contre l'hépatite B : Philippe Maupas, puis Maurice R. Hilleman), 1980 (vaccin par recombinaison génétique contre l'hépatite B : Pierre Tiollais, en collaboration avec le laboratoire de Charles), 1992 (vaccin contre l'hépatite A), 2006-2014 (nouveaux vaccins : vaccin contre le zona ; vaccin contre les infections à papillomavirus, responsables de cancers du col de l'utérus ; vaccin contre les infections à rotavirus chez l'enfant, responsables de gastro-entérites). Il s’agit pour l’essentiel de maladies infectieuses à virus uniquement humains, à part la rage, la grippe A et la fièvre jaune. Ces maladies virales ont donné lieu à de très graves épidémies dans les pays tempérés, à part la fièvre jaune qui est une maladie tropicale. D’une part, il existait une forte motivation à leur trouver un vaccin (pays à haut niveau de vie), d’autre part, il s’agit de virus assez simples dans l’ensemble. C’est différent avec les épidémies virales tropicales ; de plus, l’exemple du virus VIH est éloquent : c’est un virus qui met les chercheurs en échec, car il a un génie particulier (il s’attaque au système immunitaire, cible de la vaccination, et il est changeant et adaptable). Le virus grippal est également changeant et peu prévisible, mais il est nettement plus simple que le virus VIH ; il n’en reste pas moins vrai que l’immunité ne dure qu’un an avec la grippe, car chaque année on a affaire à de nouvelles souches, d’où une partie de l’explication du scepticisme de la population vis-à-vis du vaccin grippal, par ailleurs d’efficacité variable selon les années.

Ce n’est donc pas gagné d’avance avec le programme de mise au point de vaccins antiviraux. Mais quand il s’agit de virus assez simples (différents des rétrovirus) et peu ou pas changeants (différents des virus grippaux), on devrait, en mettant d’importants moyens en jeu, y parvenir dans un délai raisonnable. Sincèrement, compte tenu de ces restrictions, l’état de la science en matière de virologie, d’immunologie et de vaccination peut nous laisser penser que l’on vaincra par la vaccination la plupart des virus humains. Il n’est pas exagéré d’affirmer que c’est même l’avenir de la lutte antivirale.

Mark Woolhouse, chercheur à l'Université d'Edimbourg a recensé une liste de 37 virus prioritaires à traiter. Parmi ces virus, trois maladies pourraient survenir à l'avenir ; le syndrome MERS (Middle East Respiratory Syndrom), la fièvre de Lassa et la maladie Nipah. Est-il réaliste de vouloir fixer des priorités sur certains virus ? Sur quels critères cette sélection pourrait être effectuée ?

Ces trois virus font peur ; les menaces qu’ils constituent sont bien réelles. Le syndrome respiratoire du Moyen-Orient (MERS) est une maladie respiratoire virale due à un nouveau coronavirus (MERS‐CoV), détecté pour la première fois en 2012 en Arabie saoudite et dont le réservoir semble être le chameau. Les coronavirus constituent une vaste famille de virus pouvant provoquer des maladies diverses, allant du rhume banal au syndrome respiratoire aigu sévère (SRAS). Environ 36 % des cas notifiés d’infection par le MERS-CoV ont abouti au décès du patient, ce qui est énorme. La fièvre de Lassa est due à un arénavirus, dont le réservoir est constitué de rongeurs. Cette maladie donne une fièvre hémorragique très grave qui est du même registre que la fièvre à virus Ebola. Le virus Nipah est un paramyxovirus (proche du virus de la rougeole) qui est responsable d’encéphalites mortelles. Il a été découvert en 1999 en Malaisie et son réservoir est le porc domestique. On le voit à travers ces trois exemples frappants, il s’agit encore de zoonoses qui se révèlent très graves chez l’homme. La contagiosité du syndrome MERS-CoV est moindre que celle des deux autres. Mais on peut tout à fait imaginer des scénarios catastrophes dans lesquels ces trois virus arriveraient dans des pays tempérés et y donneraient des épidémies dévastatrices. Car, contrairement aux maladies virales vectorielles (fièvre jaune, dengue, chikungunya…) qui sont dépendantes d’insectes diptères (moustiques, moucherons hématophages…), les virus de ces zoonoses se transmettent directement à l’homme et peuvent dès lors donner des épidémies d’extension rapide. Contrairement aux bactéries, nous n’avons le plus souvent pas de médicaments antiviraux efficaces contre ces agents pathogènes. Le principal espoir est donc vaccinal, d’où cette priorité du CEPI. La priorité doit porter sur de tels virus qui se transmettent directement - donc sans vecteur animal – et parfois rapidement, qui donnent des maladies pouvant être très graves et vis-à-vis desquels nous ne disposons d’aucun médicament curatif. Voilà donc un programme pertinent et porteur d’espoir. Mais attendons la suite avant de nous réjouir trop vite.

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